Les conséquences financières du décalage de planning dans les marchés publics de travaux

Publié le : 10/12/2009 10 décembre déc. 12 2009

Il n’est pas rare de voir des marchés publics, parfois très importants, prendre beaucoup de retard dès le début. L’entreprise qui a été retenue subit ces retards, et prend de plein fouet les conséquences financières qu’il engendre.

Appréhender les conséquences financières, et en réclamer le paiement au responsableTous les entrepreneurs qui exécutent des marchés publics de travaux le savent : les conséquences d’un décalage de planning peuvent être lourdes de conséquences, lorsque le chantier ne démarre pas, ou que, à la faveur d’une ou plusieurs modifications de programme, il subit d’importants changements.

Il n’est pas rare effectivement de voir des marchés publics, parfois très importants, prendre beaucoup de retard dès le début, parce que le budget public est revu à la baisse ou pas disponible, ou encore parce que les études révèlent des points à prendre en considération avant de commencer.

L’entreprise qui a été retenue subit ces retards, et prend de plein fouet les conséquences financières qu’il engendre.

Il en est de même lorsque, débuté, un marché subit des changements importants, parce que le programme évolue, ou que d’autres entreprises sont en retard.

Comment appréhender ces conséquences financières, et en réclamer le paiement auprès de la personne responsable du marché ?

Un arrêt de la cour administrative d’appel de MARSEILLES en date du 22 janvier 2009 (n°06MA 02304) vient rappeler quelques principes applicables à la matière.

Tout d’abord sur les modalités très strictes de réclamation, il est rappelé que les articles 50.1 à 50.32 du CCAG travaux (ancienne version) organisent de manière très rigoureuse les modalités de réclamation.

L’entreprise doit se montrer très vigilante sur l’organisation de sa réclamation.

Au-delà du principe de base selon lequel il n’y a pas de travaux sans ordre de service, elle doit garder à l’esprit que les ordres de service, s’ils sont contestés, doivent être assortis de réserves.

L’article 50.11 énonce alors la marche à suivre, il suffit de s’y référer, l’assistance d’un avocat spécialisé n’étant alors pas superflue :

" 50.11. Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, L'entrepreneur remet au maître d'oeuvre, aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations.

50.12. Après que ce mémoire a été transmis par le maître d'oeuvre, avec son avis, à la personne responsable du marché, celle-ci notifie ou fait notifier à l'entrepreneur sa proposition pour le règlement du différend, dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation.
L'absence de proposition dans ce délai équivaut à un rejet de la demande de l'entrepreneur.
50.2. Intervention du maître de l'ouvrage :
50.21. Lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la proposition de la personne responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande, il doit, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette proposition ou de l'expiration du délai de deux mois prévu au 12 du présent article, le faire connaître par écrit à la personne responsable du marché en lui faisant parvenir, le cas échéant, aux fins de transmission au maître de l'ouvrage, un mémoire complémentaire développant les raisons de son refus.
50.22. Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage.
50.23. La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage.
Si l'entrepreneur ne donne pas son accord à la décision ainsi prise, les modalités fixées par cette décision sont appliquées à titre de règlement provisoire du différend, le règlement définitif relevant des procédures décrites ci-après."


Cette « recette », dans le cas de l’arrêt commenté, avait été suivie très précisément par l’entrepreneur bien conseillé.

L’entrepreneur exposait les conséquences qu’avaient eu pour lui les conséquences du décalage de trois mois qu’avait subi le chantier, en terme notamment de planification de certains travaux initialement prévus à des périodes déterminées.

Il revenait également sur les conséquences des carences du maître d’œuvre, qui n’avait jamais fourni de calendrier détaillé d’exécution par corps d’état et par bâtiment avant le terme de la période de préparation, et sur les conséquences des atermoiements de ce maître d’œuvre, s’abstenant de définir un calendrier d’exécution, et remaniant continuellement le phasage des travaux (pas moins de 25 plannings produits en 1 an et demi !)

Enfin, l’arrêt relève que le retard des travaux n’est pas dû à l’entrepreneur, ce que démontre le rapport d’expertise, mais à l’organisation générale du chantier « tenant à une imprécision dans les opérations de déménagement des services et des personnes dans les locaux à restructurer ».

Le maître d’ouvrage avait été défaillant, faisant ainsi subir à l’entreprise des conséquences financières importantes, mais indemnisables.

Extraits :

Considérant que les nombreuses modifications du phasage des travaux qui en ont découlé, ont conduit pour le groupement Sogea Sud Ouest et Méridionale de travaux à des périodes de suractivité avec du matériel et du personnel supplémentaires alternant avec des périodes de sous-activité ; que l'impossibilité d'optimisation des personnels et des matériels a modifié substantiellement les conditions économiques prévalant lors de la passation du marché et entraîné une augmentation de la masse initiale des travaux ; qu'ainsi, les sociétés Sogea Sud Ouest et GFC Construction sont fondées à être indemnisées du montant des surcoûts résultant de la désorganisation du chantier, lesquels étaient indispensables à la réalisation des ouvrages , alors même qu'il ne s'agissait pas de sujétions imprévues;

Il est possible de tirer quelques enseignements de cet arrêt :

1 – les entrepreneurs doivent maîtriser le CCAG, ancienne et nouvelle version car ce texte organise très précisément les modalités de réclamation.
2 – le suivi d’un chantier implique, à parts égales, les notions techniques et les notions juridiques : l’entrepreneur très bon techniquement peut perdre beaucoup s’il n’est pas très rigoureusement suivi, juridiquement, au cours de l’exécution technique de son marché.
3 – entrepreneurs et maîtres d’ouvrage publics ont le plus grand intérêt à se parler, et à définir, en cours de marché, les modalités de prise en charge de tel ou tel événement : le recours à la transaction apparaît à cet égard plus que jamais utile et pertinent.(cf la circulaire du 7 septembre 2009)
4 – le recours à un avocat spécialisé s’impose…





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

DROUINEAU Thomas
Avocat
DROUINEAU 1927 - Poitiers
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