Le droit d'accès de l'usager aux informations médicales

Publié le : 05/12/2006 05 décembre déc. 12 2006

Etude du nouveau droit des patientsNous continuons par ce nouvel article sur le droit d'accès de l’usager aux informations médicales l'étude du nouveau droit des patients.

Vous pourrez vous référer utilement aux textes et documents suivants :

article L. 226 - 13 et 226 - 14 du code pénal
article 4 et 72 du code de déontologie médicale
article 1110 - 4 du code de la santé publique
article 1111 - 7 du code de la santé publique
article 1112 – 3 du code de la santé publique

et bien évidemment à la loi du 4 mars 2002 et les lois suivantes (6 août 2004, 13 août 2004, 22 avril 2005) ainsi que les décrets d'application, l'ensemble aujourd'hui codifié dans le code de la santé publique.


Le Conseil de l'Ordre des Médecins a encore rendu une circulaire sur la formation du patient datée du 18 août 2003.

L’ANEAS a publié ses propres recommandations en Février 2004 sous le titre accès aux informations concernant la santé d’une personne modalités pratiques et accompagnement.

Pour comprendre le droit d'accès nous allons devoir définir brièvement le secret médical et en particulier son application dans les relations système de santé/patient.

Le secret médical

Ce n'est faire injure à personne que de rappeler que le secret médical est un des éléments fondateurs de l’éthique de la santé, il figurait dès l'origine dans le serment d'Hippocrate et aujourd'hui complètement intégré à notre société il est repris à la fois dans le code pénal, le code de la santé publique et le code de déontologie médicale.

Ce secret a deux fondements la protection de l’ordre public et celle de la vie privée du malade.

Le bon fonctionnement de la société suppose que le malade trouve un médecin, or celui-ci ne pourra pas accomplir sa mission que si les confidences qui lui sont faites sont entourées d'un secret inviolable. Ici la protection du malade n'est qu'indirect et conçue comme un élément de l'ordre public. C'est la position de la chambre criminelle de la cour de cassation qui l'a conduit à qualifier le secret médical de général et absolu.

Le deuxième fondement dispose que le secret médical repose sur l'intérêt individuel du malade et son droit à protéger sa vie privée. Ce fondement conduit à avancer que l'usager comme étant le maître du secret pouvant à volonté le lever.

Le secret médical doit couvrir toutes les informations recueillies dans l'exercice de la profession. Cette conception large fait entrer à priori tous les faits connus par le médecin ou l'équipe soignante à l'occasion de l'exercice de leur profession.

Il reste qu'il n'est pas facile d'apprécier le lien du fait couvert par le secret avec l'exercice professionnel. Par exemple la révélation d'un fait ou une confidence recueillie par un membre du corps médical non en sa stricte qualité de professionnel mais dans le cadre d'une relation amicale n'est pas couvert par le secret médical.

De la même façon il est difficile de déterminer la frontière du secret lorsque le fait divulgué n'est pas de nature strictement médicale.

Le débiteur de l'obligation du secret est à la fois le médecin mais encore l'ensemble des professionnels intervenants dans le système de santé. Ce secret s'impose ainsi à tous les intervenants du système de santé et ce secret concerne également l'entourage professionnel du praticien.

Le secret médical est fondé sur la relation individuelle entre le professionnel et son malade. Cependant le secret doit être parfois partagée tout d'abord entre les différents médecins prenants en charge le malade et ensuite par l'ensemble d'une équipe médicale Seulement dans ces cas ou le suivi du malade nécessite un échange d'informations, le secret peut-être partagé.

Le but principal du secret est de protéger la relation médicale contre les immixtions des tiers, et il ne saurait donc être invoqué au sein de la relation patient professionnel. Par contre la jurisprudence considère que le médecin n'est pas tenu par la demande de son client et peut en invoquant le secret médical refuser de communiquer des informations aux tiers. La demande émanant de tiers doit évidemment être rejeter sauf dans les cas prévus explicitement ou implicitement par la loi.

Le professionnel n'est pas tenu au secret à l'égard des parents de l'enfant soigné car ceux-ci ne sont pas tiers par rapport à la relation médicale établie avec l'enfant. Cette règle souffre cependant des exceptions importantes nécessaires pour la protection de la vie privée du mineur : en particulier dans le domaine de la contraception et de l'interruption volontaire de grossesse ou encore si le mineur s’oppose à la consultation du ou des titulaires de l'autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé.

En ce qui concerne les ayants droits du malade le professionnel doit garder le secret cependant nous verrons que celui-ci peut être levé dans trois hypothèses par application de l'article L. 1110 – 4 alinéa 7 du code de la santé publique.

Nous allons voir que le droit d’accès à l’information médicale est largement issue du secret médical.

Les règles légales

C'est essentiellement l'article 1111 - 7 du code de santé publique qui fixe ces règles.

Cet article dispose que toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenue par des professionnels et établissements de santé.

L'article et son décret d'application définissent qui sont bénéficiaires de ce droit d'accès, les informations qui peuvent en faire l'objet, et les modalités pratiques.

Le bénéficiaire du droit d'accès

Ce droit d'accès bénéficie à l’usager, il sera exercé directement ou par l'intermédiaire d’un médecin. L’usager pourra se faire accompagner d’un tiers si le médecin réceptionnant la demande le propose et au seul cas où la prise de connaissance de ces informations ferait courir un risque à l'usager s'il n'était pas accompagné. Il faut cependant noter que l'usager conserve le droit de refuser cette proposition sans que cela ne remette en cause son droit d'accès.

Cependant le législateur parfaitement conscient des difficultés posées par la médecine psychiatrique a prévu dans cette hypothèse à titre exceptionnel dans le cas d'une hospitalisation sur demande d'un tiers ou d'une hospitalisation d'office que la consultation des informations peut être subordonné à la présence d'un médecin désigné par le demandeur en cas de risques d'une gravité particulière. Il est encore prévu que si le demandeur refuse, la commission départementale des hospitalisations psychiatriques rend un avis qui s'impose à tous.

Notons que l’ANAES dans sa recommandation de février 2004 prévoit la possibilité pour l'usager de se faire communiquer les informations par l'intermédiaire d'un mandant sans que celui-ci ne soit forcément médecin. Tel n'est pas notre avis. Seul l'usager ou un médecin désigné par lui peuvent avoir accès directement aux informations médicales du dossier (sauf cas des ayants droits).

La volonté du législateur a été de permettre à l'usager d'obtenir directement l’information.

Cependant le décret d'application tempère ce principe puisqu'il dispose que seul un médecin peut assurer la communication qui ne doit pas être purement administrative.

Ainsi sauf le cas peu probable où l'usager irait directement rechercher son dossier dans les archives de l'établissement en pratique cette communication se fera par l'intermédiaire d'un médecin.

En ce qui concerne les mineurs comme nous l'avons vu dans le cadre du secret médical c'est le détenteur de l'autorité parentale qui bénéficie de ce droit d'accès. Cependant le mineur peut s'y opposer s'il a reçu des soins qu’il veut conserver secrets.

Nous attirons votre attention sur un risque de contradiction qui peut exister entre le droit d'accès de l'autorité parentale seulement limitée en cas d'opposition du mineur alors même que le dossier médical comporte des indications sur la vie intime du mineur confiées au médecin et dont ce dernier s'estime en conscience dépositaire. Il nous semble que la confidentialité pourrait être maintenu malgré le texte par application de l'article 16 de la Convention internationale des droits de l'enfant, convention qui dans la hiérarchie législative est supérieure à la loi française.

Nous pouvons noter ici que le texte n'a rien prévu en six concerne le majeur sous tutelle et dans ces conditions de droit commun s'applique : son représentant légal sera le bénéficiaire de droits d'accès.

Les ayants droits de l'usager peuvent avoir accès aux informations médicales concernant le décédé dans trois cas très précisément visés par l'article 1110 - 4 du code de la santé publique :

- pour connaître la cause du décès,

- pour défendre la mémoire du défunt,

- pour faire valoir leurs droits.

L'usager avant son décès peut s'opposer à toute communication du dossier médical à ses ayants droits. Cette opposition est sans appel.

Les informations communicables

Le texte stipule que toutes les informations formalisées et qui ont contribué à l'élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d'une action de prévention doivent faire l'objet de la communication. Le texte y rajoute toutes les informations qui ont fait l'objet d'échanges écrits entre les professionnels. La loi donne aussi une liste qui n'est pas limitative. Il précise encore que les informations provenant de tiers au système de santé ne sont pas communicables.

Il en ressort que l'ensemble du dossier médical n’est pas à notre avis communicable.

Cette définition contient deux critères : les informations formalisée, et qui ont contribuées à l’acte médical, qu’il va nous falloir apprécier.

Le terme « formalisé » utilisé par le législateur est vague. Certains ont pu se poser la question des notes internes entre les membres d'une équipe ou des notes personnelles des soignants.

La doctrine juridique en vigueur considère que les simples notes préparatoires, les brèves annotations, semblent exclues de l'obligation de communication.

Lors des débats le ministre a précisé que : « les notes présidant à la rédaction définitive du dossier, les notes d'un étudiant, les réflexions d'un médecin ne font pas partie de la formalisation d'un dossier »

L’APHP retient pour sa part le critère du document dactylographié ou qui aurait pu l'être.

Cependant la commission d'accès aux documents administratifs a considéré que dès lors que les documents sont inclus physiquement dans le dossier médical il doivent en principe être communiqués en cas de demande (lettre du président de la CADA au directeur général de l’APHP du 18 juillet 1999). Cet avis est antérieur à la nouvelle réglementation.

En pratique

En tout état de cause la réglementation actuelle induit la notion d'un tri préalable dossier avant communication : le dossier médical doit être organisé en plusieurs groupes d'informations dont certains ne sont pas communicables.

Les problèmes posés par l'accès au dossier médical seront essentiellement matériels. Il appartiendra à chaque établissement de les résoudre.

La demande doit être adressée à la direction de l'établissement et la communication doit être effectuée par le chef de service ou le responsable médical de l'établissement.

Dans tous les cas il convient avant tout traitement de la demande que le destinataire s'assure de l'identité du demandeur avec certitude. Elle n'a pas être motivée sauf dans le cas des ayants droits.

La consultation est gratuite mais la communication faite sous forme de copie entraîne des frais de reproduction et d'envoi à la charge demandeur.

Le texte prévoyant la possibilité d'accompagner de l'usager dans son accès au dossier médical par un accompagnant cette possibilité devra être communiquée à l'usager dans le livret d'accueil et encore rappelé à celui-ci à chacune de ses demandes. L’ANAES conseille d'inclure un formulaire de demande dans le livret d'accueil.

Lorsque l'établissement aura reçu la demande il ne pourra répondre qu'après avoir épuisé un délai de 48 heures et au plus tard dans les huit jours de la réception de la demande. Ce délai est relativement bref, il conviendra d’y veiller.

Il est rallongé dans l'hypothèse prévue par l'article 1111 - 7 sur les hospitalisations à la demande de tiers ou d'office, pour permette à la commission régionale d'hospitalisation de donner son avis. Le délai est porté dans ce cas à deux mois.

Il est encore allongé de la même durée de 2 mois si les informations médicales datent de plus de cinq ans à compter de la date à laquelle elles ont été constituées.

Nous venons de voir qu’il pouvait subsister quelques difficultés dans la pratique du texte, le retour aux fondamentaux doit permettre de les résoudre, c’est ce que nous avons tenté de faire..





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

DAURIAC Eric
Avocat Associé
DAURIAC, PAULIAT-DEFAYE, BOUCHERLE, MAGNE, Invités permanents : anciens présidents
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