
Condamnation à la démolition d’une villa menacée par l’érosion
Publié le :
12/11/2024
12
novembre
nov.
11
2024
Par un jugement du 1er octobre 2024, le Tribunal Judiciaire de Bordeaux a condamné le propriétaire d’une villa au Cap Ferret à la démolir.En février 2017, un permis de construire a été délivré sur la commune de Lège-Cap-Ferret pour la démolition d'une maison et la réalisation d'une nouvelle construction, avenue de la Conche.
Sur déféré préfectoral, la juridiction administrative a annulé cette autorisation d’urbanisme en raison du risque lié à l’érosion de la zone.
La Cour administrative d’appel de Bordeaux a rappelé à cette occasion que pour l'application de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme concernant les risques d'érosion ou de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ces risques en prenant en compte notamment :
- la situation de la zone du projet au regard du niveau de la mer,
- sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer,
- le cas échéant, le risque de rupture ou de submersion de cet ouvrage compte tenu de son état, de sa solidité et des précédents connus de rupture ou de submersion.
Or, dans cette affaire, la Cour a reconnu que :
- Le terrain d’assiette du projet est soumis à un phénomène d'érosion marine avéré et irréversible,
- Le scénario d’un recul du trait de côte de 50 mètres à l'horizon d'un siècle, soit la durée de vie moyenne du bâti, constitue le scenario le moins défavorable retenu dans les études,
- L'efficacité de la protection contre l'érosion censée être assurée par les ouvrages disposés sur le littoral n'est pas certaine en raison notamment de leur état d'entretien,
- Le terrain se situe à environ 20 mètres seulement du trait de côte,
- Aucun élément du dossier ne permet d'estimer que le terrain d'assiette du projet et le secteur environnant seraient exempts de tout risque d'effondrement soudain du sol dont la survenance est de nature à entraîner des conséquences graves pour les vies humaines.
Dans ces circonstances, la Cour administrative d’appel a jugé que la délivrance du permis de construire par le maire procède d’une erreur manifeste d’appréciation (voir sur ce point : CAA Bordeaux, 3 novembre 2020, n° 18BX04220, CE, 28 décembre 2021, n° 448340).
Néanmoins, dans l’intervalle, le bénéficiaire de l’autorisation avait fait édifier la construction.
Le Préfet a donc saisi le Tribunal Judiciaire d’une demande de démolition sous astreinte.
Après une analyse détaillée sur la possibilité, ou non, d’une régularisation de la construction édifiée, le Tribunal a notamment constaté que :
- Au mieux, le recul moyen est de 0,5 mètre par an, soit 15 mètres sur 30 ans, ce qui fait que la propriété se retrouverait à 5 mètres du trait de côte outre le risque de recul soudain lié aux évènements exceptionnels de 10 mètres supplémentaires,
- La racine du Mimbeau a déjà subi des brèches importantes,
- La présence d’un ouvrage en bon état d’entretien et la création d’une association syndicale autorisée sont insuffisantes pour être pris en compte comme formant la protection d’une zone géomorphologique homogène.
Finalement, après une analyse approfondie des études produites à l’instance, le Tribunal juge que la présence d’ouvrage de protection ne fait pas disparaître les risques à la fois d’érosion et de submersion sur la durée et, par conséquent, que le motif d’annulation du permis de construire n’est pas susceptible de régularisation.
La condamnation à démolir est prononcée sous astreinte.
Cette décision n’est qu’une illustration supplémentaire de l’impérieuse nécessité de prendre en compte le risque lié à l’érosion dans l’aménagement du territoire.
Plus que jamais, la commune risque de voir sa responsabilité engagée pour avoir délivré un permis de construire illégal.
TJ Bordeaux, 1er octobre 2024, n° 23/00893.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Elorri DALLEMANE
Avocate
1927 AVOCATS - Poitiers
LA ROCHELLE (17)
Historique
-
Vidéo : le supplice de la mise en état
Publié le : 14/11/2024 14 novembre nov. 11 2024Particuliers / Civil / Pénal / Procédure civileLa justice, c'est long. C'est vrai. Bon après, fondamentalement, mieux vaut prendre son temps que de commettre l'irréparable. C'était censé être le but de la...
-
Une occupation gratuite du domaine public pour toutes les associations désormais possible avec la loi du 15 avril 2024
Publié le : 13/11/2024 13 novembre nov. 11 2024Collectivités / Finances locales / Fiscalité/ Gestion de fait/ Chambre des ComptesLes associations constituent un socle fondamental pour animer et soutenir la vie communale, et à plus grande échelle, la vie de notre pays. Aujourd’hui, le...
-
La rupture du Contrat de travail à durée déterminée (CDD) pendant la période d’essai par le salarié
Publié le : 12/11/2024 12 novembre nov. 11 2024Particuliers / Emploi / Contrat de travailLe contrat à durée déterminée (CDD) est un type de contrat de travail dont la durée est fixée à l'avance. Il offre une grande flexibilité aux entreprises,...
-
Condamnation à la démolition d’une villa menacée par l’érosion
Publié le : 12/11/2024 12 novembre nov. 11 2024Collectivités / Urbanisme / ExpropriationPar un jugement du 1er octobre 2024, le Tribunal Judiciaire de Bordeaux a condamné le propriétaire d’une villa au Cap Ferret à la démolir. En février 201...
-
Point sur la nature du contentieux des contestations d’attribution de conventions domaniales
Publié le : 12/11/2024 12 novembre nov. 11 2024Collectivités / Services publics / Service public / Délégation de service publicDepuis l’ordonnance n°2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, l’occupation ou l’utilisation du domaine public est soumis...
-
Vidéo : Les avocats et la jurisprudence
Publié le : 12/11/2024 12 novembre nov. 11 2024Particuliers / Civil / Pénal / Procédure civileEn voilà une lubie ! Il est en effet très courant dans la profession de préférer "comment la loi est appliquée" plutôt que de savoir "comment la loi est écri...