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Confusion de patrimoines constatée entre une SARL et sa gérante
Publié le :
29/11/2013
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11
2013
La Cour de Cassation vient de donner une illustration frappante de la notion de confusion de patrimoines, dont les conséquences sont extrêmement concrètes et douloureuses pour celui qui les subit.
Gérant d'une SARL et confusion de patrimoinesCass. com., 1er oct. 2013, n° 12-24.817, n° 888 F-D.
La Cour de Cassation vient de donner une illustration frappante de la notion de confusion de patrimoines, qui apparaît parfois, sans mauvais jeux de mots, confuse, mais dont les conséquences sont, quant à elles, extrêmement concrètes et douloureuses pour celui qui les subit.
La description des faits de l’espèce permettront de mieux appréhender une situation qui se retrouve très fréquemment au sein du tissu entrepreneurial français.
Madame X, gérante d’une SARL ayant pour activité la fabrication et la commercialisation de papier, a conclu un bail commercial portant sur des terrains et des bâtiments à usage de moulin à papier.
A ce stade, rien d’anormal.
Toutefois, une petite particularité surgit dès lors que le bailleur n’était autre que Madame X, propriétaire à titre personnel des terrains et locaux donnés à bail.
Quelques temps après, la gérante quittait ses fonctions, la gérance étant dès lors assumée par sa fille.
Cette architecture familiale est très fréquente ce qui rend d’autant plus intéressant l’arrêt rendu par la Haute Cour.
Malheureusement, l’activité a commencé à péricliter et la nouvelle gérante, la fille, a du solliciter l’ouverture d’une procédure collective.
La liquidation judiciaire est devenue inévitable.
C’est alors que le liquidateur de la SARL a entrepris de faire étendre la procédure de liquidation de la société à l’ancienne gérante qu’il a attrait devant le Tribunal de Commerce.
Rappelons que l’article L 621-2 alinéa 2 rédigé ainsi permet cette extension :
« A la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d'office, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. A cette fin, le tribunal ayant ouvert la procédure initiale reste compétent. »
Le Tribunal de Commerce par un jugement du 11 mars 2011, a fait droit à la demande du liquidateur et a étendu à l'ancienne gérante la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la SARL.
Les conséquences étant très importantes, elle a interjeté appel de ce jugement.
Par un arrêt du 11 juin 2012, la Cour d’Appel compétente en l’occurrence celle de Bordeaux, a confirmé le jugement en mettant en évidence un certain nombre de critères lui ayant permis de forger sa conviction.
Ces éléments factuels doivent servir de guide pour mesurer le risque d’aboutir à une confusion de patrimoines.
Il a ainsi été relevé que :
- l'ancienne gérante avait laissé la SARL locataire bénéficier des locaux où elle exploitait son activité, sans recevoir en contrepartie les loyers contractuellement dus,
- l'importance des travaux réalisés dans les lieux loués et supportés par la SARL locataire excédait la notion même de travaux afférents à un bail commercial,
- malgré l'importance des loyers impayés, l'ancienne gérante bailleur n'avait formulé aucune réclamation à l'encontre de sa locataire et n'avait nullement sollicité la résiliation du bail,
- que ce faisant, la bailleresse avait permis à la SARL de continuer à fonctionner sans faire face à l'ensemble de ses charges et qu'il était donc manifeste que l'ancienne gérante ne faisait pas la différence entre son patrimoine et celui de la société dont elle avait été la gérante.
A l'appui de son pourvoi, elle reproche à la Cour d'Appel d'avoir prononcé la confusion des patrimoines, alors que selon les deux branches du moyen soulevé :
- l'abstention, même prolongée d'un bailleur à réclamer au preneur le paiement des loyers n'est pas suffisante à caractériser l'existence de relations financières anormales constitutives d'une confusion de patrimoine,
- qu'en outre la réalisation par le preneur dans les locaux loués de travaux exécutés en application d'une clause licite du bail commercial ne pouvait suffire à caractériser des relations financières anormales avec le bailleur qui seraient constitutives d'une confusion de patrimoine, malgré l'importance des travaux réalisés dans les lieux loués.
La Haute Cour, après avoir rappelé que le liquidateur judiciaire avait demandé que la procédure collective de la société, locataire de locaux commerciaux, soit étendue à la bailleresse en raison de la confusion de leurs patrimoines, a validé le raisonnement adopté par la Cour d’Appel de Bordeaux, mettant en évidence les points suivants :
- l'arrêt d’appel retient que le loyer était, selon l'attestation d'un agent immobilier, inférieur de moitié à la valeur locative,
- que le loyer n'a pas été réclamé pendant plusieurs années, qu'aucune quittance n'a été produite, qu'aucune demande de résiliation du bail n'a été présentée,
- que la société locataire a effectué dans les lieux, en en supportant le coût, d'importants travaux d'édification et de construction excédant « la notion même de travaux afférents à un bail commercial », ces travaux restant, en fin de bail, la propriété de la bailleresse sans indemnité en vertu d'une clause d'accession même licite,
- que la bailleresse ne faisait pas la différence entre son patrimoine et celui de la SARL dont elle avait été gérante.
L’ancienne gérante de la SARL, bailleresse de cette dernière, a été sanctionné pour n’avoir pas veillé à ce que sa locataire respecte ses obligations locatives, d’autant plus en présence d’un loyer minoré.
Cet arrêt est important à plus d’un titre.
Tout d’abord, il rappelle le travail minutieux opéré par les juridictions pour décortiquer les relations existantes entre les différents intervenants à une procédure collective pour caractériser une éventuelle confusion de patrimoine.
Ensuite, il rappelle qu’en droit des sociétés, quelque soit le type de structure y compris celle de petite taille et de nature familiale, chaque entité juridique, personne morale, personne physique, dotée de la personnalité morale, doit poursuivre un seul objectif, la défense de ses intérêts propres.
Cet article a été rédigé par Me Olivier COSTA. Il n'engage que son auteur.
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