
Licenciement et PSE homologué : attention à envisager toutes les possibilités de reclassement
Publié le :
04/07/2024
04
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2024
Par un arrêt rendu en date du 15 mai 2024 (Cour de cassation, Chambre sociale, 15 mai 2024, Pourvoi n° 22-20.650), la Chambre sociale de la Cour de cassation a apporté une nouvelle illustration de la délicate articulation entre PSE et obligation de reclassement.Dans cette affaire, une société SCHIEVER DISTRIBUTION avait engagé, en 2014, une procédure de licenciement économique de plus de 10 salariés sur moins de 30 jours, et avait, à ce titre, élaboré un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) homologué par l’administration.
Treize salariés ont contesté leur licenciement, ce, alors même, qu’ils avaient refusés les propositions de reclassement qui leur avaient été faites.
En 2022, la Cour d’appel de DIJON a jugé les licenciements privés de cause réelle et sérieuse, motif pris que l’employeur ne justifiait pas que le périmètre de reclassement devait être limité aux seuls postes qui ont été proposés.
La société SCHIEVER DISTRIBUTION a formé un pourvoi en cassation au visa, notamment, de l’article L 1233-4 du Code du travail dans sa version, alors, applicable.
En filigrane, la position de l’employeur se fondait sur l’homologation d’un PSE par l’Administration, qui selon lui « fixait » le périmètre des recherches de reclassement.
La Cour de cassation a pourtant confirmé la position des Juges d’appel, retenant :
« . Il résulte de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qu'il appartient à l'employeur, même quand un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement prévues ou non dans ce plan et de faire des offres précises, concrètes et personnalisées à chacun des salariés dont le licenciement est envisagé, de chacun des emplois disponibles, correspondant à leur qualification.
(…)
« 9. La cour d'appel a relevé que l'employeur n'avait communiqué aucun élément permettant de vérifier que le périmètre de reclassement au sein du groupe qu'il avait retenu était exact au regard des critères de permutabilité, ni ne justifiait des courriers de recherche de reclassement adressés aux entités du groupe dont il ne produisait aucun organigramme, ni même son registre d'entrée et de sortie du personnel, et qu'il s'était borné à communiquer aux salariés une proposition individualisée sur une liste de postes disponibles recensés dans le PSE.
10. Elle en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que l'employeur ne justifiait pas du respect de son obligation individuelle de reclassement. »
La Cour énonce donc que l’employeur ne peut se contenter de l’homologation du PSE pour justifier d’avoir respecté son obligation de reclassement.
Cette décision a de quoi surprendre en pratique.
En effet, le Plan de Sauvegarde de l’Emploi est le fruit d’une longue course d’obstacles.
L’employeur doit généralement parvenir à un accord négocié avec les organisations syndicales représentatives et prévoyant toute une batterie de mesures destinées à limiter le nombre de licenciement : actions de reclassement internes, soutien à la formation, à la création d’entreprises, formations, congés de reclassement etc.
Au centre de ces mesures figurent bien entendu les propositions de reclassement que l’employeur s’engage à formuler avant de prononcer le licenciement.
Le Plan ainsi élaboré se trouve ensuite soumis à l’examen scrutateur de l’Administration, qui n’hésite pas à inviter l’employeur à revoir sa copie notamment si les efforts de reclassement lui semblent insuffisants.
Nous pourrions donc légitimement s’attendre à ce que l’homologation du PSE « couvre » la preuve du respect, par l’employeur, de son obligation de reclassement.
Il n’en est rien et la Cour de cassation ne semble opérer rien d’autre qu’une lecture stricto sensu des textes.
Ainsi, le Code du travail, en son article L 1233-4 (en sa rédaction alors applicable mais la réécriture de 2017 n’est pas susceptible de modifier cette solution), ne prévoit aucune exception à l’obligation pour l’employeur de prouver avoir rempli son obligation de reclassement.
Cette solution est, en réalité, dans la continuité d’une jurisprudence constante.
En effet, la Cour de cassation avait déjà retenu l’obligation pour l’employeur d’envisager toutes les possibilités de reclassement y compris si elles n’avaient pas été prévues par le PSE (Cass. soc., 26 mars 2002, n° 00-40.898).
Les entreprises menant un PSE doivent donc faire preuve d’une double vigilance : stricte application du PSE, bien sûr, mais aussi mobilisation de toutes les possibilités de reclassement y compris si elles n’ont pas été évoquées et retenues dans le plan.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Caroline HENOT
Avocate Associée
CORNET VINCENT SEGUREL LILLE
LILLE (59)
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