
Liquidation d'astreintes en matière d'occupation irrégulière du domaine public
Publié le :
25/08/2015
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2015
La faculté reconnue aux juges de prononcer et de liquider une astreinte en vue d'assurer l'exécution de la leurs décisions à l'encontre d'une personne privée occupant irrégulièrement le domaine public est un principe général du droit qui ne méconnaît pas les droits fondamentaux des justiciables.Telle est la solution d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 6 mai 2015 dans une affaire n° 377487 au terme de laquelle le contrevenant se voit condamné à verser plus de 100 000 € d'astreinte pour ne pas avoir libéré le domaine public maritime !
I. A L'ORIGINE DE CETTE DECISION
Dans cette affaire, le requérant avait définitivement été condamné à remettre en état les lieux qu'il occupait sur le domaine public maritime à Bonifacio sous astreinte de 75 € par jour de retard à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la signification de la décision.
Le requérant n'ayant pas totalement supprimé l'appontement, l'escalier et la cale de mise à l'eau litigieuse, le Tribunal administratif de Bastia liquida l'astreinte par deux jugements successifs pour des montant respectifs de 88 575 € et 43 425 €.
Saisi de l'appel formé contre ces deux décisions, la Cour administrative d'appel de Marseille confirma le premier jugement et ramena l'astreinte prononcée par le second à la somme de 11 580 €.
Statuant sur le pourvoi formé contre cet arrêt, le Conseil d'Etat confirme la décision des juges Marseillais et conforte juridiquement la faculté pour le juge administratif de garantir l'exécution de ses décisions en prononçant une astreinte qu'il pourra liquider si l'administré refuse de s'exécuter.
II. LE POUVOIR DE PRONONCER ET DE LIQUIDER UNE ASTREINTE EST UN PRINCIPE GENERAL DU DROIT RESPECTUEUX DES DROITS FONDAMENTAUX DU JUSTICIABLE
Après avoir rappelé que l'instance relative à la liquidation d'astreinte ne peut avoir pour objet de revenir sur la décision condamnant l'administré à remettre en état le domaine public irrégulièrement occupé, le Conseil d'Etat précise le fondement du pouvoir reconnu au juge administratif de prononcer et de liquider des astreintes.
2.2 Une faculté du juge fondée sur un principe général du droit
Le Conseil d'Etat précise que la faculté reconnue au juge de prononcer et de liquider une astreinte à l'encontre d'une personne privée pour garantir l'exécution de leurs décisions a le caractère d'un principe général du droit.
Autrement dit, ce pouvoir, qui ne résulte d'aucun texte de loi, trouve son fondement dans une règle de droit non écrite dégagée par le juge à partir de l'état de droit et des "conceptions idéologiques de la conscience nationale"[1].
Ce "principe", qui a ainsi une valeur infra-législative et supra-décrétale, s'impose au justiciable et le juge administratif peut en faire usage même d'office.
En matière d'occupation irrégulière du domaine public ce pouvoir constitue une arme redoutable pour obtenir du contrevenant qu'il quitte les lieux en procédant, le cas échant, à une remise en état souvent très couteuse.
2.3 L'astreinte ne méconnait pas les droit fondamentaux du justiciable
Ce pouvoir du juge n'étant prévu par aucun texte, le requérant invoquait une violation de l'article 8 de la Déclaration des Droit de l'Homme (DDHC) qui prévoit le principe de légalité des peines, c’est-à-dire le principe selon lequel nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
L'argument est rejeté par le Conseil d'Etat au motif que l'astreinte ne constitue ni une peine ni une sanction au sens de l'article 8 de la DDHC.
De la même façon l'argument tiré de la violation de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits l'Homme (CESDH) qui protège le droit au respect des biens est rejeté.
Le Conseil d'état rappelle en effet d'une part, que la notion de "loi" au sens du droit européen concerne aussi bien le droit écrit que le droit non écrit tel que la jurisprudence et les principes généraux du droit et d'autre part, que le pouvoir du juge de prononcer et de liquider des astreintes à l'encontre des personnes occupant irrégulièrement le domaine public est utilisé par le juge administratif depuis des décennies et demeure donc parfaitement prévisible pour le justiciable.
III. CE QU'IL FAUT EN RETENIR :
La personne faisant l'objet d'une action contentieuse devant le juge administratif pour occupation irrégulière du domaine public doit prévoir que le juge pourra assortir d'office l'injonction de libérer les lieux d'une astreinte qui sera liquidée si à l'issue du délai accordé l'injonction n'est pas entièrement exécutée.
Cette décision est à rapprocher de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 27 mai 2015, n°385235 au terme duquel les juges du Palais Royal ont fermement rappelé que le juge des référés statuant d'office ou à la demande d'une partie sur la liquidation d'une telle astreinte à l'obligation de veiller au respect du principe du contradictoire.
Index:[1] P.-L. Frier, J. Petit, Précis de droit administratif, coll. Domat, Montchrestien 8ème éd. 2013, p.108
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © antoinemonat- Fotolia.com
Auteur
ROUSSE Christian
Historique
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