Appréciation de la disproportion du cautionnement

La cour de cassation refuse au banquier de s’appuyer sur une fiche de renseignements remplie un mois après la conclusion du cautionnement pour apprécier la disproportion

Publié le : 02/05/2024 02 mai mai 05 2024

Cass. com., 13 mars 2024, n° 22-19.900

En application des articles L.341-4 puis L.332-1 anciens du code de la consommation, encore applicables aux contrats de cautionnement conclus avant le 1er janvier 2022,« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

Le nouvel article 2300 du Code civil, qui s’applique aux cautionnements souscrits à compter du 1er janvier 2022, dispose désormais que « Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager à cette date. »

Très simplement, il convient de retenir de ces textes qu’à peine de sanction (inopposabilité du cautionnement pour les contrats souscrits avant le 1er janvier 2022 ou réduction du montant garanti pour les cautionnements souscrits après cette date), le banquier doit s’assurer qu’au moment où il fait signer une caution personne physique, son engagement est proportionnel à ces revenus et patrimoine.

Le banquier a donc l’obligation de se renseigner sur la situation de la caution et il peut se ménager la preuve de cette démarche en faisant signer à cette dernière un document déclaratif de sa situation de revenus, patrimoine et charges, communément appelé « fiche patrimoine » ou « fiche de renseignements caution ».

Ce document fait foi et la caution signataire, si elle est appelée pour exécuter son engagement, ne peut contester les éléments qui y figurent pour tenter de démontrer, a posteriori, la disproportion de son engagement au jour où elle a contracté, sauf à dénoncer des anomalies apparentes contenues dans la fiche (telles que par exemple des surcharges).

La question de la concomitance de la régularisation de cette fiche de renseignements avec la date du cautionnement lui-même s’est souvent posée en jurisprudence.

Il existe un foisonnement de décisions en cas de préexistence de la fiche de renseignements par rapport à la signature du cautionnement.

Il est jugé avec constance :
 
  • que la fiche antérieur au cautionnement fait foi pour établir la consistance des revenus, patrimoine et charges de la caution, au jour de son établissement,
 
  • et que des lors, la caution peut s’appuyer sur des évolutions survenues entre la date de signature de la fiche et celle du cautionnement pour prouver la disproportion.
(Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 30 août 2023, n° 22-13.270).

Singulièrement, dans une espèce où la fiche de renseignements produite n’avait pas été signée antérieurement au cautionnement mais postérieurement, une banque a imaginé soutenir « que si cette fiche de renseignements doit être établie à une époque contemporaine de la conclusion du contrat de cautionnement, elle n’a pas à lui être nécessairement antérieure ni concomitante, et peut ainsi lui être postérieur, sauf à ce que la caution démontre que sa situation a évolué entre la conclusion du contrat de cautionnement et l’établissement de la fiche d’information ; qu’en refusant en conséquence de tenir compte de la fiche de renseignements (…) , au seul motif qu’elle avait été établie postérieurement à la conclusion du cautionnement (…) sans constater que la caution invoquait et démontrait que sa situation patrimoniale aurait évolué entre ces deux dates, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L341–4 du code de la consommation en sa rédaction applicable au litige, devenu l’article L332–1 du même code ».

Le raisonnement par analogie était séduisant.

Cependant la Cour de cassation a jugé
, dans son arrêt du 13 mars 2024 numéro 22–19. 900 que « si ce texte [l’article L341–4 anciens du code de la consommation] n’impose pas au créancier, sauf anomalie apparente, de vérifier les déclarations fournies par la caution, à qui incombe de prouver la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, le créancier a le devoir de s’enquérir de la situation patrimoniale de cette dernière, avant la souscription du cautionnement, de sorte qu’il ne peut être tenu compte, pour l’appréciation de la disproportion, d’une fiche de renseignements signée postérieurement.

C’est, dès lors, à bon droit que la cour d’appel a retenu que pour l’appréciation de la disproportion manifeste du cautionnement (...), La banque ne pouvait pas se prévaloir des déclarations faites par Monsieur G dans la fiche de renseignements qu’il lui a remise (…) plus d’un mois après la souscription de son engagement ».

Cette jurisprudence devrait s’appliquer aux cautionnements souscrits après le1er janvier 2022, apprécié à la lumière du nouvel article 2300 du Code civil.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

OLLAGNON-DELROISE Carole
Avocate Associée
OLLAGNON-DELROISE Carole
CHAMBERY (73)
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