Propriétaire indivis et pouvoirs de gestion limités
Publié le :
03/05/2024
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Partager une propriété en quotes-parts c’est la soumettre au régime de l’indivision soit pleine et entière soit démembrée. Il ne faut pas confondre l’indivision avec la « multipropriété » qui n’est qu’un partage de jouissance et de charges.Être en indivision c’est partager la jouissance d’une part et assumer les frais de conservation, d’entretien et de travaux nécessaires suivant ce qui est prévu dans le texte source de l’indivision : la loi ou la convention.
Si la propriété est d’habitation la jouissance partagée doit se régler ou être louée à un indivisaire ou un tiers, si elle est commerciale elle doit rapporter à l’indivision quelle que soit la personne locataire : indivisaire ou étranger.
Un indivisaire a-t-il alors tout pouvoir pour engager des frais d’une part ou donner à bail d’autre part sans l’accord des autres, le cas d’urgence mis à part ?
Une nouvelle fois la cour de cassation a pris parti par un arrêt du 6 mars 2024 n° 22-11129 net et clair en déclarant inopposable aux coindivisaires un bail d’habitation consenti par un seul d’entre eux.Depuis la loi de 2006 cet acte ne nécessite pourtant pas l’unanimité des indivisaires puisque la signature d’un bail d’habitation par deux tiers des droits indivis (possédés par une seul ou plusieurs indivisaires) est possible selon les dispositions de l’article 815-13 1er alinéa 4° du code civil.
A contrario tous les autres types de baux (artisanal, industriel, commercial, rural) nécessitent l’unanimité des coindivisaires (article 815-13 1er alinéa du code civil) précité).
Si l’un des indivisaires est hors d’état de manifester sa volonté on peut recourir à la Justice (art. 815-4 code civil) ; et si un refus met en péril l’intérêt commun l’acte peut aussi être autorisé en justice (art. 815 code civil) ; ce peut être le cas si un loyer est nécessaire pour assurer des dépenses liées à la propriété ou de l’indivision en général, ou pour éviter une dégradation supplémentaire du bien.
La cour de cassation rappelle donc que la sanction n’est pas la nullité du bail mais l’inopposabilité, ce qu’elle avait déjà est jugé depuis longtemps : Cass. Civ. 3°, 12 avril 1995, n° 92-20732 : la dation d’un bail d’un bien indivis doit être consentie par tous les indivisaires sous peine d’inopposabilité.
D’autre part un indivisaire est recevable à agir pour faire cesser les actes accomplis par un autre indivisaire (Cass. Civ. 1, 12 septembre 2018, n°17-10952 pour un cas dans lequel un terrain a été donné à bail à une commune suivi d’une vente sans condition suspensive par une seule indivisaire mais où la cour de cassation reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si les autres indivisaires au courant de l’opération et sans opposition de leur fait n’avaient pas donné mandat tacite valant acceptation des actes).
L’indivisaire aurait pu cependant voir son acte validé :
- En cas de consentement de tous les autres indivisaires, ou de ratification du bail consenti par un seul,
- ou s’il s’était agi d’un gérant désigné par la convention d’indivision ou tout autre acte,
- ou s’il apparaissait comme gérant de fait ayant contracté au su et au vu de tous et sans opposition,
- ou si le bien est attribué à l’indivisaire « bailleur » dans le partage (Cass. Civ. 1°, 30 juin 2004, N° 99-15294 ; Civ. 1, 1er février 2017, n° 15-22412),
- ou s’il y avait urgence ou acte conservatoire indispensable à réaliser. Ce qui peut être le cas d’un renouvellement de bail mais sans doute pas de la conclusion de celui-ci.
A l’égard du preneur à bail quelle est la situation ?
Il ne peut l’opposer aux autres indivisaires à qui il est inopposable (Cass. Civ. 3°, 25 janvier 2006, n° 04-20163).Dans ces conditions le principe est bien un accord de tous les propriétaires indivis pour donner à bail même d’habitation sous les réserves exprimées ci-dessus qui ne sont qu’exceptions.
Et la sanction est bien l’inopposabilité aux autres indivisaires.
Pour toute difficulté relative à une indivision consultez un avocat - spécialement un adhérent d’Eurojuris groupement qui comprend toutes les spécialités de la profession d‘avocat.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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