Bail d'habitation et erreur sur la surface : Quand la procédure civile spécifique aux baux d’habitation s’inspire de la procédure administrative, en pire
Publié le :
15/06/2023
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L’on critique volontiers la procédure administrative pour ses recours préalables, mais il existe pléthores de cas où il en est de même à l’endroit de la procédure civile. Ainsi le cas en matière locative, notamment pour surface habitable inférieure à ce qui avait été annoncé au preneur.En effet, l’article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dispose que :
« Lorsque la surface habitable de la chose louée est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location, le bailleur supporte, à la demande du locataire, une diminution du loyer proportionnelle à l'écart constaté.
A défaut d'accord entre les parties ou à défaut de réponse du bailleur dans un délai de deux mois à compter de la demande en diminution de loyer, le juge peut être saisi, dans le délai de quatre mois à compter de cette même demande, afin de déterminer, le cas échéant, la diminution de loyer à appliquer.
La diminution de loyer acceptée par le bailleur ou prononcée par le juge prend effet à la date de signature du bail. Si la demande en diminution du loyer par le locataire intervient plus de six mois à compter de la prise d'effet du bail, la diminution de loyer acceptée par le bailleur ou prononcée par le juge prend effet à la date de la demande. »
La loi instaure un délai de quatre mois, que la Cour de Cassation a pu d’ailleurs qualifier de forclusion (donc insusceptible de suspension ou d’interruption).
Conséquence évidente : l’action en diminution de loyer formée voit sa recevabilité dépendre de cette demande préalable présentée par le locataire au bailleur.
Tout de même un OVNI dans le monde civiliste, qui méritait éclaircissement, confirmation, que les augures se prononcent.
Si fait, dans un arrêt du 20 avril 2023 / n° 22-15.529, la troisième chambre civile a indiqué :
« La cour d'appel a constaté que la demande de diminution de loyer, formée par les locataires en cours d'instance, n'avait été précédée d'aucune tentative de solution amiable.
Elle en a exactement déduit que faute d'avoir, préalablement à la saisine du juge, adressé au bailleur une demande amiable restée sans réponse, les locataires étaient irrecevables à agir en diminution du loyer.
Le moyen n'est donc pas fondé. »
Naturellement, on répondra : rien de nouveau sous le soleil en somme ?
Pas exactement. Cette règle s’applique donc également dans le cadre d’un contentieux déjà engagé, à l’endroit d’une demande additionnelle, par nature apparue au cours d’une instance.
Car en l’espèce, les locataires étaient demandeurs d’une action en nullité d’un congé pour vente.
On voit difficilement comment dans une telle atmosphère il serait possible de s’entendre sur la question de l’indemnisation relative à la surface habitable annoncée.
Et pour autant, à défaut de tentative préalable, il n’est pas possible de saisir le juge en ce sens.
Ce qui revient tout de même à favoriser les intérêts d’un bailleur souhaitant se débarrasser de ses locataires.
D’ailleurs, la motivation de l’arrêt du 10 février 2022 / n° 19/13641 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence est explicite :
« De même, ils n'ont pas formé de demande écrite à destination de la bailleresse qui a, selon ce texte, un délai de deux mois pour répondre et ainsi éviter la saisine du juge par les preneurs.
La demande de M. B et Mme X a été faite dans leurs conclusions actualisées et adressées par mail au conseil de Mme A le 20 mars 2019, dans le cadre du procès devant le premier juge.
Ainsi, aucune tentative de solution amiable n'a été tentée par les locataires alors qu'il résulte clairement des termes de l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989 que la volonté du législateur a été de favoriser un règlement amiable de ce type de contentieux. »
Et quand bien même en parallèle d’un contentieux latent, on s’engagerait sur une voie amiable prévisiblement factice, demeurerait la limite des quatre mois.
Allons, jusqu’au bout de la démarche. Si cette demande venait à exister à titre additionnel, cela le serait par voie de conclusions à réaliser avant ce délai butoir.
La procédure devant le juge des contentieux de la protection est orale, et est démunie de tout RPVA permettant de s’assurer de la notification à bonne date.
Est-ce à dire qu’il faudrait signifier par voie de commissaire de justice ces écritures, tant à l’adversaire qu’à la juridiction, pour être certain du respect de ce délai ?
Même la procédure administrative, avec son fameux arrêt « Inter Copie », permet de soulever des causes d’illégalités après le délai de recours, pour peu que l’on ait déjà engagé le débat sur l’une des grandes catégories de ces illégalités, internes ou externes.
Ici, niet.
Faire passer la procédure administrative comme plus clémente, il y a prouesse.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Etienne MOUNIELOU
Avocat Collaborateur
MOUNIELOU
SAINT GAUDENS (31)
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