
Harcèlement moral et loyauté de la preuve
Publié le :
29/04/2021
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2021
Par un arrêt du 17 mars 2021 (Cass. soc.17-3-2021 n° 18-25.597 FS-PI, Sté M&C Saatchi Gad c/ G.), la chambre sociale de la Cour de cassation aborde les conséquences d’une enquête en matière de preuve, suite à la dénonciation de faits de harcèlement moral.
Après le signalement de faits de harcèlement moral par un salarié, un employeur a chargé une entreprise spécialisée en risques psychosociaux de mener une enquête qui a révélé que la salariée mise en cause avait proféré des insultes à caractère racial et discriminatoire, ces faits ayant justifié son licenciement pour faute grave.
La cour d’appel a cependant écarté des débats le compte-rendu de l’enquête et jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En effet, elle a déclaré cette preuve illicite car obtenue de manière déloyale, la salariée mise en cause n’ayant pas été préalablement informée ni entendue dans le cadre de l’enquête.
La Cour de cassation censure la cour d’appel en décidant que l’article L 1222-4 du Code du travail, qui dispose qu’aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté à sa connaissance, ne s’applique pas à une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral.
La Cour de cassation reproche une fausse application de l’article L 1222-4 du Code du travail et du principe de loyauté dans l’administration de la preuve.
Elle précise qu’une telle enquête ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité d’un salarié.
La précision est notable car la cour d’appel semble s’être appuyée sur des arrêts de la Haute juridiction rendus à propos d’enquêtes confiées à une entreprise extérieure aux fins de contrôle de l’activité.
Ces arrêts précisaient que la mission d’audit (en l’espèce d’expertise-comptable), confiée à une entreprise extérieure chargée de contrôler les fonctions et l’activité d’un salarié, doit en principe être portée à sa connaissance, mais qu’elle est licite dès lors que l’intéressé n’a pas été tenu à l’écart de ces investigations (Cass. soc. 26-1-2016 no 14-19.002 FS-PB ; Cass. soc. 28-2-2018 no 16-19.934 F-D).
Par conséquent, selon la Chambre sociale de la Cour de cassation, l’enquête qui fait suite à une dénonciation de faits de harcèlement moral (et probablement sexuel), destinée à vérifier la matérialité des faits dénoncés ne relève pas, à proprement parler, du contrôle de l’activité du salarié.
N’est pas déloyale la preuve obtenue au moyen d’une enquête confiée par l’employeur à une entreprise spécialisée en prévention des risques psychosociaux à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral, même si le salarié mis en cause n’en a pas été informé ni n’a été entendu dans le cadre de cette enquête.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Benjamin ROUX
Cabinet(s)
TOULON (83)
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