Interruption prescription

L’interruption de la prescription du titre de créance par le commandement de saisie immobilière et ses aléas

Publié le : 29/06/2023 29 juin juin 06 2023

Les obligations entre les parties ou les décisions de justice peuvent générer une créance de l’une d’entre elle contre l’autre (ou les autres). Mais la durée permettant d’en poursuivre le recouvrement n’est pas illimitée. Pour le droit à l’oubli raccourci depuis 2008 le législateur a créé une prescription extinctive à partir de l’effet de laquelle aucune poursuite ne peut être engagée.
La créance est censée se prescrire par la durée fixée par la loi suivant sa nature et la qualité des parties : de deux ans (article L.218-2 du code de la consommation pour les contrats entre professionnels et particuliers) à dix ans (article 3-1 de la loi du 23 juin 2008 modifiant l’article 3-1 de la loi du 9 juillet 1991 et L.111-4 al. 1 du CPCE pour les jugements) en passant par cinq ans (article 2224 du code civil issu de la loi précitée du 23 juin 2008 pour les actions personnelles).

Ce cours peut toutefois être suspendu ou interrompu. Suspendu et le cours reprend pour le temps qui reste à courir (article 2230 du code civil), interrompu et le cours reprend pour la durée totale du délai (article 2231 du code civil).

C’est cette interruption qui nous intéresse étant l’objet de l’arrêt de la cour de cassation qui ajoute encore une précision à la cause d’interruption qu’est le commandement de saisie immobilière.

S’agissant de la saisie immobilière, mesure d’exécution forcée, l’article 2244 du code civil lui prête cette vertu d’interruption.

Or la saisie se réalise par le commandement de saisie immobilière institué par l’article L.321-1 du CPCE et l’article R.321-1 du même code délivré au débiteur. C’est l’acte interruptif. Mais il peut subir des accidents qui vont remettre en cause cette interruption.

Précisions tout de suite que l’assignation à l’audience d’orientation du juge de l’exécution a aussi cette vertu interruptive et ce jusqu’à la fin de la saisie y compris la distribution de prix qui en fait partie (Cass. civ. 2, 2 mars 2023, n° 20-20-20776). En cas de créancier unique c’est à l‘issue du délai de quinze jours laissé au débiteur pour contester le paiement du séquestre ou de la décision qui tranche la contestation , en cas de plusieurs créanciers, c’est l’ordonnance d’homologation ou la décision non susceptible d’un recours ordinaire sur la distribution judiciaire. 

L’obligation de publier un commandement de saisie immobilière au service de publicité foncière peut toutefois se heurter à l’existence d’un commandement déjà publié. Et dans ce cas-là soit l’on renonce à sa saisie, soit on demande la subrogation dans les premières poursuites, soit l’on sollicite la radiation de ce premier commandement. Mais si les deux commandements sont délivrés au nom du même créancier celui-ci va donner mainlevée du premier pour publier le second. La question se pose alors du maintien de l’interruption de la prescription.

La réponse est donnée par l’arrêt rendu le 17 mai 2023 (n° 21-19356) rendu par la deuxième chambre civile : le commandement radié à la suite de la mainlevée qui en est donnée par le créancier empêchant d’en prononcer la caducité a un effet interruptif de prescription.

Cet arrêt a été maintes fois commenté avec parfois des critiques négatives quant à la logique d’un effet interruptif d’un acte qui a été délivré certes mais dont on a donné mainlevée lui ôtant tout effet puisque non publié dans les délais légaux (deux mois de sa date R.321-26 CPCE) du fait de la radiation.

Cette jurisprudence est pourtant dans le droit fil de celle rendue à propos de l’effet de la péremption du commandement de saisie immobilière ; en effet la deuxième chambre civile a prononcé plusieurs arrêts jugeant que l’effet interruptif du commandement de saisie était conservé malgré la péremption puisque celle-ci empêchait de prononcer la caducité (Civ. 2, 11 janvier 2018, 16-27889 et Civ. 2, 19 mars 2020, 19-1722, com. J ; Couturier, Dalloz Actu 15 juillet 2020). Le délai de péremption étant désormais de cinq ans au lieu de deux la question sera moins fréquente (article R.321-20 du CPCE modifié par décret du 27 novembre 2020 n°2020-1452).

A contrario l’interruption de la prescription cesse dans les cas suivants :

-  Annulation du commandement : Civ. 2, 23 mars 2023, 21-20447 et civ. 2, 1er mars 2018, 16-25476 ; il en est de même pour l’assignation à l’audience d’orientation devant le juge de l’exécution si elle est annulée.
-  Caducité du commandement : Civ. 1er février 2015, 13-28445 et déjà Civ. 2 , 4 septembre 2014, 13-11887.

L’articulation entre la fin de non-recevoir qu’est la prescription de la créance et son interruption en cas de saisie immobilière – et de procédures civiles d’exécution en général – se fait doucement, petit à petit, avec une logique particulière depuis la réforme de 2006.

Adaptables les avocats doivent se former sans cesse pour suivre au risque d’engager leur responsabilité civile professionnelle comme dans les procédures civiles notamment d’appel de plus en plus complexes et pleines de pièges (voir l’excellent article de Bruno Blanquer, Président de la Conférence des Bâtonniers dans la Gazette du Palais du 16 mai 2023 n° 16).


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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