Régime de participation aux acquêts : quelles nouveautés avec la loi du 31 mai 2024 ?
Publié le :
30/10/2024
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La loi n° 2024-494 du 31 mai 2024 « visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille » a clairement, par sa dénomination, annoncé ses intentions : rétablir, dans le cadre patrimonial, une certaine justice quant aux conséquences des violences intrafamiliales et plus particulièrement entre les époux.C’est chose faite avec l’insertion dans le code civil des nouveaux articles 1399-1 à 1399-6, qui créent une « indignité matrimoniale » relativement comparable à l’indignité successorale.
L’époux condamné pour violences au sens large (homicide ou tentative d’homicide, violences volontaires, viol, agression sexuelle, mais aussi dénonciation calomnieuse dans certains cas et témoignages mensongers en procédure criminelle, etc.) se voit privé de certains bénéfices du contrat de mariage conclu avec son époux victime.
À noter : cette loi n’a d’impact qu’en présence d’un contrat de mariage conclu devant notaire, et n’a donc pas de conséquences dans les mariages hors contrat (communauté légale).
En effet, elle vise à supprimer pour l’époux auteur le bénéfice des clauses du contrat de mariage conclues en sa faveur (attribution universelle des biens à l’époux survivant dans le cadre de la communauté universelle, par exemple) et prenant effet au moment de la dissolution du mariage (divorce ou décès).
Dans le cas plus spécifique d’époux ayant choisi de se marier sous le régime de la participation aux acquêts, quelques observations s’imposent.
À titre liminaire et pour mémoire, ce régime vise, dans l’idée, à placer le mariage des époux sous un régime de séparation de biens durant la vie commune (chacun conserve ses biens, ses salaires, etc.) mais à la fin, en cas de dissolution du mariage par divorce, une comparaison est faite entre les enrichissements respectifs de chacun durant la vie commune. Une fois la comparaison faite, l’époux s’étant le plus enrichi doit « compenser » cet enrichissement en versant à son conjoint une indemnité valant moitié de la différence, de sorte qu’in fine chaque époux se trouve à égalité financière au sortir du mariage.
D’une part, la loi du 31 mai 2024, qui supprime pour l’époux auteur les « avantages » de son contrat de mariage, a donc un impact particulièrement important ici puisque l’époux auteur perdrait alors le droit de réclamer toute compensation si, au moment du divorce, il s’avérait que l’époux victime s’était enrichi plus que lui.
D’autre part, il doit être souligné que la loi de 2024 répond également à une difficulté rédactionnelle de l’article 265 du Code civil qui impacte majoritairement le régime de participation aux acquêts.
En effet l’article 265, antérieurement à la loi du 31 mai 2024, prévoyait que le divorce emportait révocation de plein droit des avantages matrimoniaux ne prenant effet qu’à la dissolution et ce sauf volonté contraire de l’époux ayant consenti l’avantage. Cette volonté contraire était soit 1) constatée dans la convention de divorce par consentement mutuel, soit 2) constatée par le juge au moment du prononcé du divorce.
Or, le régime de participation aux acquêts permettait de prévoir certaines clauses dont l’intérêt ne se révélait qu’en cas de divorce : la clause de plafonnement du montant de la créance de participation et la clause d’exclusion des biens professionnels pour le calcul de la créance de participation. L’une comme l’autre de ces clauses pouvait être analysée comme un avantage matrimonial ne prenant effet qu’à la survenance du divorce (analyse notamment adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt du 18 décembre 2019 n°18-26.337).
Or, la lettre de l’article 265 rendait ces clauses inapplicables puisqu’elles étaient révoquées de droit en cas de divorce (sauf volonté contraire de l’époux accordant l’avantage, constatée au moment du divorce – autant dire que la survenance en était fort rare...).
Désormais, l’article 265 a rajouté une possibilité permettant de constater la volonté de l’époux de maintenir l’avantage matrimonial. Elle peut toujours l’être 1) dans la convention de divorce ou 2) par le juge au moment du divorce, mais elle peut aussi l’être 3) si elle est « exprimée dans la convention matrimoniale », c’est-à-dire dès la conclusion du contrat de mariage entre les époux.
Cela signifie que désormais les époux peuvent, au moment du mariage, déclarer irrévocables des avantages qu’ils s’accordent pour le cas du divorce ou de la dissolution du mariage par décès.
Dans le régime de participation aux acquêts, la clause d’exclusion des biens professionnels pour le calcul de la créance de participation, tout comme la clause de plafonnement de cette créance de participation, reprennent donc tout effet en cas de divorce, grâce à la modification de la rédaction de l’article 265 du Code civil. Pour peu, à tout le moins, que ces clauses soient déclarées irrévocables dans le contrat de mariage !
Cela redonne tout son intérêt au régime de la participation aux acquêts et pourrait entrainer une recrudescence de l’adoption de ce régime dans le cadre des nouveaux mariages.
À noter enfin s’agissant de l’application de la loi dans le temps : à défaut de précision contraire, celle-ci s’applique depuis le 2 juin dernier à toutes les conventions matrimoniales quelle que soit leur date. Quant à l’article 265 modifié réglant les effets du divorce, il devrait être applicable aux divorces postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi et donc aux divorces dans lesquels l’assignation a été délivrée ou la requête conjointe déposée à compter du 2 juin 2024.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Marie LOFFI
Avocate
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
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