
SCI et Associé Unique : Régulariser ou Dissoudre ? Ce Que Dit la Loi et Ce Que Vous Devez Faire
Publié le :
09/05/2025
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La Société Civile Immobilière (SCI) est un outil largement plébiscité pour la gestion et la transmission du patrimoine immobilier. Toutefois, une situation particulière – la réunion de toutes les parts sociales entre les mains d’un seul associé – soulève des questions juridiques cruciales.La SCI peut-elle continuer d’exister avec un associé unique ? Quels sont les délais pour régulariser cette situation ? Quels risques en cas d’inaction ? Faisons le point sur le régime juridique applicable à la SCI devenue unipersonnelle.
Une SCI doit compter au moins deux associés : le principe légal
La constitution d’une SCI repose sur les dispositions de l’article 1832 du Code civil, qui impose la pluralité des associés :« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. »
Il est donc légalement impossible de créer une SCI avec un associé unique. Toutefois, en cours de vie sociale, plusieurs événements (cession de parts, décès, retrait d’un associé) peuvent entraîner la réunion de toutes les parts sociales entre les mains d’un seul associé. La SCI devient alors de fait unipersonnelle, sans que cela n'entraîne sa dissolution automatique.
La réunion de toutes les parts en une seule main : une situation à régulariser
L’article 1844-5 alinéa 1 du Code civil prévoit expressément que :« La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. »
Toutefois, le texte ajoute :
« Tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation n’a pas été régularisée dans le délai d’un an. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. »
Ainsi, un associé unique ne peut faire perdurer cette situation indéfiniment. Il dispose d’un délai d’un an pour réintroduire un second associé, faute de quoi tout tiers intéressé (créancier, conjoint, cohéritier, administration fiscale…) pourra saisir le juge pour demander la dissolution de la société.
La régularisation : comment réintroduire un associé ?
Lorsque la totalité des parts sociales d’une SCI se trouve réunie entre les mains d’un seul associé, la loi impose que cette situation soit régularisée dans un délai d’un an à compter de la date de l’événement générateur (cession, retrait, décès).La régularisation peut intervenir de différentes manières, selon les circonstances. La solution la plus couramment retenue consiste pour l’associé unique à céder une ou plusieurs parts sociales à un tiers , souvent un membre de sa famille, dans une logique de conservation patrimoniale et de continuité de gestion. Il est également possible de faire entrer un nouvel associé en lui attribuant des parts issues d’une augmentation de capital, sous réserve d’un apport en numéraire effectif.
En cas de décès d’un associé, si les statuts de la société prévoient une clause d’agrément des héritiers, le refus d’agrément par l’associé survivant aura pour effet de concentrer toutes les parts entre ses mains, déclenchant de facto le point de départ du délai de régularisation.
En revanche, si les statuts autorisent expressément la continuation de la société avec les héritiers, ceux-ci deviendront associés de plein droit, ce qui permettra de maintenir la pluralité exigée par la loi.
Quoi qu’il en soit, la régularisation nécessite une mise à jour des statuts et des formalités au guichet unique, afin de rendre opposable aux tiers la nouvelle composition de l’actionnariat.
Publicité et formalités : l’importance de la transparence
En cas de cession de parts ayant pour effet la réunion de toutes les parts entre les mains d’un associé unique, il convient de procéder à une inscription modificative au guichet unique dans le délai d’un mois, conformément à l’article R.123-66 du Code de commerce.Le greffe ne peut refuser l’enregistrement de cette modification sous prétexte de l’irrégularité de la situation juridique de la société. Ce refus empêcherait un tiers d’avoir connaissance de la situation et, le cas échéant, d’agir en justice pour demander la dissolution.
Quelles stratégies pour éviter les risques ?
Afin d’éviter les risques de dissolution pour cause d’unipersonnalité, plusieurs stratégies juridiques peuvent être anticipées dès la constitution de la société.Il est notamment conseillé de rédiger des statuts comportant des clauses spécifiques encadrant les hypothèses de décès, de retrait ou de cession, prévoyant notamment la poursuite de la société avec les héritiers ou l’obligation de céder tout ou partie des parts à un tiers désigné.
Il est également possible, pour le fondateur désireux de conserver le contrôle de la société, de s’associer avec un membre de sa famille ou une personne de confiance en lui attribuant un nombre restreint de parts, tout en veillant à respecter ses droits d’associé. Cette méthode permet de maintenir la pluralité juridique tout en assurant la gestion effective de la SCI.
Par ailleurs, certains choisissent de constituer une SCI avec un mineur comme second associé, ce qui reste juridiquement possible, sous réserve du respect des règles protectrices liées à l’autorité parentale et à l’autorisation du juge des tutelles en cas d’apport en nature. Enfin, pour ceux qui souhaitent une structure encore plus maîtrisée, la constitution parallèle d’une société unipersonnelle (de type EURL ou SASU) pouvant devenir associée de la SCI permet une organisation juridique stable, bien que cette option soulève parfois des interrogations en matière de substance et de risque d’abus de droit.
Conclusion
La SCI unipersonnelle, bien que tolérée temporairement, est juridiquement instable. Le droit impose la pluralité des associés comme condition de validité et de pérennité de la société. Si vous vous retrouvez associé unique, il est impératif de régulariser dans l’année, sous peine de dissolution. Anticiper ces situations dans les statuts et consulter un professionnel du droit permet d’éviter des conséquences parfois lourdes sur le plan juridique et fiscal.Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Christophe Delahousse
Avocat
Cabinet Chuffart Delahousse, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
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