Transaction et force exécutoire
Publié le :
25/07/2006
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07
2006
Le contrôle du Président du TGIBref rappel :
Les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort (article 2052 du Code civil).
Une transaction n’est cependant pas exécutoire en l’état.
Autrefois, la partie qui souhaitait procéder à son exécution devait passer par une action judiciaire pour voir homologuer la transaction.
La procédure a été simplifiée par le Décret n 98-1231 du 28 décembre 1998 portant réforme de la procédure civile qui a introduit l’article 1441-4 dans le Nouveau Code de procédure civile qui dispose que :
« Le président du Tribunal de Grande Instance, saisi sur requête par une partie à la transaction, confère force exécutoire à l’acte qui lui est présenté. »
Quelle est la nature du contrôle ainsi dévolu au Président du Tribunal de Grande Instance et de la décision qu’il prend ?
La jurisprudence a été d’abord quelque peu hésitante : certaines décisions (notamment Paris, 3ème ch B, 26 sept 2003 : JCP 2004, I, 133, n°13) ont considéré qu’il s’agissait d’un acte relevant de l’imperium du Juge, non juridictionnel.
D’autres ont admis la qualification d’ordonnance sur requête. Surtout, des Présidents de Juridiction ont estimé qu’ils devaient procéder à une analyse complète de la validité de la transaction au visa des articles 2044 et suivants du Code civil.
Un récent arrêt de la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a pour mérite de clarifier les choses (CA Saint-Denis de la Réunion – 2 juin 2006 – RG 05/01605).
Etait en cause une transaction signée entre un architecte et l’un de ses clients relatif aux honoraires dus à l’homme de l’art pour la réalisation d’un projet immobilier.
La totalité des honoraires ainsi fixés n’ayant pas été réglée, l’architecte, sur le fondement de l’article 1441-4 du NCPC a demandé au Président du Tribunal de Grande Instance de donner force exécutoire au protocole.
Il a été fait droit à cette requête.
Cependant, le client de l’architecte avait entre temps déposé à l’encontre de celui-ci une plainte avec constitution de partie civile des chefs d’extorsion et de chantage.
Statuant en référé à la demande du client, le Président du Tribunal de Grande Instance de Saint-Denis a rétracté son ordonnance au motif que la plainte ainsi déposée mais également la volonté de l’architecte de faire exécuter la transaction malgré cette plainte « faisait planer un doute sur la validité de celle-ci ». Le premier juge ajoutait même que « cette mesure permettra en effet de sauvegarder les droits des demandeurs sans pour autant mettre en péril ceux des défendeurs, dans l’attente du jugement sur la validité de la transaction qui sera sollicitée par la partie la plus diligente ».
La Cour d’appel de Saint-Denis infirme cette décision en totalité et rejette donc la demande de rétractation de l’ordonnance initiale ayant donné force exécutoire à la transaction litigieuse.
La motivation retenue par les Juges d’appel est exempte de reproches, préservant aux transactions l’autorité de la chose jugée en dernier ressort qui leur est attribuée par le Code civil :
« Lorsque le Président statue en application des dispositions de l’article 1441-4 du Nouveau Code de procédure civile sur une demande tendant à conférer force exécutoire à une transaction, son contrôle qui ne peut évidemment porter sur la validité de l’acte, lequel n’est susceptible d’être rescindé que par le juge du fond et seulement dans les cas prévus à l’article 2053 du Code civil se limite à un contrôle formel qui doit porter à la fois sur la conformité de la transaction à l’ordre public et aux bonnes mœurs et sur la nature de la convention qui lui est soumise c'est-à-dire sur le fait qu’il s’agit effectivement en la forme d’une transaction signée par les parties et ayant toutes les apparences de régularité.
Le juge saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête, et, le cas échéant la Cour d’appel statuant sur le recours contre une telle ordonnance, est investi des mêmes attributions que celles du juge ayant rendu l’ordonnance sur requête et doit, après débats contradictoires, statuer sur les mérites de celle-ci tout en se plaçant au jour où il statue en considération de la situation qui existe à cet instant et qui peut être différente de celle qui prévalait au jour de l’ordonnance sur requête.
Contrairement à ce qu’a estimé le premier juge, le fait qu’une plainte avec constitution de partie civile ait été déposée, s’il peut être de nature à remettre en cause ultérieurement la validité de la transaction au cas où une action au fond en rescision serait engagée par l’une des parties sur la base des éléments recueillis dans le cadre de l’information pénale, ne saurait permettre de considérer qu’il existe un doute sur la validité de l’acte et conduire « par précaution » alors qu’en outre certaines parties entendent obtenir son exécution forcée, à revenir sur la décision d’exequatur prise initialement en rétractant celle-ci ; que dès lors que le Président, à l’issue d’un débat contradictoire, constatait que la transaction qui lui était soumise était d’une part conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs et d’autre part constituait effectivement une transaction signée entre les parties et présentant toutes les apparences de la régularité formelle, il n’était pas en droit d’aller au-delà et sur la base d’éléments de fait concernant le fond même de l’acte de rétracter son ordonnance sur requête, privant ainsi de la force exécutoire un acte ayant autorité de la chose jugée. »
Il peut être retenu de cet arrêt trois enseignements principaux :
- Le Président du Tribunal de Grande Instance saisi d’une demande tendant à donner force exécutoire à une transaction, acte ayant autorité de la chose jugée sur le fondement de l’article 1441-4 du NCPC n’exerce qu’un contrôle restreint limité à la validité formelle de l’acte et à son apparente conformité quant son objet avec l’ordre public et les bonnes mœurs,
- La décision ainsi rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance est une ordonnance sur requête, acte juridictionnel, dont il peut être demandé la rétractation devant le même Juge statuant en la forme des référés après un débat contradictoire, étant noté que l’ordonnance de référé statuant sur la demande de rétractation est susceptible d’appel.
- L’existence d’une procédure pénale à l’encontre de l’un des signataires de la transaction est sans incidence aucune sur la validité formelle de l’acte puisqu’elle touche au fond de l’acte dont la validité ne peut être contestée que devant le Juge du fond et encore seulement dans les cas limitativement énumérés à l’article 2053 du Code Civil.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
BLANGY François
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