
Le patrimoine des collectivités : pas de droit à l'image !
Publié le :
12/07/2018
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2018
Dans une décision extrêmement intéressante rendue le 13 avril 2018 par le conseil d'État dans un arrêt d'assemblée (n°397047) la haute juridiction est venue statuer sur le devenir des images d'un établissement public.
Plus particulièrement, le conseil d'État est venu dire ce qu'il en était de la préservation d'images d'un établissement public, dès lors qu'une société privée entend les utiliser à des fins commerciales.
Les questions autour du patrimoine des collectivités en ce qui concerne notamment la protection de leurs noms est une problématique extrêmement actuelle.
La question de la gestion des images de biens appartenant à la collectivité l’est tout autant.
L'établissement public du domaine national de Chambord pouvait-il demander à la société Kronenbourg une redevance pour l'utilisation d'images du château dans des campagnes publicitaires ?
Il était donc évidemment question de la propriété de ces mêmes images.Le conseil d'État, de la même façon que l'avait fait le tribunal administratif d'Orléans et la cour administrative d'appel de Nantes est venu clairement exclure les images des biens du domaine public et même plus généralement de l'application du code général de la propriété des personnes publiques.
Son raisonnement est assez logique puisqu'il tient à l'absence de propriété.
Le conseil d'État rappelle que l'image des biens publics n'est pas au nombre des biens et droits mentionnés à l'article L1 du code général de la propriété des personnes publiques.
Le conseil d'État va ainsi très loin en indiquant purement et simplement qu'il ne s'agit pas d'un droit patrimonial.
Il ne s'agit pas de propriété publique.
Les collectivités et établissements publics, dans la logique de valorisation de leur domaine qui leur est expressément demandée par le code général de la propriété des personnes publiques dans sa version applicable depuis un peu plus d'un an, sont très limitées à cet égard par cette décision.
Chacun peut en effet librement utiliser l'image d'un bien public, monuments historiques, patrimoine historique, éléments remarquables… pour en faire un usage commercial.
Il s'agit là d'une utilisation commerciale, totalement libre et consentie à titre gratuit pour les images des biens publics.
La décision conduit même à considérer qu'il n'y a pas de pouvoir dévolu à l'administration pour s'opposer à l'utilisation des images du domaine public.
Une limite existe cependant, issue de l'adoption de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine du 7 juillet 2016.
Dans l'article L621 – 42 du code du patrimoine, le législateur a désormais habilité les gestionnaires des domaines nationaux identifiés dans le Décret n° 2017-720 du 2 mai 2017 fixant la liste et le périmètre de domaines nationaux à conditionner à l'obtention d'une autorisation, l'utilisation à des fins commerciales de l'image de ces immeubles.
Cet article est le suivant :
« L'utilisation à des fins commerciales de l'image des immeubles qui constituent les domaines nationaux, sur tout support, est soumise à l'autorisation préalable du gestionnaire de la partie concernée du domaine national. Cette autorisation peut prendre la forme d'un acte unilatéral ou d'un contrat, assorti ou non de conditions financières.
La redevance tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation.
L'autorisation mentionnée au premier alinéa n'est pas requise lorsque l'image est utilisée dans le cadre de l'exercice de missions de service public ou à des fins culturelles, artistiques, pédagogiques, d'enseignement, de recherche, d'information et d'illustration de l'actualité.
Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. »
Ainsi, il y a là une possibilité pour les domaines nationaux identifiés par décret, de limiter l'utilisation des images et, en tout état de cause, de favoriser leur utilisation à titre onéreux.
Mais en ce qui concerne tous les autres biens publics, le principe est donc clairement posé par le conseil d'État d'une liberté totale d'utilisation sauf à porter préjudice à la collectivité par l'utilisation desdites image, ce qui relève alors d'un autre débat.
Cette logique patrimoniale des collectivités, essentielle désormais, est à mettre en corrélation avec la réflexion que j'avais pu mener sur la protection du nom des collectivités.
C'est bien une logique patrimoniale qu'il faut accompagner désormais, par une connaissance précise des biens de toute nature dont la collectivité est propriétaire, mais également, et de manière générale, par la protection du patrimoine immatériel de la collectivité qu'il s'agisse de son nom ou des images des biens publics lui appartenant.
La gestion active du patrimoine des collectivités est permise par l'internalisation qui leur est offerte : l'acte administratif prévu par l'article L 1311 – 13 du code général des collectivités territoriales, le mandat de transactions immobilières que l'on peut confier à des avocats, sont autant d'éléments de dynamisme dans la valorisation du domaine public des collectivités.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Zarya Maxim - Fotolia.com
Auteur

DROUINEAU Thomas
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers
Saint-Benoît (86)
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