
De l'usage du français devant les juridictions françaises à l'heure de l'intelligence artificielle
Publié le :
02/03/2017
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The use of the French language before the French courts in these times of artificial intelligence
Certaines décisions de justice nous amènent à côtoyer l'histoire passée et l'histoire en marche.
Il en va ainsi de l'arrêt rendu le 22 septembre 2016 par la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation, en application de l'ordonnance royale sur le fait de la justice du 25 août 1539, dite ordonnance de Villers-Cotterêts dont nous épargnerons au lecteur la citation in extenso désormais illisible pour les adeptes de l’intelligence artificielle, le vieux françois ne faisant pas nécessairement bon ménage avec le globish ambiant.
Ce texte, vieux de 435 ans et toujours en vigueur, consacre en son article 111 l'usage du français dans les actes officiels et notamment dans les actes de procédure.
A l'heure où l’intelligence artificielle perfectionne les outils de traduction automatique, l'ordonnance édictée par François Ier peut paraître désormais désuète.
Dans l'affaire soumise à la Cour de cassation, la locataire d'un dispositif médical de traitement dermatologique avait assigné la bailleresse pour obtenir notamment la nullité du contrat, au motif que le certificat de conformité dudit dispositif ne démontrait pas que l'appareil litigieux avait bénéficié d'une certification et d'un marquage CE conforme aux exigences du Code de la santé publique.
La Cour d'Appel de Pau l'avait déboutée de ses demandes et l'avait condamnée à restituer l'équipement à la bailleresse et à lui payer des loyers jusqu'à restitution du matériel, à titre d'indemnité de jouissance, en retenant que la bailleresse démontrait que l'équipement médical concerné avait bel et bien fait l'objet d'une certification CE.
La locataire reprochait à la Cour d'Appel d'avoir fondé sa décision sur le certificat de marquage CE écrit en langue anglaise qui n'était pas assorti de sa traduction en langue française et sans préciser la signification, en français, de ce document, violant ainsi selon elle les articles 445 du Code de procédure civile et 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539.
Suivant en cela une jurisprudence désormais bien établie (Civ. 1ère, 22 octobre 2009, N° 08-17.525 ; Com, 27 novembre 2012, N° 11-17.185), la Cour a rappelé que l'ordonnance de Villers-Cotterêts ne concerne que les actes de procédure et qu'il appartient au juge du fond, dans l'exercice de son pouvoir souverain, d'apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis.
Il pourrait être déduit de cette décision que les justiciables pourraient se libérer du fardeau que constitue la traduction assermentée de pièces en langues étrangères.
Cependant, le pouvoir souverain des juges du fond est en la matière fort dépendant de leurs compétences linguistiques. Ils pourront ainsi soit retenir les documents rédigés en langue étrangère soit les rejeter.
Pour l'heure, et dans l'attente de la mise à disposition d'outils de traduction automatique certifiés par la Chancellerie, il est prudent de fournir aux juges la traduction en français et assermentée des documents en langue étrangère produits au débat judiciaire.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo: © vege - Fotolia.com
Auteur
ROGER Philippe
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