
Un maire peut-il autoriser le stationnement des véhicules sur les trottoirs de sa commune ?
Publié le :
03/02/2021
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L’association « Les droits du piéton » constatant que dans certaines rues de la commune d’Olonne-sur-Mer (en Vendée), le stationnement des véhicules était autorisé sur les trottoirs, via des marquages au sol prévus à cet effet, a sollicité du maire la suppression desdits marquages et donc, implicitement, l’autorisation de stationner ainsi délimitée.
Le silence du maire, gardé pendant de deux mois a contraint l’association à considérer que sa demande était implicitement rejetée.
Le Tribunal Administratif de NANTES, saisi d’un recours pour excès de pouvoir, a partiellement fait droit à cette demande, en annulant la décision du maire en ce qu’elle portait sur les refus de suppression des marquages de la rue des Arches et de la rue Paul Bert.
Reste que sur les autres rues de la commune concernées par la demande de l’association, le marquage a été considéré comme régulier par la juridiction.
La Cour Administrative d’Appel de NANTES, saisie par l’association a confirmé la position du juge de première instance.
Suite au pourvoi déposé par l’association, le Conseil d’État est tout d’abord venu rappeler que le maire exerce, sur le fondement de l’article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales, la police de la circulation notamment sur les voies de communications à l’intérieur des agglomérations.
Il lui appartient, entre autres, de prendre les décisions qui s’imposent en vue de permettre de réglementer tout à la fois, l’arrêt et le stationnement des véhicules mais également la desserte des immeubles riverains (L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales).
Enfin, la Haute Juridiction n’omet pas de considérer que, sur le fondement de l’article R. 417-10 du code de la route dans sa rédaction applicable au jour de la décision litigieuse, doivent être considérés comme gênants les véhicules arrêtés ou stationnés sur les trottoirs.
Le principe rappelé par le Conseil d’État est bien celui selon lequel une autorité administrative ne peut pas prendre de mesures irrégulières car contraires aux dispositions du code de la route notamment en son article R 417-10.
Néanmoins ce principe, n’interdit pas de considérer que le Maire est en mesure, en application de ses pouvoirs de police, d’autoriser, par une signalisation adéquate et précise, le stationnement des véhicules sur une partie des trottoirs dès lors que ce stationnement n’empêche ni la circulation des piétons, notamment ceux qui sont à mobilité réduite, ni l’accès aux habitations et aux commerces.
Le maire est alors doté d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de concilier à la fois les nécessités de stationnement des véhicules, et notamment ceux des résidents, et la circulation des piétons ainsi que l’accès aux bâtis donnant sur la voie publique.
Cette décision équilibrée n’est toutefois plus d’actualité, dans la mesure où la rédaction nouvelle de l’article R. 417-10 du code de la route ne fait plus du stationnement des voitures sur les trottoirs un stationnement gênant :
- « I.- Tout véhicule à l'arrêt ou en stationnement doit être placé de manière à gêner le moins possible la circulation.
II.- Est considéré comme gênant la circulation publique l'arrêt ou le stationnement d'un véhicule :
1° Sur les trottoirs lorsqu'il s'agit d'une motocyclette, d'un tricycle à moteur ou d'un cyclomoteur ; » (article R. 417-10 du code de la route dans sa rédaction postérieure au décret n°2015-808 du 2 juillet 2015) ;
Plus encore, si le stationnement des véhicules quatre roues était considéré comme « très gênant » depuis ce même décret du 2 juillet 2015, il a été abrogé depuis (décret n°2020-605 du 18 mai 2020).
Plus généralement, la section II « Arrêt ou stationnement dangereux, gênant ou abusif » du chapitre VII, Titre I, Livre IV de la partie réglementaire du code de la route, ne prévoit pas la répression des stationnements des véhicules autres que « motocyclette, d'un tricycle à moteur ou d'un cyclomoteur » sur le trottoir.
Seul l’article L. 471-1 du code la route précise que « Les véhicules laissés en stationnement en un même point de la voie publique ou de ses dépendances pendant une durée excédant sept jours consécutifs peuvent être mis en fourrière ».
Ce qui n’est pas interdit est autorisé ; peut-on alors considérer qu’un maire pourrait aujourd’hui autoriser le stationnement sur la totalité d’un trottoir sans pour autant être contraint de prévoir un espace suffisant pour la circulation des piétons et l’accès des bâtis ?
Rien n’est moins sûr.
Tout d’abord, dès lors que le stationnement empêche l’accès à une habitation ou un commerce, il pourrait être soulevé une irrégularité de la décision du maire au regard du droit de propriété, de la liberté d’entreprendre ou encore de la liberté d’aller et venir.
Selon les circonstances, l’engagement de la responsabilité pénale du maire sur le fondement de l’abus d’autorité de l’article 432-4 du code de pénal pourrait également se poser.
La problématique est plus complexe s’agissant de la circulation des piétons mais il apparait qu’une telle décision se trouverait être en opposition avec les dispositions de l’article 45 de la loi n°2005-102 qui dispose que :
- « I. - La chaîne du déplacement, qui comprend le cadre bâti, la voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de transport et leur intermodalité, est organisée pour permettre son accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite ».
Finalement, si la décision du Conseil d’État n’est peut-être plus d’actualité quant à ses fondements juridiques, elle reste néanmoins toujours actuelle quant aux principes qu’elle dégage à savoir le légitime équilibre entre le déplacement des piétons et le stationnement des véhicules, le premier prenant le pas sur le second en toute hypothèse.
Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 8 juillet 2020, 425556
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Clément Launay
Avocat directeur
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
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