
L'expulsion du domaine public en présence d'un bail commercial
Publié le :
16/08/2018
16
août
août
08
2018
Hypothèse particulièrement fréquente, voici celle de l'exploitation d'un local en l'occurrence dénommé « la guinguette » (mais ce pourrait être « la paillote » ) sur la commune de Saint Suliac.
La commune demande au juge des référés d'ordonner l'expulsion de l'occupant au titre de l'article L521 – 3 du code de justice administrative dont on rappelle qu'il permet, en cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, au juge des référés d'ordonner toutes mesures utiles.
C'est sur ce fondement que les collectivités propriétaires de leur domaine public sollicitent l'expulsion d'occupants sans droit ni titre.
Dans notre hypothèse, la convention incorrectement dénommée « bail commercial » était venue à échéance au mois de septembre 2016.
Il convenait que les travaux de renforcement d'une falaise proche soient réalisés raison pour laquelle la commune avait d'une part refusé de renouveler le titre d'occupation et d'autre part sollicitait l'expulsion de l'occupant qui se maintenait sur le site.
On rappellera à cet égard que depuis l'ordonnance numéro 2017-562 du 19 avril 2017 entrée en vigueur le 1er juillet 2017, l'autorisation d'occupation n'aurait pu qu’être précédée des mesures de publicité adéquates, en application des articles L2122 – 1 – 4 du code général de la propriété des personnes publiques.
Le premier juge des référés avait considéré que les bâtiments en cause et l'aire de stationnement proche se trouvaient non pas sur le domaine public mais sur une parcelle qui n'était pas en elle-même affectée directement à l'usage du public dès lors qu'elle s’adressait à une clientèle privée.
Sanctionné par le juge de cassation, le juge des référés se voit en effet indiquer qu'il a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit.
La sanction du premier juge, sévère, n'en est pas moi absolument logique.
Le conseil d'État vient donner un indice particulièrement intéressant relatif à la qualification du domaine public.
Il indique qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés et en particulier des procès-verbaux de constat produits tant par l'occupant que par la commune ainsi que du plan annexé et des diverses photographies que la parcelle litigieuse jouxtait une promenade située en front de mer, le long de l'estuaire de la Rance, et accueillait une aire de stationnement publique et des toilettes publiques.
Et le conseil d'État d'en déduire que cela constituait ainsi un élément d' "un espace présentant une unité physique et fonctionnelles affecté à l'usage direct du public. "
Le conseil d'État confirme que cette parcelle n'est « donc pas manifestement insusceptible d'être qualifiée de dépendance du domaine public de la commune. »
En clair, il s'agit en application de l'article L2111 – 1 du code général de la propriété des personnes publiques d’une dépendance incontestable du domaine public.
Dès lors que ce postulat est posé, il convient de définir ce que sont les modalités d'occupation du domaine public.
Tout d'abord de manière constante on rappellera que l'existence d'un bail commercial sur le domaine public est irrégulière comme contraire à la précarité et au caractère personnel de l’occupation du domaine public.
Puis le conseil d'État fait le constat de ce que, en l'état, l'occupant est sans droit ni titre puisque sa convention est venue à échéance.
Et il est intéressant de constater que, de manière classique aussi, l'occupant prétendait détenir un bail commercial et entendait faire reproche à la commune de n'avoir pas ainsi qualifié le mode d'occupation dont il bénéficiait.
Cela fait écho à un précédent arrêt du conseil d'État en du 19 janvier 2017 numéro 388 010.
Dans cette instance, il s'agissait d'une action portée contre la commune de Cassis au titre d'un bail commercial.
Le conseil d'État rappelle qu'en raison du caractère précaire et personnel du titre d'occupation du domaine public et des droits qui sont garantis au titulaire d'un bail commercial, un tel bail ne peut être conclu sur le domaine public.
Lorsque l'autorité gestionnaire du domaine public conclut un bail commercial pour l'exploitation d'un bien sur le domaine public ou laisse croire à l'exploitant de ce bien qu'il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux, elle commet une faute de nature à engager sa responsabilité.
Cet ensemble jurisprudentiel est particulièrement clair et rappelle d'une part que l'existence d'un bail commercial sur le domaine public est rigoureusement impossible, et que d'autre part nul ne peut occuper une dépendance du domaine public sans disposer d'un titre.
Ce sont les dispositions de l'article L2122 – 1 du code général de la propriété des personnes publiques.
L'expulsion de l'occupant du domaine public de la commune de Saint Suliac a été ordonnée.
La responsabilité de la commune de Cassis dans l'arrêt du 19 janvier 2017 n'a pas été retenue dans la mesure où elle avait eu le bon sens de conclure un nouveau titre d’occupation en lieu et place d'un précédent bail commercial.
Elle avait ainsi régularisé en quelque sorte la situation interdisant que puisse être recherchée sa responsabilité.
On le voit, les modalités d'occupation du domaine public sont complexes et rigoureuses, comme le sont d'une manière générale les modalités de gestion de son patrimoine par la collectivité, mission pourtant particulièrement importante désormais.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Onidji - Folotia.com
Auteur

DROUINEAU Thomas
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers
Saint-Benoît (86)
Historique
-
Le permis de faire : innovation issue de l'ordonnance visant à favoriser l'innovation technique et architecturale
Publié le : 25/09/2018 25 septembre sept. 09 2018Particuliers / Patrimoine / ConstructionCollectivités / Urbanisme / Permis de construire/ Documents d'urbanismeSur le site consultation publique développement durable les maîtres d'ouvrages privés et publics pourront aller donner leur avis sur le projet d'ordonnance...
-
Nouvelle réforme du contentieux de l'urbanisme : ce qui change au 1er octobre 218
Publié le : 20/09/2018 20 septembre sept. 09 2018Collectivités / Urbanisme / Permis de construire/ Documents d'urbanismePar un décret n°2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme (partie réglementaire), le Gou...
-
L'expulsion du domaine public en présence d'un bail commercial
Publié le : 16/08/2018 16 août août 08 2018Collectivités / Urbanisme / ExpropriationHypothèse particulièrement fréquente, voici celle de l'exploitation d'un local en l'occurrence dénommé « la guinguette » (mais ce pourrait être « la paillot...
-
Le rapport Propositions pour un contentieux des autorisations d'urbanisme plus rapide et plus efficace : une belle lecture d'été
Publié le : 13/08/2018 13 août août 08 2018Collectivités / Urbanisme / Permis de construire/ Documents d'urbanismeIl est de coutume, au seuil des vacances, d’emporter avec soi de belles lectures d'été pour, sur la plage à la campagne ou en montagne, ouvrir son esprit et...
-
La loi élan et son effet probable sur l’urbanisation en zone littorale
Publié le : 06/07/2018 06 juillet juil. 07 2018Collectivités / Urbanisme / Permis de construire/ Documents d'urbanismeLes débats se poursuivent devant le Sénat sur l'adoption du texte dit projet de loi ELAN. L'Assemblée nationale a déjà eu à connaître de ce projet et c'e...
-
Intérêt à contester pour excès de pouvoir un permis de construire des éoliennes
Publié le : 18/06/2018 18 juin juin 06 2018Collectivités / Urbanisme / Permis de construire/ Documents d'urbanismeDans un arrêt rendu le 16 mai 2018, le Conseil d'État examine une contestation de permis de construire concernant des éoliennes par les propriétaires d’un...
-
Annulation partielle du PLU : Mode d’emploi de l’élaboration des nouvelles dispositions applicables au territoire concerné
Publié le : 07/06/2018 07 juin juin 06 2018Collectivités / Urbanisme / Permis de construire/ Documents d'urbanismeL’hypothèse qui intéresse cet article concerne l’annulation partielle par le juge administratif d’un plan local d’urbanisme (PLU) en tant que le classement...