Une odeur de tabac froid sur le lieu de travail permet-elle d’obtenir des dommages et intérêts ?
Publié le :
10/08/2015
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Dans l’espèce qui a été soumise à la Cour de Cassation, une salariée prétendait avoir fait l’objet d’une exposition au tabagisme passif, et versait aux débats une attestation d’un « ami » confirmant qu’il avait pu sentir une odeur de tabac froid, tandis qu’une autre salariée avait également attesté de présence de tabac dans les bureaux, mais ceci, deux ans avant la rupture du contrat de l’intéressée, licenciée, in fine, pour inaptitude.En défense, l’employeur a alors pu soutenir que l’intéressée ne démontrait aucun préjudice d’un point de vue médical, tandis que l’exposition au tabac n’avait pu se faire que dans le garage, après qu’elle ait décidé elle-même d’accompagner ses collègues lors de la pause cigarette. En somme, l’employeur plaidait la bonne foi et surtout l’absence de toute faute de sa part.
La Cour d’Appel a suivi l’employeur quant à son argumentation, en relevant au surplus, que la salariée ne s’était jamais plainte de tabagisme passif et même qu’elle avait admis, en cours d’exécution du contrat, que les conditions de travail étaient bonnes.
Les premiers juges ont ainsi souverainement considéré qu’il n’y avait pas matière à indemnisation.
La Cour de Cassation, par arrêt en date du 3 Juin 2015, n’est pas de cet avis et rappelle que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité résultat, et donc qu’il doit garantir l’absence de tabac dans tous les lieux de travail fermés et couverts (article L.3511-7 du code de la santé publique notamment).
Autrement dit, la responsabilité de l’employeur peut être caractérisée, et ce peu important qu’il ait commis ou non une faute, dès lors que le salarié est exposé au tabac.
A la vérité, la solution n’est pas nouvelle (déjà en matière de tabagisme (Cass. Soc. 6 octobre 2010, n°09-65.103) ou simplement s’agissant d’un sentiment d’insécurité (Cass. Soc. 6 octobre 2010, n°08-45.609)).
In fine, l’employeur ne dispose que de deux moyens de se défendre dans le cadre de cette responsabilité dite objective :
- soit il conteste la réalité de l’exposition ;
- soit il justifie que l’exposition procède d’une cause étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité résultat (force majeure ou faute exclusive de la victime).
Tel est ce carcan juridique qui ne permet une analyse in concreto de la situation, qu’à l’aune des dommages et intérêts alloués à la victime.
Demeure encore la question de la « double sanction ».
En effet, la Cour d’Appel de renvoi va être amenée à déterminer d’abord s’il y a eu ou non manquement à l’obligation de sécurité résultat (exposition au risque avéré, faute exclusive de la victime), puis ensuite et dans l’affirmative, si le lien de causalité entre la faute et l’inaptitude in fine constatée, est établi.
Or, il semble résulter des termes du pourvoi, que l’inaptitude serait totalement étrangère à toute exposition au tabac.
Si les faits de l’espèce le permettent, gageons que la même rigueur juridique sera déployée lorsqu’il s’agira de caractériser le lien de causalité entre la faute et l’inaptitude.
Un peu plus loin, il est heureux que la Cour de Cassation ait infléchi sa jurisprudence, en matière de prise d’acte, en considérant qu’un manquement à l’obligation de sécurité résultat ne permet plus au salarié, ipso jure, de prendre acte de la rupture aux torts de son employeur et donc de percevoir des dommages et intérêts, en sus, pour licenciement abusif.
Tel a notamment déjà été le cas, s’agissant d’un employeur qui avait certes omis de procéder tant à la visite médicale d’embauche qu’aux visites médicales périodiques, les juges ayant considéré que ces manquements, anciens, n’avaient pas empêché la poursuite de l’exécution du contrat et qu’ils ne pouvaient donc, au gré, être subitement invoqués pour bénéficier d’une rupture aux torts dudit employeur (Cass. Soc. 26 mars 2014, n°12-23.634 notamment ).
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
GELLER Olivier
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