
Vente de gré à gré d’un bien immobilier frappé de commandement de saisie publié
Publié le :
12/11/2014
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2014
Sur la vente de gré à gré d'un bien immobilier frappé de commandement de saisie publié, avant assignation devant le juge de l'exécution aux fins d'audience d'orientation.
Selon l’article L.321-2 du Code des procédures civiles d’exécution (CPE), « l'acte de saisie rend l'immeuble indisponible et restreint les droits de jouissance et d'administration du saisi » ; l’article L.321-5 alinéa 1 du même Code de préciser que « la saisie immobilière est opposable aux tiers à partir de sa publication au fichier immobilier ».
La présente note vise à traiter l’hypothèse d’une vente devant intervenir entre la publication du commandement de saisie et la signification de l’assignation au débiteur d’avoir à comparaître devant le Juge de l’exécution en vue de l’audience d’orientation régie par les articles R.322-15 et suivants du CPE.
Le débiteur qui aurait trouvé acquéreur amiable de son bien peut, avant même la signification de l’assignation à comparaître devant le Juge de l’exécution en vue de l’audience d’orientation, saisir cette juridiction à l’effet d’être autorisé à vendre amiablement sous la condition naturellement de mettre en cause l’ensemble des créanciers inscrits (article R.322-20 du CPE).
A défaut et dans le délai de deux mois courant à compter de la publication du commandement, le créancier poursuivant saisira le Juge de l’exécution par voie d’assignation en vue d’une audience d’orientation, au cours de laquelle le débiteur pourra, sous certaines conditions, solliciter un délai à l’effet de vendre son bien amiablement.
Mais en dehors de ces deux hypothèses, la question se pose de savoir si un débiteur auquel un commandement de saisie a été signifié et publié au service de la publicité foncière, peut ou non vendre son bien de gré à gré avant la signification de l’assignation d’avoir à comparaître en vue de l’audience d’orientation, sans recourir à l’autorisation du Juge de l’exécution.
Un débat s’est instauré sur ce point, certains s’étant montrés réservés sur cette possibilité de vente en dehors de toute autorisation judiciaire (voir notamment H.CROZE, « dans quelles conditions une vente amiable peut-elle être passée pendant une procédure de saisie immobilière », Gaz. Pal. 10/06/2008, 162, Page 2).
Depuis lors, les doutes ont été dissipés : sous certaines conditions, avant la signification de l’assignation à comparaître à l’audience d’orientation, un débiteur peut vendre son bien immobilier de gré à gré, même dans l’hypothèse où un commandement de saisie, publié, lui aurait été signifié et sans besoin de recourir à l’autorisation du Juge de l’exécution selon les deux alternatives précitées.
La première condition est que ce motus operandi reçoive l’accord du créancier saisissant, de tous les créanciers inscrits, mais aussi du créancier auquel aurait été refusée la publication d’un autre commandement (article R.321-10 in fine).
La deuxième condition est que tous ces créanciers consentent, au plus tard de manière concomitante à la vente notariée, mainlevée du commandement de saisie qui seule permettra d’en solliciter la radiation par les services de la publicité foncière.
La troisième condition réside dans le fait que le créancier saisissant, les créanciers inscrits et celui à qui la publication d’un nouveau commandement aurait été refusée, doivent s’engager expressément à ne pas faire signifier au débiteur l’assignation visée aux articles R.322-4 et R.322-5 du CPE.
Sous réserve de ces trois conditions cumulatives, le débiteur pourra vendre son bien de gré à gré en dehors de toute autorisation judiciaire ; étant toutefois précisé que s’agissant du régime de cette vente, des différences notables existent avec la vente judiciairement constatée :
a) Dans le cas d’une vente amiable sur autorisation du Juge de l’exécution, les frais de poursuite taxés par le Juge (R.322-21 du CPE) sont versés directement par l’acquéreur en sus du prix de vente (R.322-24 CPE). Tel n’est pas le cas dans une vente de gré à gré effectuée en dehors de l’autorisation du Juge de l’exécution. Outre le fait que ces frais de poursuite engagés avant assignation ne seront par définition pas taxés par le Juge, le créancier saisissant devra avoir la prudence (sous peine de les conserver à sa seule et exclusive charge) de stipuler, au sein de l’acte matérialisant la mainlevée du commandement et le renoncement à assigner, que par dérogation à l’article 399 du Code de procédure civile, les frais de poursuite demeureront à la charge du débiteur qui devra ainsi s’obliger à leur paiement sur l’éventuel solde disponible du prix de vente ;
b) A l’inverse d’une vente amiable conclue avec l’autorisation du Juge de l’exécution suite à audience d’orientation (R.322-25 CPE), la vente de gré à gré effectuée avec mainlevée à tout le moins concomitante à la vente du commandement, n’emporte pas purge. Plusieurs éléments de sécurisation de la vente de gré à gré s’imposent alors :
a. L’acte de vente devra contractualiser l’accord du débiteur au désintéressement de tous les créanciers inscrits, du créancier saisissant ainsi que celui dont le commandement aura essuyé un refus de publication, par le biais d’un ordre irrévocable de paiement conféré par le débiteur au Notaire instrumentaire ;
b. Dans la mesure où d’autres inscriptions peuvent venir en rang utile sur l’immeuble considéré jusqu’à la publication de l’acte de vente de gré à gré et ainsi excéder le prix disponible, mettant ainsi à mal d’une part l’engagement conféré au Notaire de désintéresser tous les créanciers inscrits et d’autre part la faculté de purge de l’acquéreur qui serait ainsi gravement exposé, il sera recommandé :
i. d’exiger d’une part la signature d’un acte de vente à la lumière d’un état hypothécaire le plus récent possible et d’autre part, de réduire au maximum le délai séparant la signature de l’acte de vente du jour de la présentation de l’acte à publication auprès des services de la publicité foncière ;
ii. d’exiger le séquestre intégral du prix de vente par le Notaire ainsi que son affectation à la purge.
Ces opérations présentant un certain degré de complexité, l’intervention d’un avocat est un facteur essentiel de sécurisation de la transaction, dans l’intérêt combiné du débiteur saisi, de son acquéreur mais aussi des créanciers qui pourront alors bénéficier d’un recouvrement accéléré de leurs créances.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Robert Kneschke - Fotolia.com
Auteur
GADY Stephan
Historique
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