
Bulletin de paie : la mention des heures supplémentaires est obligatoire
Publié le :
16/01/2019
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Engage sa responsabilité l’employeur qui par une mauvaise présentation du bulletin de salaire prive son salarié du bénéfice d’exonérations sociales au titre des heures supplémentaires.Dans un arrêt du 3 octobre 2018 non publié au bulletin (pourvoi n°16-24705), la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle l’obligation pour l’employeur de mentionner distinctement sur les bulletins de salaire de ses salariés les heures supplémentaires majorées.
A défaut et si cette présentation prive le salarié du bénéfice d’exonérations de cotisations salariales, il peut être condamné à lui verser des dommages et intérêts.
Un salarié, responsable d’un service social dans un cabinet d’expertise comptable, avait saisi la juridiction prud’homale en demandant notamment le versement de dommages et intérêts en ce que la présentation des bulletins de salaire remis par son employeur n’avait pas permis l’application des exonérations salariales prévues par la loi TEPA.
Pour mémoire, la loi 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », ouvrait droit à l’époque à une réduction de cotisations salariales, une exonération fiscale et une déduction forfaitaire patronale au titre des heures supplémentaires (C. séc. Soc. art. L.241-17 dans sa version antérieure au 18 août 2012).
La présentation des bulletins de salaire litigieuse ne faisait apparaître qu’une rémunération mensuelle de base sur 169 heures, sans différenciation des heures au taux normal et des heures supplémentaires majorées.
Or, si le bulletin de salaire ne fait pas mention distinctement des heures structurelles éligibles à la loi TEPA, au regard du paramétrage du logiciel de paie, elles ne peuvent être gérées différemment des heures « normales » dont la rémunération est soumise aux charges sociales et fiscales applicables.
La Cour d’appel avait toutefois débouté le salarié de sa demande et avait repris les arguments de l’employeur qui faisait valoir que le salarié, responsable du service social, était l’auteur de cette erreur dont auraient également pâti des clients de l’entreprise. De par ses attributions, l’intéressé aurait pu, voire dû, proposer de modifier la présentation des bulletins de paie, ce que la société avait toutes chances d'accepter puisque cette modification lui aurait permis de bénéficier des réductions de cotisations patronales sur ces mêmes heures. Si cette présentation des bulletins de paie a nui au salarié, rien n'établissait un manquement de l'employeur en la matière puisque son salarié était précisément responsable du service gérant cette question.
Ce n’est toutefois pas le raisonnement retenu par la Cour de cassation.
Au visa des articles 1147 du Code civil et R.3243-1 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, elle rappelle que l’employeur doit remettre au salarié des bulletins de paie précisant le nombre d’heures de travail et distinguant les heures payées au taux normal et celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires.
En constatant que les bulletins délivrés au salarié ne faisaient pas apparaître la réalisation d’heures supplémentaires et que cette présentation avait nui à ce dernier en ne lui permettant pas de bénéficier des exonérations prévues par la loi, elle casse et annule le jugement de la Cour d’appel.
Même si cet arrêt a été rendu sous l’empire de la loi TEPA en grande partie abrogée, il retrouve un intérêt avec l’entrée en vigueur de la loi n°2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales qui remet en place un dispositif d’exonération de cotisations salariales au titre des heures supplémentaires à compter du 1er janvier 2019.
La vigilance est donc de mise sur la présentation des bulletins de salaire que l’employeur remet à ses salariés, sachant que, même si cela n’était pas en débat en l’espèce, la mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué, si elle est intentionnelle, constitue une dissimulation d'emploi salarié passible de nombreuses sanctions et notamment du versement au salarié d’une indemnité forfaitaire au moins égale à six mois de salaire (C. trav., art. L. 8223-1).
Cet article n'engage que ses auteurs.
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Auteurs

Angéline LEPIGOCHÉ
Avocate Associée
CORNET, VINCENT, SEGUREL RENNES
RENNES (35)

MICHEL François-Xavier
Avocat Associé
CORNET, VINCENT, SEGUREL RENNES
RENNES (35)
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