
Des témoignages anonymes ne peuvent à eux seuls justifier une faute
Publié le :
07/09/2018
07
septembre
sept.
09
2018
En vertu de l’article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie à un procès de « prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Parallèlement, l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (CESDH) garantit le principe du droit à un procès équitable.
Sur ces fondements, la jurisprudence civile a posé un principe général de loyauté de la preuve.
Le principe de loyauté de la preuve étant un principe général, l’enregistrement d’images ou de paroles à l’insu de leur auteur n’est pas recevable (Cass. 2e civ., 7 oct. 2004, n° 03-12.653).
En revanche, la preuve apportée par un SMS a été jugée recevable eu égard au fait que l’auteur du SMS ne peut ignorer que ses propos sont enregistrés pas l’appareil récepteur (Cass. Soc, 23 mai 2007, nº 06-43.209).
En jugeant par un arrêt du 4 juillet 2018 (n°17-18.241) que « le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes », la Chambre sociale de la Cour de cassation vient compléter sa jurisprudence sur le principe de loyauté de la preuve.
En l’espèce, un salarié a été licencié pour motif disciplinaire sur la base d’un rapport d’enquête interne établi par le Comité d’éthique de la société.
Ce rapport établi sur la base de témoignages anonymes faisait état de propos insultants tenus à l'égard de sa hiérarchie, à connotation raciste à l'égard d'un collègue de confession musulmane, à connotation sexuelle à l’égard de collègues féminines et d’attitudes déplacées du salarié.
Le salarié a alors contesté son licenciement arguant que la matérialité des griefs qui lui étaient reprochés reposait sur des témoignages anonymes portant atteinte à ses droits à la défense.
Considérant le licenciement parfaitement fondé, le Conseil de Prud’hommes comme la Cour d’Appel ont jugé qu’il n’y avait pas eu d'atteinte aux droits de la défense dans la mesure où le salarié avait eu la possibilité de prendre connaissance des témoignages en question et de pouvoir présenter des observations.
Au soutien de son pourvoi en cassation, le salarié a soutenu que les juges du fond ne pouvaient se baser uniquement sur le rapport d’enquête du Comité d’éthique, eu égard au fait que tous les témoignages qui y figuraient étaient anonymes, ce qui l’empêchait de se défendre contre les accusations portées contre lui.
La Chambre sociale de la Cour de cassation énonçant que le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, est venue casser la décision de la Cour d’Appel, en se fondant sur l’article 6 de la CESDH.
Par cet arrêt, la Haute Juridiction ne proscrit cependant pas la production de témoignages ou allégations anonymes, mais vient préciser que ces éléments ne peuvent emporter à eux seuls la décision du juge.
En effet, le juge prud’homal devant pouvoir s’assurer de la réalité des témoignages anonymes, l’employeur doit être en mesure de fournir les attestations des salariés ayant témoignés anonymement.
Cet arrêt est à rapproché de la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui considère à l’instar de la Cour de Justice de l’Union Européenne que des déclarations anonymes peuvent servir d'élément d'information mais ne valent pas en tant que preuve principale de l'exactitude des accusations portées.
Cet article n'engage que ses auteurs.
Crédit photo : © Olivier Le Moal - Fotolia.com
Auteurs
BROCHARD Christian
Paola GIRARDIN
Historique
-
Employeur et salarié face à la modification du contrat de travail
Publié le : 04/10/2018 04 octobre oct. 10 2018Particuliers / Emploi / Contrat de travailEntreprises / Ressources humaines / Contrat de travailModifications du contrat de travail : lesquelles sont autorisées sans l'accord du salarié ? Lesquelles nécessitent l'accord du salarié ? Sous quelles condi...
-
Des témoignages anonymes ne peuvent à eux seuls justifier une faute
Publié le : 07/09/2018 07 septembre sept. 09 2018Entreprises / Ressources humaines / Discipline et licenciementEn vertu de l’article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie à un procès de « prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succè...
-
Quelles sont les durées de travail en Europe ? Comparaison de 8 pays
Publié le : 19/07/2018 19 juillet juil. 07 2018Entreprises / Ressources humaines / Temps de travailLa Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) a publié une analyse comparative des durées du travail dans huit États...
-
L’indemnité compensatrice de congés payés est-elle due en cas de licenciement pour faute lourde ?
Publié le : 03/07/2018 03 juillet juil. 07 2018Entreprises / Ressources humaines / Discipline et licenciementIl convient de rappeler que l’indemnité compensatrice de congés payés est due au salarié, à la date de la rupture de son contrat, dès lors qu’il n’a pas li...
-
Rupture du contrat d’agent commercial au cours de la période d’essai
Publié le : 02/07/2018 02 juillet juil. 07 2018Entreprises / Ressources humaines / Contrat de travailRAPPEL En France, le statut des agents commerciaux est encadré par les articles L134-1 et suivants et R134-1 et suivants du Code de commerce. Ces textes...
-
Emplois francs : expérimentation du dispositif depuis le 1er avril
Publié le : 23/04/2018 23 avril avr. 04 2018Entreprises / Ressources humaines / Salaires et avantagesDu 1er avril 2018 au 31 décembre 2019 est expérimenté le dispositif « emplois francs », consistant à verser une aide aux employeurs qui embauchent des dema...
-
L'employeur peut-il apporter une preuve tirée du compte Facebook du salarié?
Publié le : 18/04/2018 18 avril avr. 04 2018Entreprises / Ressources humaines / Discipline et licenciementLe recueil d’informations publiées en accès restreint sur le compte Facebook d’un salarié pour lequel l’employeur n’a pas d’autorisation d’accès, est un mo...