
Usages et primes en entreprise: mode d'emploi
Publié le :
30/08/2012
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Accessoires du salaire, les primes peuvent être versées aux salariés en vertu du contrat de travail, de la convention collective, de l’usage ou à titre bénévole par l’employeur.
Conditions d'attribution d'une prime par l'usage et dénonciation par l'employeurSi nombre de primes sont prévues par le contrat de travail, il arrive fréquemment que l’employeur attribue une prime aux salariés, sans que cela soit écrit dans le contrat..
Elle est alors obligatoire. Cependant, l’employeur peut y mettre fin mais en le dénonçant dans des conditions formelles très strictes.
Les conditions d’attributions d’une prime par l’usage
L’usage est une pratique, qui consiste à octroyer de manière régulière et fixe un avantage déterminé à l’ensemble des salariés (ex. : prime, jours de congés supplémentaires, etc.).
Cette pratique n’acquiert la valeur d’un usage que si elle répond à trois critères cumulatifs : la constance, la généralité et la fixité (cass. soc. 3 avril 1990, n° 87 40706 D ; cass. soc. 24 février 2000, n° 07-43308 D ; cass. soc. 11 décembre 2002, n° 01-41094 D).
La constance implique que l’avantage est accordé de manière répétée et périodique (ainsi, une prime de fin d’année est effectivement accordée chaque année sans exception, avec la paye de décembre). Un acte ponctuel de l’employeur n’est donc pas constitutif d’un usage (cass. soc. 3 octobre 1991, n° 89-41759 D ; cass. soc. 20 octobre 1994, n° 93-42800 D).
En outre, il est nécessaire que l’avantage soit accordé à tous les salariés de l’entreprise ou à tous les membres d’une catégorie déterminée du personnel, qu’il réponde au critère de généralité (cass. soc. 26 octobre 1979, n° 78-41113, BC V n° 796).
Si l’employeur décide, de façon discrétionnaire, d’accorder une prime à certains salariés uniquement, il ne s’agira pas d’un usage. En revanche, l’employeur peut accorder la prime à toute une catégorie de salariés (par exemple les cadres).
Enfin, l’avantage doit être accordé en fonction de critères précis et fixes (fixité), dans son montant ou tout au moins dans son mode de détermination, tel un mode de calcul déterminé (cass. soc. 26 novembre 1987, n° 85-42946 D ; cass. soc. 27 juin 2007, n° 06-42987 D).
Dès lors que ces critères sont réunis, il y a bien usage et le versement de la prime est alors obligatoire.
Cependant, il doit être tenu compte de la primauté des conventions collectives sur les usages ; la cour de cassation a souligné, dans un arrêt récent, que l'employeur ne peut pas prévoir des modalités d'attribution d'une prime moins favorables que celles prévues par la convention collective (Cass. soc., 21 mars 2012, n° 10-15.553, FS-P+B, M. H. c/ Syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Moselle Est : JurisData n° 2012-004892). En effet, la convention collective concernée accorde une prime dite de treizième mois sous les seules conditions d'une ancienneté d'au moins six mois consécutifs et d'une présence à l'effectif de l'entreprise au 31 décembre de l'année de référence. Or, l’employeur avait diffusé une note interne d'information par laquelle il avait décidé que l'attribution de la prime litigieuse était basée sur le temps de présence effective, avec déduction de l'absence pour maladie. La Cour de cassation relève que la disposition de la convention déterminait le montant de la prime litigieuse sans condition de durée effective de présence et en a déduit que l'employeur ne pouvait décider de modalités d'attribution moins favorables aux salariés.
En revanche, l’employeur a toute latitude pour mettre fin à cet usage, sous réserve de respecter une procédure stricte de dénonciation de l’usage.
La procédure de dénonciation
L’employeur peut, sans justification, mettre fin à un usage, hormis pour un motif illicite.
Il doit néanmoins respecter une procédure précise de dénonciation. Cette procédure s’articule autour de trois principes (cass. soc. 18 mars 1997, n° 93-43989, BC V n° 110) :
- information préalable des représentants du personnel ;
Nombre d’entreprises ne possèdent pas de représentants du personnel et l’employeur n’informera alors que les salariés (cf ci-dessous). Néanmoins, si l’entreprise emploie plus de 11 salariés, il lui faudra alors produire un PV de carence, justifiant que la procédure des élections obligatoires a bien été mise en place, mais qu’aucun candidat ne s’est présenté.
- information préalable des salariés ;
- respect d’un délai de prévenance suffisant pour permettre d’éventuelles négociations
La loi ne fixe pas de délai, sa durée variant selon les circonstances. Mais pour exemple, l’employeur respecte un délai de prévenance suffisant lorsqu’il informe les salariés en mai et les représentants du personnel en juin de la suppression du 13e mois, dont le solde doit être versé au mois de décembre suivant (cass. soc. 27 avril 1989, n° 86-45468 D). En revanche, la dénonciation d’une prime qui devait être versée à la fin du mois ou le mois suivant, les juges considèrent généralement ce délai comme insuffisant (cass. soc. 22 décembre 1988, n° 86-42715 D ; cass. soc. 5 février 1992, n° 88-41643 D ; cass. soc. 24 octobre 1997, n° 96-40927 D ; cass. soc. 3 mai 2012, n° 10-20738 D).
Dans un arrêt récent, un délai de trois semaines a été jugé insuffisant concernant la suppression d’une prime ( Cass. soc. 3 mai 2012, n° 10-20738 D).
Si la procédure de dénonciation a bien été respectée par l’employeur, l’usage cesse alors de s’appliquer au terme du délai de prévenance. Les salariés ne peuvent donc plus prétendre au maintien de l’avantage en question (cass. soc. 25 février 1988, n° 85-40821, BC V n° 139).
Il doit être souligné qu’en aucun cas les salariés ne peuvent invoquer une modification de leur contrat pour faire échec à la dénonciation puisque l’usage ne relève pas du contrat de travail (cass. soc. 10 février 1998, n° 95-42543, BC V n° 83).
Mais si le contrat de travail des salariés y fait référence, l’avantage disparait en tant qu’usage sans dénonciation et devient un élément du contrat de travail (cass. soc. 11 juillet 2006, n° 05-41177 D ; Cass. soc. 1er février 2012, n° 10-17394 FSPB).
En revanche, si la procédure de dénonciation n’a pas été suivie, l’usage n’a pas été supprimé et les salariés sont alors en droit d’exiger le bénéfice de l’avantage prévu par cet usage tant qu’il n’a pas été dénoncé régulièrement ou qu’un accord collectif portant sur le même avantage n’a pas été conclu (cass. soc. 16 décembre 1998, n° 95-40385, BC V n° 570).
L’alernative : la conclusion d’un accord collectif
Lorsque l’employeur conclut avec les syndicats un accord collectif qui a le même objet qu’un usage, cet accord se substitue automatiquement à l’usage en question. Celui-ci disparaît, sans que l’employeur ait à le dénoncer (notamment ass. soc. 26 janvier 2005, n° 02 47507, BC V n° 31).
Même si l’usage a été préalablement dénoncé et que cette dénonciation est invalide en raison du non-respect des formalités, l'accord collectif se substitue tout de même à l’usage (Cass. soc., 8 janv. 2002, no 00-12.252, no 2 FS - P, CE de Clermont-Ferrand de la Manufacture française des pneumatiques Michelin et a. c/ Manufacture française des pneumatiques Michelin et cie : Bull. civ. V, no 4).
Dans une affaire récente (Cass. soc. 5 avril 2012, n° 10-12182 D) , la Cour de cassation a ainsi jugé que la procédure de dénonciation n’a plus de raison d’être si un accord collectif est intervenu ayant le même objet que l’usage.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Robert Kneschke - Fotolia.com
Auteur
HORNY Caroline
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