La reconnaissance de dette dactylographiée - Ou de la plume d’oie à l’ordinateur
Publié le :
03/12/2015
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Depuis la publication du code civil de 1804 et jusqu’à récemment les modes de preuve n’ont pas changé. Outre la preuve authentique qui ne souffre d’aucune autre contestation que le faux contre ce que constat le notaire et la preuve contraire en ce qui concerne les déclarations des parties, ledit code a institué une autre preuve écrite : celle sous seing privé.C’est l’article 1326 qui la régit ; il est ainsi libellé depuis la loi 80-525 du 12 juillet 1980 modifiant le code civil (l’espace manque pour remonter plus avant): " L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres."
Sur la base de ce texte toute mention manuscrite outre la signature étant exigée, tout autre procédé a été banni par la jurisprudence et le document ne valait que commencement de preuve par écrit, nécessitant d’autres moyens de preuve pour valoir reconnaissance de dette.
Cette célèbre mention manuscrite a été abandonnée par la loi 2000-230 du 13 mars 2000 qui modifie la rédaction de l’article 1326 dans le but de tenir compte des moyens modernes scripturaires : " L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres. "
Les termes « écrite de main » transformé en « écrite par lui-même » correspondent non pas à une simple évolution mais à une véritable révolution car si la vérification d’écriture ou de signature permet – sous réserve d’expertise souvent – de déterminer quasi-scientifiquement la véracité de l’écrit comment faire avec d’autres procédés ?
Jusqu’en 2000 aucune ambiguïté : tout ce qui n’est pas de la main de l’auteur de la reconnaissance en vaut pas preuve mais au mieux commencement de preuve. En témoigne l’abondante jurisprudence (Civ. 1re, 2 juill. 1996, Bull. civ. I, n°281 : reconnaissance de la main du débiteur mais signature de son comptable ; Civ. 1re nov.1996, Bull. civ. I, n°393 : absence de mention manuscrite de la somme en lettres ; Civ. 1re, 21 mars 2006, Bull. civ. I, n° 167 : absence de la mention manuscrite en chiffres).
Toutefois l’insuffisance de la mention manuscrite était jugée affecter non la validité de l’engagement mais la preuve de la portée et de l’étendue de celui-ci (Civ. 1re, 6 juill. 2004, Bull. civ. I, n° 199).
C’est osé car qui peut certifier que la mention dactylographiée provient bien du débiteur et non pas d’une autre personne qui l’aurait forcé à signer sans qu’aucun témoin n’y assiste ?
Pour plus ample informé on se reportera aux commentaires de Bertrand Fages, Professeur à Paris XII in RTD civ. 2008 p. 302 ou d’Irène Gallmeister Recueil Dalloz 2008, p. 911, le premier soulignant bien qu’il appartiendra à la cour de renvoi de vérifier que l’auteur de la signature et de la mention sont bien la même personne. Et la seconde d’approuver la restriction relative à la conformité du procédé scripturaire aux règles applicables en matière de signature électronique ou contrôle de l’intégrité de la mention écrite.
Tout allait bien jusqu’à l’arrêt de la Cour d’Aix-en-Provence du 11 mars 2014, n°13-09142 qui juge comme un principe qu’une reconnaissance de dette dactylographiée ne vaut que commencement de preuve par écrit ; le pas lui a été emboîté par la Cou de Paris qui le 9 mai 2014 en ne retenant que comme commencement de preuve par écrit le document comportant la signature mais pas la mention manuscrite.
La Cour de cassation casse vertement ce dernier arrêt dans un arrêt du 28 octobre 2015, n° 14-23110 de la 1re Chambre en reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si le document ne résultait pas d’un des procédés d’identification conforme aux règles qui gouvernent la signature électroniques ou de tout autre procédé permettant de s’assurer que le signataire est le scripteur de ladite mention.
Au Dalloz actualité du 9 novembre 2015 Thibault de Ravel d’Esclapon, chargé d’enseignement à la Faculté de droit de Strasbourg souligne l’importance de cet arrêt par lequel la cour de cassation persiste et signe (à rebours de la doctrine) en confirmant sa jurisprudence de 2008 pour un cas semblable : reconnaissance signée du débiteur mais entièrement dactylographiée.
L’auteur approuve l’arrêt comme conforme au texte depuis 2000 mais souligne aussi la difficulté : à savoir que certains modes d’établissement d’un acte non manuscrit posent des questions très différentes ; comment établir avec certitude que la mention dactylographiée a été rédigée par celui qui a signé de sa main ? Il est plus facile de déceler les différences entre signature et écriture électronique.
La réforme des obligations créerait un article 1376 en projet identique à l’article 1326 actuel et la jurisprudence devrait donc perdurer.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
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