
Délit d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement et application de la loi
Publié le :
06/04/2021
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2021
Cass. crim., 5 janv. 2021, n° 20-80.972
La société A.S.O., située dans le Tarn et Garonne est spécialisée dans l’abattage, la découpe et la commercialisation de la viande bovine, porcine et ovine. Le 7 avril 2016, ses locaux d’exploitation ont été contrôlés par la Direction Départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDPP). La DDPP s’est alors aperçue que le volume journalier de produits entrants était supérieur à deux tonnes par jour.
Or, l’annexe 3 de l’article de l’article R. 511-9 du code de l’environnement relative à la nomenclature des installations classées pour l’environnement prescrivait, en pareil cas, l’application d’un régime d’enregistrement de l’ICPE.
Tel n’était manifestement pas le cas de la société A.S.O. qui n’était pas enregistrée ; la chambre criminelle ne précise pas si la société en question avait procédé à une déclaration ICPE.
Cette dernière a donc été condamnée en première instance, décision confirmée par la Cour d’Appel de TOULOUSE laquelle a prononcé une peine d’amende de 100.000 € dont 75.000 € avec sursis.
Devant la chambre criminelle de la Cour de Cassation, la société A.S.O. a considéré que le raisonnement suivi par la Cour d’Appel ne respectait pas les règles d’application des dispositions pénales dans le temps.
Il s’avère en effet, qu’entre le constat de l’infraction par la DDPP et la condamnation de la société A.S.O., le pouvoir réglementaire est venu modifier les dispositions de l’article R. 511-9 du code de l’environnement.
C’est ainsi que depuis un décret du 21 novembre 2017, le seuil de détermination du régime applicable à l’installation (déclaration ou enregistrement) a été élevé de 2 à 4 tonnes.
La société A.S.O. s’est alors saisie des dispositions prévues à l’article 112-1 alinéa 3 du code pénal pour considérer que le régime du décret du 21 novembre 2017 était moins sévère que le précédent en ce qu’il lui imposait « seulement » un régime déclaratif.
Ce régime juridique plus favorable devait donc lui bénéficier rétroactivement.
Rappelons en effet que selon l’article en question :
- « Toutefois, les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ».La Cour de Cassation n’a pas suivi le raisonnement de la Société A.S.O. et a donc validé celui de la Cour d’Appel, en faisant une rigoureuse interprétation du principe énoncé audit article.
Certes, la modification réglementaire intervenue entre la constatation des faits et leur répression permet de considérer qu’en l’état actuel de la réglementation la société A.S.O., et dans l’hypothèse où l’activité était effectivement déclarée, n’aurait pas fait l’objet d’une condamnation.
Pour autant, ce seul constat ne saurait permettre de considérer qu’il faille lui faire bénéficier du principe de rétroactivité prévu à l’article 112-1 aliéna 3 du code pénal.
En effet, ce n’est pas tant l’article R. 511-9 du code de l’environnement que l’article L. 173-1 du même code qui constitue le support légal de l’infraction.
L’article L. 173-1 du code de l’environnement dispose ainsi que :
- « I.- Est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, sans l'autorisation, l'enregistrement, l'agrément, l'homologation ou la certification mentionnés aux articles L. 214-3, L. 512-1, L. 512-7, L. 555-1, L. 571-2, L. 571-6 et L. 712-1 exigé pour un acte, une activité, une opération, une installation ou un ouvrage, de :
1° Commettre cet acte ou exercer cette activité ;
2° Conduire ou effectuer cette opération ;
3° Exploiter cette installation ou cet ouvrage ;
4° Mettre en place ou participer à la mise en place d'une telle installation ou d'un tel ouvrage ».
C’est donc bien cet article qui fait de la violation des dispositions réglementaires prévues à l’article R. 511-9 du code de l’environnement, une infraction, en l’occurrence un délit.
En l’absence des dispositions pénales prévues à l’article L. 173-1 du code de l’environnement, la société A.S.O. n’aurait pas été poursuivie et encore moins condamnée, et ce quel que soit le degré de violation de l’article R. 511-9 du code de l’environnement dont elle se serait rendue coupable.
C’est parce que seul l’article L. 173-1 du code de l’environnement comporte une « visée immédiatement pénale », que seul cet article est concerné par le principe de rétroactivité prévu par les dispositions de l’article 112-1 alinéa 3 du code pénal.
Dit autrement, seule la modification de l’article L. 173-1 du code pénal était susceptible de bénéficier rétroactivement à la société en question.
A l’inverse, et puisque le droit administratif ne prévoit pas de principe juridique similaire au principe de rétroactivité de l’alinéa 3 de l’article 112-1 du code pénal, il n’y a, finalement et selon la Cour de Cassation, aucune raison d’appliquer, au bénéfice de la société A.S.O., un régime juridique administratif, certes plus favorable, mais qui n’existait pas au moment de la constatation de l’infraction.
De manière plus concrète, et puisque l’on sait que les dispositions, notamment réglementaires, du code de l’environnement sont sujettes à des modifications constantes réclamées par la nécessité d’adaptabilité immédiate de cette matière, le raisonnement proposé par la société A.S.O., n’était pas seulement juridique inexact, il était plus encore source d’instabilité permanente pour la répression des infractions environnementales.
La position suivie par la chambre criminelle est d’autant plus cohérente qu’elle s’accorde parfaitement avec d’autres raisonnements consacrés par la Cour de Cassation et que l’on peut, trouver, par exemple, en droit pénal de l’urbanisme ou en droit pénal de la presse où il est classiquement admis que la disparition respectivement de la construction non autorisée ou du propos litigieux ne fait disparaitre l’infraction, pour peu que celle-ci a bien été constatée préalablement, et n’empêche pas la condamnation de l’auteur du délit.
La rigueur du raisonnement suivi par la chambre criminelle peut apparaitre comme sévère pour la société condamnée, il n’en demeure pas moins qu’elle reste à saluer.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Clément Launay
Avocat directeur
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
Historique
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