
Fonction publique territoriale : La volonté de faire exécuter à un agent les obligations découlant de sa fiche de poste n’est (heureusement !) pas constitutive d’une situation de harcèlement moral à son encontre
Publié le :
17/07/2024
17
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07
2024
L’article L. 121-1 du code général de la fonction publique, dispose que :
« L'agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité ».
L’article L. 121-9 du même code, dispose que :
« L'agent public, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées.
Il n'est dégagé d'aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés ».
Et l’article L. 121-10 du même code, précise quant à lui que :
« L'agent public doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ».
Ces textes fondent les obligations objectives de tout agent public, notamment le devoir de probité et l’obligation d’obéissance hiérarchique.
Ces obligations objectives sont complétées par les obligations subjectives de l’agent, qui sont celles qui découlent de l’application de sa fiche de poste.
Également, tout agent public dispose de droits et notamment du droit de ne pas subir des agissements répétés de harcèlement moral.
Ainsi, l’article L. 133-2 du code général de la fonction publique, dispose que :
« Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Puis l’article L. 133-3 du même code dispose quant à lui que :
« Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un agent public en raison du fait que celui-ci :
1° a subi ou refusé de subir (…) les agissements de harcèlement moral mentionnés à l'article L. 133-2 ;
2° a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces faits ou agissements ;
3° Ou bien parce qu'il a témoigné de tels faits ou agissements ou qu'il les a relatés (…) ».
Le tribunal administratif de Poitiers a eu à apprécier la demande d’un agent sollicitant l’indemnisation de préjudices qu’il considérait comme consécutifs à un harcèlement moral subi de l’autorité hiérarchique, qui refusait que l’agent cesse de travailler le dimanche, travail dominical prévu par sa fiche de poste.
Dans un tel cas, il est de jurisprudence constante qu’il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement.
Il incombe ensuite à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement.
La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
Par application de ce raisonnement, le tribunal administratif de Poitiers a jugé dans sa décision n° 2201924 du 6 mai 2024 que la commune s’était bornée à demander à l’agent d’effectuer les missions contenues dans sa fiche de poste et pour lesquelles il ne disposait d’aucune contre-indication médicale.
Le tribunal administratif de Poitiers a considéré que :
« S'il est constant que M. X a développé un syndrome dépressif, dont son psychiatre atteste, par un certificat du 18 janvier 2022, qu'il est causé par les « positionnements inflexibles de son institution » à refuser de le décharger de son activité dominicale, et par une « phobie très importante portant sur les services municipaux de Y », il résulte toutefois de l'instruction que la maire de la commune de Y n'a fait que demander à M. X d'effectuer les missions contenues dans sa fiche de poste. A cet égard, la circonstance que sa mission dominicale soit mentionnée comme « annexe » résulte de sa faible périodicité, le planning produit par le requérant pour le second semestre 2021 indiquant d'ailleurs une seule permanence mensuelle à effectuer pour les mois d'août à décembre 2021, et non de son caractère provisoire, comme le soutient M. X. En outre, le comité médical départemental, composé de plusieurs médecins dont l'un siégeait dans la spécialité relative à l'affection de M. X, dans sa séance du 24 juin 2021, a considéré que le requérant était « apte à reprendre ses fonctions dès notification, sans aménagement, selon la fiche de poste présentée ». Le conseil médical qui s'est prononcé le 14 avril 2022 a également rendu un avis favorable à la reprise des fonctions sans émettre aucune restriction à leur exercice. Dans ces conditions, M. X ne produit aucun élément de nature à établir qu'il aurait fait l'objet d'agissements répétés entraînant une dégradation de ses conditions de travail, constitutifs d'un harcèlement moral ».
L’autorité territoriale était donc parfaitement légitime à solliciter de la part de l’agent, dans l’intérêt du service et en application de sa fiche de poste, de travailler le dimanche.
Aucune circonstance médicale ne justifiait une adaptation du poste et l’intérêt du service commandait l’application de cette fiche de poste, notamment la mise en œuvre du travail dominical. Il en irait différemment si l’agent disposait d’une contre-indication médicale particulière.
Dans un tel cas, la volonté de l’autorité hiérarchique de faire application de la fiche de poste à laquelle aucune contre-indication médicale ne faisait obstacle, n’est heureusement pas constitutive d’une situation de harcèlement moral à l’encontre de l’agent concerné.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Thomas PORCHET
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
Saint-Benoît (86)
Historique
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