
Prescription de l'article 2227 du Code Civil et trop perçu
Publié le :
15/04/2010
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2010
La loi n°2008-561 du 17 juin 2008 a profondément modifié le régime de la prescription.
Toutefois, la décision rendue par le Conseil d'Etat le 12 mars 2010 sous le n°309118 conserve toute son actualité.
Les faits de l’espèce sont extrêmement simples.
La commune de GRICOURT a émis le 20 février 2001 un titre exécutoire et le 27 juillet 2001 un commandement de payer à l’encontre de l’une de ses anciennes secrétaires de Mairie pour obtenir le remboursement des rémunérations indûment versées en l’absence de services faits à hauteur de la modeste somme de 91.836,84 €….
Ladite personne, selon ce qui est rapporté dans la décision, aurait indûment perçu cette rémunération du 1er avril 1971 au 31 décembre 1989 alors qu’elle n’effectuait aucun service.
Sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur les modes de gestion de cette commune, qui ne sont pas l’objet du présent commentaire, il y a lieu toutefois d’aller rapidement à la solution.
La fonctionnaire n’ayant pas effectué les services faits refusait toutefois de rembourser une somme d’une telle importance.
Elle a saisi le Tribunal Administratif d’AMIENS qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 20 février 2001 pour le recouvrement de la somme de 602.410,18 francs soit 91.836,84 €.
La Cour Administrative d’Appel de DOUAI ayant été saisie, a également rejeté les conclusions tendant à l’annulation des actes en question.
Mais le Conseil d'Etat a été d’un avis contraire et a rendu une décision originale dont le commentaire suit.
Il a considéré qu’aux termes de l’article 2227 du Code Civil dans sa rédaction applicable au litige, c'est-à-dire antérieur à la loi n°2008-561, les établissements publiques et les communes étaient soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers et pouvaient également les opposer.
Faisant application de l’article 2277 applicable au litige, il a considéré que la prescription était acquise par cinq ans.
L’article 2277 énonçait :
« Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement des salaires ».
Ainsi, le Conseil d'Etat a jugé que la prescription quinquennale prévue à l’article 2277 du Code Civil était parfaitement applicable aux actions en répétition de l’indu exercées par les communes contre les agents publics à raison de rémunérations versées en l’absence de service fait.
Il a jugé que cette prescription s’appliquait à toutes les actions relatives aux rémunérations des agents publics sans qu’il y ait lieu de distinguer selon qu’il s’agit d’une action en paiement ou en restitution de ce paiement.
Ainsi, la secrétaire de Mairie n’ayant pas exécuté les services du 1er avril 1971 au 31 décembre 1989 a pu conserver la rémunération à laquelle elle ne pouvait prétendre mais qu’elle avait acquise par prescription.
En d’autres termes, la commune de GRICOURT a vu son action rejetée.
L’affaire a été renvoyée devant la Cour Administrative d’Appel de DOUAI qui va donc désormais devoir statuer.
Il est probable qu’elle dira acquise effectivement la prescription de l’article 2277 du Code Civil et par conséquent, ne pourra que prononcer l’annulation du titre exécutoire émis à l’encontre de la secrétaire de Mairie le 20 février 2001.
Les questions relatives à la morale ou à la qualité de l’emploi de fonds publics ne nous intéressent pas dans le présent commentaire.
Il est extrêmement intéressant en revanche de constater l’application très claire par le Conseil d'Etat de la prescription quinquennale.
Qu’en est-il à l’égard des nouvelles dispositions issues de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 ?
L’article 2224 du Code Civil dispose désormais :
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer ».
Nul doute que cet article permettrait exactement la même solution.
Le Conseil d'Etat rappelle donc qu’il est possible aux fonctionnaires d’opposer une prescription quinquennale à une action en restitution de l’indu dont il pourrait faire l’objet de la part de son administration.
Comment agencer cette décision avec l’application de l’article 1er de la loi n°68-12150 du 31 décembre 1968 relative à la prescription quadriennale ?
L’on sait qu’au titre de cet article 1er :
« Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.
Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ».
On le voit, cet article pose le principe d’une prescription de 4 ans relative aux actions en paiement exercée par un fonctionnaire ou un tiers contre une administration.
Il est constant que cette prescription peut parfaitement être opposée par une administration à ses fonctionnaires ou agents.
Le Conseil d'Etat est régulièrement saisi de demandes de cette nature et examine les conditions d’application de la prescription quadriennale aux réclamations formulées par un agent contre son administration.
L’on peut consulter avec intérêt à ce sujet la décision du Conseil d'Etat n°311 318 du 24 juillet 2008 « Centre Hospitalier universitaire de CAEN ».
Dans cette espèce, le Centre Hospitalier Universitaire tentait d’opposer la prescription quadriennale à l’un de ses agents réclamant le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire.
La prescription de 5 ans peut parfaitement être opposée au visa de l’article 2227 du Code Civil par un agent à l’encontre de l’administration qui lui réclamerait un trop perçu.
Il résulte également de ce commentaire que l’administration à l’inverse peut opposer une prescription de quatre ans contre l’un de ses fonctionnaires qui viendrait réclamer un paiement ou un versement non effectué au titre d’un service fait.
Cette double prescription est évidemment à manier avec précaution.
L’assistance d’un avocat spécialisé en la matière est, d’un côté comme de l’autre, plus que jamais indispensable.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © antoinemonat
Auteur

DROUINEAU Thomas
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers
Saint-Benoît (86)
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