Dénonciation de faits de harcèlement moral : l’employeur peut-il sanctionner l’agent victime ?
Publié le :
02/03/2022
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Un fonctionnaire qui dénonce des faits de harcèlement dont il s’estime victime peut être sanctionné disciplinairement s’il commet des manquements à son devoir de réserve.
Le principe de l’interdiction pour l’employeur de sanctionner l’agent dénonçant des faits de harcèlement moral au travail.
En principe, les fonctionnaires ne peuvent pas être sanctionnés lorsqu’ils sont amenés à dénoncer des faits de harcèlement moral dont ils sont victimes ou témoins.L’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires précise en effet que :
" Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.(...) / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus."
De même, concernant les lanceurs d’alerte, les dispositions de l’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 (issues de la loi dite « Sapin II » du 9 décembre 2016) interdisent de prendre toute mesure défavorable à l’égard des personnes ayant signalé un délit dans les conditions prévues par les articles 6 à 8 de la loi du 9 décembre 2016.
Deux principes découlent de ces dispositions :
– un principe de protection de l’agent public victime de faits de harcèlement
– un principe de sanction contre des auteurs de faits de harcèlement moral.
Le nécessaire respect du devoir de réserve
L’agent public a néanmoins l’obligation de respecter ses obligations déontologiques et notamment son devoir de réserve qui lui impose de faire preuve de prudence et de mesure dans son expression.La violation du devoir de réserve peut en effet donner lieu à une sanction disciplinaire.
Le Conseil d’Etat a ainsi été amené à donner des indices pour apprécier le caractère justifié et proportionné de la sanction disciplinaire qui pourrait être prise :
Les fonctionnaires ne peuvent être sanctionnés lorsqu'ils sont amenés à dénoncer des faits de harcèlement moral dont ils sont victimes ou témoins.
Toutefois, l'exercice du droit à dénonciation de ces faits doit être concilié avec le respect de leurs obligations déontologiques, notamment de l'obligation de réserve à laquelle ils sont tenus et qui leur impose de faire preuve de mesure dans leur expression.
Lorsque le juge est saisi d'une contestation de la sanction infligée à un fonctionnaire à raison de cette dénonciation, il lui appartient, pour apprécier l'existence d'un manquement à l'obligation de réserve et, le cas échéant, pour déterminer si la sanction est justifiée et proportionnée, de prendre en compte les agissements de l'administration dont le fonctionnaire s'estime victime ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier a dénoncé les faits, au regard notamment de la teneur des propos tenus, de leurs destinataires et des démarches qu'il aurait préalablement accomplies pour alerter sur sa situation.
La haute juridiction administrative propose de tenir compte des critères suivants :
– de la teneur des propos tenus ;
– de leurs destinataires ;
– des démarches qu’il aurait préalablement accomplies pour alerter sur sa situation.
En toute circonstance l’agent public doit donc agir avec mesure et éviter d’agir précipitamment, sous peine de se voir reprocher un manquement à ses obligations déontologiques et plus particulièrement à son devoir de réserve.
CE, 29 déc. 2021, n° 433838
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Capucine VARRON CHARRIER
Avocate Associée
CLAMENCE AVOCATS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
TOULON (83)
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