
Abus de position dominante et prix excessifs : la Cour de cassation invalide la doctrine de l’Autorité de la concurrence
Publié le :
30/09/2021
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Comment caractériser un prix « non équitable » en l’absence de prix de référence extérieurs ? Telle est la problématique à laquelle a été confrontée l’Autorité de la concurrence après que les établissements de soins corses se sont vu appliquer, par leur prestataire Sanicorse, des augmentations de tarifs très significatives – +88% en moyenne – entre 2010 et 2012 pour le recyclage de leurs déchets d’activités de soins à risque infectieux (DASRI).
La position de l’Autorité de la concurrence
La société Sanicorse étant la seule entreprise de traitement des DASRI en Corse (monopole de fait), l’Autorité de la concurrence ne disposait d’aucuns prix de référence extérieurs auxquels auraient pu être comparés les prix pratiqués par Sanicorse afin d’en établir le caractère excessif.Pour contourner cette difficulté, l’Autorité de la concurrence a cru pouvoir procéder par comparaison des prix dans le temps, c’est-à-dire comparer les prix pratiqués par Sanicorse avec les mêmes clients avant et après l’augmentation de ses tarifs.
Ce faisant, l’Autorité de la concurrence a constaté une augmentation « brutale, significative, persistante et injustifiée » des prix pratiqués par Sanicorse, avec des augmentations individuelles parfois conséquentes : +131%, +135%, +137% voire même +194%.
L’Autorité de la concurrence a en outre relevé que, pour faire passer de telles augmentations tarifaires, Sanicorse avait menacé les centres de soins (ses clients) de résilier les contrats en cours ou de s’abstenir de soumissionner à leurs appels d’offres.
Les explications apportées par Sanicorse pour justifier de telles hausses de prix ayant été jugées non convaincantes par l’Autorité de la concurrence, cette dernière a, par décision n°18-D-17 du 20 septembre 2018, prononcé à l’encontre de la société Sanicorse une sanction d’un montant de 199 000 euros pour avoir, de 2011 à 2015, abusé de sa position dominante.
Une décision invalidée par la Cour d’appel de Paris et la Cour de cassation
Par deux arrêts du 14 novembre 2019 et du 7 juillet 2021, la Cour d’appel de Paris puis la Cour de cassation ont estimé que le caractère non équitable des prix pratiqués par Sanicorse n’était pas établi.Selon elles, en l’absence de prix de référence extérieurs, seule une comparaison des prix pratiqués avec la valeur économique de la prestation fournie peut permettre de caractériser un prix excessif susceptible de traduire un abus de position dominante.
Ce faisant, la Cour de cassation a définitivement invalidé la méthode dite « de comparaison dans le temps » de l’Autorité de la concurrence.
Pour pouvoir sanctionner Sanicorse sur le fondement d’une pratique de prix excessifs constitutive d’un abus de position dominante, l’Autorité de la concurrence aurait donc dû s’attacher à démonter en quoi les prix pratiqués par Sanicorse étaient « sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie », ce qu’elle n’a pas fait en l’espèce.
Sauf à inverser la charge de la preuve – qui repose sur l’Autorité de la concurrence – les prix pratiqués par Sanicorse doivent donc être présumés équitables et la sanction prononcée à son encontre *par l’Autorité de la concurrence est annulée.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Caroline BELLONE-CLOSSET
Avocat directrice
CORNET VINCENT SEGUREL LILLE
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