Le point de départ de la prescription en matière de délit de presse
Publié le :
02/07/2010
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2010
En matière de presse il s’agit de la première parution, date à laquelle l’écrit litigieux a été rendu public. Cette règle est relativement simple à mettre en œuvre pour les écrits papiers, mais pose une difficulté particulière pour les supports en ligne.
prescription en matière de délit de presse: TGI NANCY, ordonnance du 7 mai 2010
TGI NANCY, ordonnance du 7 mai 2010 (Banque Populaire Lorraine Champagne et autres / Jean M., JFG Network).
Il est rare qu’un juge des référés ait les honneurs de la critique ; le président du Tribunal de Grande Instance de NANCY vient récemment de faire parler de lui par une ordonnance rendue sur une affaire de diffamation à l’occasion de laquelle il a relevé :
« Afin de déterminer si la présente action a été engagée dans le délai de trois mois imposé par l’article susvisé (65 de la Loi du 29 juillet 1881 sur la Liberté de la Presse : NDLA), il est essentiel de déterminer d’une part, la date de publication des propos et du blog incriminés et de rechercher d’autre part, si la prescription a été interrompue par divers actes de procédure. »
Cette solution, traditionnelle en cette matière, a reçu paradoxalement un écho relativement important auprès du grand public. Elle a le mérite de permettre de rappeler les principes de la prescription en matière d’infractions de presse, ce qui pourrait bien ne pas s’avérer un luxe au regard de la solution donnée à cette espèce!
La Loi du 29 juillet 1881 sur la Liberté de la Presse a pour objectif principal de protéger ….la presse !
Cette évidence rappelée permet de mieux appréhender quel fut l’esprit du législateur qui a défini notamment les infractions de diffamation et d’injure publique : la presse est, par principe, libre de tout écrire ; cette liberté ne doit pas être entravée, sauf à ce qu’elle franchisse certaines limites et qu’elle mette à mal la liberté individuelle.
Toutefois, combien même aurait-elle, par mégarde, franchi ces gardes-fous législatifs, , passé un délai de trois mois à compter de la parution, l’auteur (de l’infraction, de l’article ou des propos) ne doit pas pouvoir être recherché : l’information est un bien de consommation avec date de péremption proche…
Ce délai de prescription de trois mois est bien souvent déterminant de l’échec d’une procédure, puisque la jurisprudence a admis qu’il s’appliquait aussi bien au civil qu’au pénal.
La solution rappelée par le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de NANCY est donc tout a fait classique pour celui qui est habitué de la matière, dès lors que le point de départ d’un délai de prescription n’est que fort peu souvent la date à laquelle on a connaissance du fait dommageable, mais plus généralement la date à laquelle le fait en question a été réalisé.
En matière de presse il s’agit donc de la première parution (Cass. Crim. 13 oct. 1987, Bull. Crim. 1987, n°349 pour exemple devant le juge pénal et Cass. 2ième civ. 1991 : Bull. Civ. 10991, II, n°9 devant le juge civil), date à laquelle l’écrit litigieux a été rendu public.
Cette règle est relativement simple à mettre en œuvre pour les écrits papiers, mais pose une difficulté particulière tenant à la spécificité des supports en ligne, dans la mesure où il est impératif de déterminer à quel moment précis l’écrit est apparu pour la première fois sur la toile (Cass.1ière civ., 5 juill. 2005 : Bulletin 2005 I N° 296 p. 248).
C’est cette jurisprudence que le magistrat nancéen applique lorsqu’il constate alors que :
« Ni l’acte introductif d’instance, ni les conclusions du 08 mars 2010, ni la plainte adressée au Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de Metz, ni la plainte avec constitution de partie civile du 23 novembre 2009 n’énoncent la date de publication des propos prétendus diffamatoires. Ces différents actes se réfèrent à la date de constat de tels propos selon le procès-verbal de Maître X, Huissier de Justice en date du 03 septembre 2009. Toutefois, cette date de constat - à supposer que les exigences strictes imposées en la matière pour garantir une force probante aux constatations relevées -, ne peut pas constituer le point de départ de la prescription de l’action. S’agissant de nouvelles technologies, la date de publication s’entend de la date de la première mise à disposition du public, soit du premier acte de publication, sans qu’il puisse être soutenu que sur le réseau internet l’acte de publication devient continu. »
Il importe donc de toujours bien préciser le point de départ de la prescription quand est poursuivie une infraction en matière de presse ou recherchée une responsabilité sur ce fondement, . Le demandeur l’aura, en l’espèce, appris à ses dépens…et permis à ceux qui avaient perdu de vue ce principe de mettre à jour leurs connaissances.
Toutefois la prescription n’est pas la seule entrave à la réussite d’une telle action, le législateur ayant prévu tout un arsenal de possibilités pour permettre au défenseur d’éviter à son client toute condamnation. Cette loi rédigée il y a presque 130 ans a de beaux jours devant elle, maintenant que tout un chacun, avec un blog ou un site internet, peut publier (rendre public) ses moindres pensées et ainsi tomber sous le coup des infractions de presse.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

NAUX Christian
Avocat Associé
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
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