
Cybercommerçant établi à l’étranger et rémunération pour copie privée au titre des supports d’enregistrement vendus en France
Publié le :
23/06/2020
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Le Code la propriété intellectuelle (« CPI ») garantit aux titulaires de droits d’auteur sur une œuvre le contrôle de la reproduction de cette dernière. Néanmoins, ils ne peuvent pas interdire les copies privées, à savoir « les copies ou reproductions réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé du copiste et non-destinées à une utilisation collective » (articles L. 122-5 2° du CPI).
En contrepartie de cette exception, l’article L. 311-1 du CPI prévoit une rémunération compensatoire des auteurs prélevée sur les supports d’enregistrement de l’œuvre concernée et versée par le fabricant, l’importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires, au sens du Code général des impôts, de ces supports lors de leur mise en circulation (article L. 331-4 du CPI).
A défaut de revêtir l’une de ces trois qualités, la Cour de cassation avait jugé que les entreprises de commerce électronique établies dans d’autres Etats membres de l’Union européenne que la France n’étaient pas redevables de la rémunération pour copie privée (Civ 1ère, 27 novembre 2008, pourvoi n°07-15.066).
Saisie récemment de cette problématique, la Cour de cassation a finalement abandonné sa lecture littérale de l’article L. 311-4 du CPI dans un arrêt du 5 février dernier.
En l’espèce, la Société pour la perception de la rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore (Copie France) a assigné devant les juridictions françaises une société de droit luxembourgeois, Only Keys, qui propose à la vente sur Internet des supports d’enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d’œuvres, afin d’obtenir sa condamnation au paiement d’une provision au titre de la rémunération pour copiée privée.
La Cour de cassation précise dans un premier temps que l’article L. 311-4 du CPI doit s’interpréter à la lumière de la directive européenne (2001/29/CE) du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.
Puis, la Haute juridiction en s’appuyant sur un arrêt du 16 juin 2011 (Stichting de Thuiskopie, C-426/09) de la Cour de justice de l’Union européenne, rappelle que la seule circonstance que le vendeur professionnel d’équipements, d’appareils ou de supports de reproduction d’œuvres protégées est établi dans un Etat membre de l’Union européenne autre que celui dans lequel résident les acheteurs de ces derniers, demeure sans incidence sur l’obligation d’indemniser le préjudice causé aux auteurs des œuvres protégées pour l’utilisation à des fins privées de leurs œuvres.
Au regard de ce qui précède, la Cour de cassation procède à un revirement de jurisprudence et considère que :
« lorsqu’un utilisateur résidant en France fait l’acquisition, auprès d’un vendeur professionnel établi dans un autre Etat membre de l’Union européenne, d’un support d’enregistrement permettant la reproduction à titre privé d’une œuvre protégée, et en cas d’impossibilité d’assurer la perception de la rémunération pour copie privée auprès de cette utilisateur, l’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que cette rémunération est due par le vendeur qui a contribué à l’importation dudit support en le mettant à la disposition de l’utilisateur final. »On retiendra donc de cet arrêt de la Cour de cassation que le cybercommerçant établi à l’étranger est redevable de la rémunération pour copie privée au titre des supports d’enregistrement vendus en France.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Alexandre CHABOUREAU
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