
La preuve des heures supplémentaires ne doit pas peser sur le seul salarié
Publié le :
23/12/2022
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Dans un arrêt en date du 19 octobre 2022 (Cass. soc. 19 octobre 2022, n° 21-18093), la Chambre Sociale de la Cour de cassation a de nouveau assoupli la preuve des heures supplémentaires pour le salarié en faisant peser sur l’employeur une obligation de justifier des heures réellement effectuées par le salarié et ce, même si le salarié n’apporte qu’une attestation relativement floue quant à l’accomplissement d’heures supplémentaires.Dans cette affaire un salarié sollicitait, entre autres, la condamnation de son ex-employeur à lui payer des sommes dues au titre d’heures supplémentaires.
Pour appuyer sa demande d’heures supplémentaires, le salarié ne versait au débat ni tableaux hebdomadaires reprenant ses horaires de travail ni courriels de fin ou de début de journée mais uniquement une attestation d’un ancien collègue déclarant que ce dernier arrivait entre 7h et 7h15 le matin et partait vers 18h30/19h le soir sans compter les déplacements.
Considérant que le salarié n’apportait pas de preuves suffisamment précises quant à la réalité des horaires effectués, la Cour d’appel de Paris a débouté le salarié de sa demande d’heures supplémentaires.
De manière surprenante, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’article L.3174-4 du Code du travail en exposant qu’en cas de litige quant à la réalisation d’heures supplémentaires, il appartient à l’employeur de justifier des horaires effectivement effectués par le salarié.
Il est toutefois rappelé que le salarié doit, à l’appui de sa demande, exposer des éléments précis tendant à démontrer la réalisation d’heures supplémentaires.
Si dans cette affaire l’employeur était incapable de justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié – le salarié bénéficiait avant la procédure prud’homale d’une convention de forfait jours – le salarié ne produisait qu’une attestation d’un ancien collègue qui avait quitté l’entreprise deux avant la saisine de la juridiction prud’homale.
Dans notre cas d’espèce, ni l’employeur ni le salarié ne pouvait apporter d’éléments précis quant à la réalisation ou non d’heures supplémentaires mais la Cour de cassation a tout de même tranché en faveur du salarié.
En matière d’heures supplémentaires, la Cour de Justice de l’Union Européenne avait déjà tenu ce raisonnement en application des directives européennes. (14 mai 2019 C-55/18 ; directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003)
Il est cependant surprenant de voir la Cour de cassation faire application de la jurisprudence européenne dans une décision à la fois inquiétante et critiquable.
Inquiétante car elle admet comme mode de preuve des attestations contestables : l’ancien collègue attestant des horaires du salarié avait quitté l’entreprise deux ans avant le licenciement de celui-ci. Les actions en paiement des heures supplémentaires se prescrivant par 3 ans, une attestation de complaisance était dès lors soupçonnable.
Critiquable car elle assouplit tant et si bien le mode de preuve des heures supplémentaires qu’il serait désormais envisageable que sur simple déclaration du salarié, l’employeur qui n’apporte pas la preuve des heures réellement effectuées soit condamné.
En matière d’heures supplémentaires, le principe selon lequel « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. » énoncé par l’article 9 du Code de procédure civile semble désormais désuet.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Louis D'HERBAIS
Avocat Associé
ORVA-VACCARO & ASSOCIES - TOURS, ORVA-VACCARO & ASSOCIES - PARIS
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