
La donation-partage, même faite par actes séparés, suppose une répartition de biens effectuée par le disposant
Publié le :
04/10/2023
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La donation-partage est un acte par lequel une personne fait, de son vivant, la distribution et le partage de ses biens et droits au profit de plusieurs bénéficiaires déterminés (les « donataires ») qui l’acceptent.La donation-partage se distingue de la simple donation qui n’emporte pas d’anticipation des lots avec un partage.
L’enjeu de la qualification de donation-partage par rapport à une donation simple réside dans son régime juridique spécifique lors des opérations de comptes et liquidation de la succession :
- La donation-partage n’est pas soumise au rapport à la succession du donateur, et
- Elle n’est pas soumise à une action en complément de part pour cause de lésion (1075-3 du code civil).
- Sous certaines conditions, les biens transmis par donation-partage sont évalués pour leur valeur au jour de l’acte.
Dans la plupart des cas, la donation, le partage des biens et l'acceptation des donataires interviennent dans le même acte.
Mais l’article 1076 alinéa 2 du code civil prévoit également le cas d’une donation-partage en deux temps : une donation dans un premier acte, puis dans un second acte, plusieurs mois ou années après: le partage, le donateur devant « intervenir » (terme choisi par le législateur) aux deux actes (L’article 1076, alinéa 2, du code civil : « La donation et le partage peuvent être faits par actes séparés pourvu que le disposant intervienne aux deux actes. »)
C’était le cas de l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 12 juillet 2023 (Cass. 1re civ., 12 juill. 2023, n° 21-20.361), ici commenté.
Les faits :
En 1995, M. X consent une donation-partage à ses trois enfants. A sa fille, il donne des immeubles en pleine propriété alors qu’il attribue la nue-propriété de la moitié indivise à chacun de ses fils sur un autre bien immobilier, les maintenant ainsi en indivision.En 2008, l’un des deux fils vend à son frère sa quote-part d’indivision. Le donateur intervient à l’acte pour consentir à cette cession « à titre de licitation » et renoncer à son action révocatoire (L’acte contenait une clause révocatoire).
La position de la Cour d’appel de PARIS :
La Cour d’appel de PARIS, juge que la donation doit être considérée comme une donation simple soumise à rapport.En effet, elle considère que l’acte de 1995 ne peut opérer à lui seul partage car les deux frères se sont vus donner des droits indivis (, et que l’acte de 2008, bien qu’étant un partage, ne l’a pas été à l’initiative du donateur ni sous sa médiation.
Pour la Cour d’appel, suivie par la Cour de cassation, le partage de 2008 ne résulte pas de la volonté du donateur mais des coindivisaires.
La position de la Cour de cassation :
Le seul partage n’est pas suffisant, le disposant doit être à son initiative.La Cour de cassation va un cran plus loin et remplace le terme de « médiation » par « direction » :
« Ayant ainsi fait ressortir que la répartition des biens n'avait pas été effectuée par le disposant lui-même ou, tout au moins, sous sa direction, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'acte du 7 novembre 1995 était une donation rapportable à la succession du donateur. »
Ainsi, depuis une jurisprudence de 2013 (Cass. civ.1, 12 juillet 2023, n° 21-20.361), il est jugé et confirmé régulièrement qu’une donation-partage n’attribuant que des droits indivis est requalifiée en donation simple, seule une répartition ultérieure de biens divis par les ascendants, pouvant alors faire renaitre la qualification de donation-partage. (Cass.civ.1, 6 mars 2013 n°2013-003727)
L’arrêt de 2023 permet de préciser que dans ce second acte, l’indivision doit prendre fin et donc le partage doit avoir lieu grâce à un acte du disposant lui-même ou sous sa direction, il ne peut se contenter d’intervenir à l’acte et de l’autoriser : un rachat de quote-part entre coindivisaires, même avec l’assentiment du disposant, ne remplit pas cette condition.
Certains auteurs considèrent que ce faisant, la Cour de cassation ajoute aux dispositions de l’article 1076 alinéa 2 du code civil qui n’évoque qu’une intervention à l’acte ; et qu’en imposant cette condition, elle nie le caractère contractuel des donations-partages qui doivent également être acceptées par les donataires pour être valides. L’idée même qu’un disposant « dirige » le partage serait donc déjà erronée.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Marion GAVALDA
Avocate Associée
DGCD Avocats - La Roche Sur Yon
LA-ROCHE-SUR-YON (85)
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