
Harcèlement moral et comportement de la victime
Publié le :
08/09/2015
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Poursuivi pour harcèlement moral, le Président d’une communauté de communes avait été condamné, en première instance, pour harcèlement moral, par le Tribunal Correctionnel de COUTANCES, à une peine d’amende de 5000 €, dont 3500 € avec sursis.Poursuivi pour harcèlement moral, le Président d’une communauté de communes (ci-après, X…) avait été condamné, en première instance, pour harcèlement moral, par le Tribunal Correctionnel de COUTANCES, à une peine d’amende de 5000 €, dont 3500 € avec sursis. Le Tribunal avait compati à la situation du prévenu en le condamnant à une peine d’amende ferme de 1500 €, et en réduisant les demandes de la victime, partie civile (qui demandait 78 809,34 € de dommages et intérêts), à une indemnité de 2000 €, en réparation de son préjudice moral.
Sur appel du prévenu, infirmant ce jugement, la Cour d’appel de CAEN avait relaxé le Président, par un arrêt, dont la motivation ciselée, procédait à l’examen de chacun des griefs et veillait à rechercher, au-delà des seules prétentions de la victime (Ci-après, Y…)., si la preuve d’« agissements répétés » ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’altérer sa santé ou de compromettre sa carrière, était rapportée.
Examinant in concreto, tant matériellement qu’intentionnellement, l’existence ou non de ce délit, la Cour d’appel avait ainsi motivé son arrêt, par l’attendu essentiel suivant : « Dans ce dossier où les risques de récupération politique entre X… et Y… ne sont pas à négliger, s’il est regrettable que la situation se soit à ce point dégradée entre eux , il convient d’indiquer qu’ Y…, si psychorigide et fragile qu’elle puisse être, a été à l’origine de l’attitude de X…, qui en tant que Président de la communauté des communes, était tenu de faire en sorte que la gestion des affaires publiques soit irréprochables, tout en préservant les personnels sous ses ordres dont certains ont eu à souffrir du comportement agressif de Y… au point d’en devenir dépressifs.
Dans ces conditions, on ne peut considérer qu’en agissant comme il l’a fait, il s’est rendu coupable du délit de harcèlement moral sur Y… » (CA CAEN, 3 février2014, n°14/00090)
Par arrêt du 27 mai 2015 (Crim. 27 mai 2015, FS-P +B, n° 14-81.489), la Chambre Criminelle de la Cour de cassation a cassé et annulé cette décision de relaxe, au visa de l’article 593 du Code de procédure pénale, pour contrariété de motifs :
« Mais attendu qu’en statuant ainsi, sans rechercher si les faits poursuivis, dont elle a admis qu’ils constituaient un comportement inadapté, n’outrepassaient pas, quelle qu’ait été la manière de servir de la partie civile, les limites du pouvoir de direction du prévenu et ne caractérisaient pas des agissements au sens de l’article 222-33-2 du Code pénal, la Cour d’appel n’a pas justifié sa décision »
Cet arrêt a été salué par certains auteurs (Cf, Dalloz Actualité, Commentaire de Mme GALLOIS), et la motivation de la Cour d’appel sévèrement critiquée : « Une telle motivation ne saurait tenir dans la mesure où ; en ne faisant qu’excuser le délit sans même l’avoir caractérisé, la Cour d’appel prive par son insuffisance de motif, la Cour de Cassation de tout contrôle. (…) L’arrêt est également erroné sur le fond (…°) Le comportement de la victime, tout comme le consentement de cette dernière, n’est en effet pas considérer comme un fait justificatif », c'est-à-dire susceptible de disculper le prévenu des faits de harcèlement moral auxquels il aurait pu se livrer. »
Nous serions plus réservés et notre appréciation des arrêts radicalement opposés : de notre point de vue, l’arrêt de cassation est critiquable, et l’arrêt de la Cour d’appel de CAEN (dont nous avons lu l’intégralité) doit, au contraire, être salué, pour tout à la fois, son audace et son orthodoxie juridique, tant dans l’examen des preuves à sa disposition (notamment, les auditions des collègues d’Y…) que dans l’examen des éléments constitutifs du délit de harcèlement moral.
L’arrêt de cassation nous semble d’abord critiquable, en ce qu’il a retenu, au titre de la contrariété de motifs, que la Cour d’appel avait « admis qu’ils [les faits reprochés au prévenu] constituaient un comportement inadapté », tout en relaxant le prévenu, mais sans rechercher s’il n’avait pas outrepassé les limites de son pouvoir de direction.
Or, ce postulat n’apparaît pas ainsi dans l’arrêt cassé. S’il est exact que la Cour a regretté l’état de dégradation des relations entre victime et prévenu, elle n’a en revanche, nulle part, sauf erreur, admis le caractère « inadapté » du comportement du prévenu. Son arrêt mentionne seulement, reprenant en cela vraisemblablement les déclarations du prévenu à la barre lors de l’instruction, « X… reconnaît avoir eu un comportement inadapté envers elle mais conteste s’être livré à son préjudice à des faits de harcèlement moral, pénalement repréhensible ».
La Cour d’appel n’avait donc pas qualifié d’inadapté le comportement du prévenu.
Ensuite, il nous semble que la Cour d’appel de CAEN avait, sur le fondement de l’article 222-33-2 du Code pénal, constaté, avec rigueur, qu’il était suffisamment établi que les dégradations des conditions de travail et l’altération de l’état de santé de la victime ne résultaient ni des décisions prises par le Prévenu, ni de son comportement, mais avaient d’autres causes, en l’occurrence le comportement et la personnalité de la plaignante.
Les « agissements » critiqués étaient l’expression de son pouvoir de direction, en l’occurrence, dicté par le souci d’une bonne exécution du Service Public et la préservation du personnel placé sous ses ordres dont certains avaient eu à souffrir du comportement d’Y….
L’exigence de la Cour de Cassation tenant au point de rechercher, si les décisions prises outrepassaient ce pouvoir de direction, conduit, selon nous, à ajouter au texte.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Giuseppe Porzani - Fotolia.com
Auteur
BLANVILLAIN Caroline
Historique
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