
L’effet libératoire du solde de tout compte en l’absence même de mention du délai de forclusion
Publié le :
06/01/2016
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Le solde de tout compte est un document qui fait l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail (C. trav. art. L. 1234-20).Il est établi en double exemplaire. Il doit être remis par l’employeur au salarié quel que soit le motif de la rupture (démission, licenciement, prise d’acte, rupture conventionnelle homologuée, etc.).
Il s’agit là pour l’employeur d’une obligation et non pas d’une simple faculté (Cass. Soc., 18 décembre 2013, n° 12-24.985).
L’article 187 de la loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale semblait pourtant octroyer un caractère facultatif à cette formalité : « Lorsqu'un reçu pour solde de tout compte est délivré et signé par le salarié à l'employeur à l'occasion de la résiliation ou de l'expiration de son contrat, il n'a que la valeur d'un simple reçu des sommes qui y figurent. » Avec la recodification du code du travail ce texte en deviendra, à droit constant, l’article L. 1234-20.
La rédaction actuelle de l’article L. 1234-20 ne laisse plus place au doute et précise le caractère impératif de la remise de ce document au salarié.
Cependant, si l’employeur remet obligatoirement un solde de tout compte au salarié, ce dernier est libre de ne pas en accuser réception.
Ce refus n’entraîne aucune conséquence ou sanction particulière. L’employeur ne peut notamment pas subordonner le versement des sommes dues à la signature du reçu par le salarié.
Mais la signature du salarié conditionne l’effet libératoire recherché par l’employeur.
Rappelons qu’avant la loi de modernisation sociale de 2002, le législateur prévoyait que le reçu pouvait être dénoncé par le salarié dans un délai de deux mois, à la condition expresse que ce document fasse mention, « en caractères très apparents », du délai de forclusion.
Ensuite, la loi du 17 janvier 2002 avait retiré l’effet libératoire du solde de tout compte et prévoyait : « Lorsqu'un reçu pour solde de tout compte est délivré et signé par le salarié à l'employeur à l'occasion de la résiliation ou de l'expiration de son contrat, il n'a que la valeur d'un simple reçu des sommes qui y figurent. »
Le solde de tout compte perdait ainsi tout intérêt pour l’employeur et n’avait que pour but de faire l’inventaire des sommes dues au salarié.
C’est enfin avec la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 que le solde de tout compte retrouve son effet libératoire pour l’employeur lorsqu’aucune contestation salariale n’a eu lieu dans les six mois suivants la signature du document.
Pour cela, le solde de tout compte doit remplir certaines conditions :
Il doit expressément répertorier les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail. En effet, le reçu n’a d’effet libératoire que pour les sommes qui y sont précisément inventoriées (Cass. Soc. 18 décembre 2013, n° 12-24.985).
Ainsi, un salarié pourra élever un litige sur des sommes n’y figurant pas dans la limite du délai de prescription applicable à sa demande.
Par ailleurs, afin d’avoir un caractère libératoire, le reçu doit être signé par le salarié et faire mention de la date (point de départ du délai de six mois).
Enfin, pour être recevable, la dénonciation doit être faite par lettre recommandée (article D.1234-8 du Code du travail).
Cependant, et contrairement aux dispositions légales antérieures à 2002, l’article L. 1234-20 du Code du travail n’oblige pas l’employeur à mentionner le délai de six mois pour le dénoncer.
Le reçu a donc un effet libératoire, avec ou sans la mention du délai de six mois. C’est en effet ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 4 novembre 2015 :
« Mais attendu que les dispositions de l'article L.1234-20 du code du travail en sa rédaction résultant de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, ne prévoient pas l'obligation pour l'employeur de mentionner sur le reçu pour solde de tout compte le délai de six mois pour le dénoncer ;
Et attendu que la cour d'appel ayant souverainement retenu que le reçu pour solde de tout compte, non dénoncé dans le délai de six mois, faisait mention des sommes versées en précisant la nature de celles-ci, à titre notamment de salaire, en a exactement déduit que ce reçu avait un effet libératoire ; »
Ainsi, il est désormais établi que rien n’oblige l’employeur à informer le salarié de ce délai de forclusion de six mois.
Dès lors, le salarié n’a pas de réel moyen d’être informé du délai dont il dispose pour contester les sommes qu’il a perçues.
Cette information semble pourtant essentielle au regard des effets que la signature du salarié procure au solde de tout compte.
En outre, l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui figure au rang des principes fondamentaux reconnus par les juridictions françaises, prévoit que : « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi. »
En effet, le droit d’accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et l'effectivité du droit d'accès demande qu'un individu « jouisse d'une possibilité claire et concrète de contester un acte constituant une ingérence dans ses droits »
Ainsi, en ne précisant pas au salarié qu’il dispose d’un délai de six mois pour contester le solde de tout compte, peut-on véritablement considérer qu’il jouit d’une possibilité claire et concrète de contester l’acte en question ?
Histoire à suivre….
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Frédéric Massard - Fotolia.com
Auteur

ANTOINE Alain
Avocat Associé
Alain ANTOINE
SAINT-PAUL (974)
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