
La Copropriété ne peut être représentée que par un seul et unique Syndic pour chaque mandat
3ème Chambre Civile 22 septembre 2016, n°15-13896
Les faits sont très simples et, malheureusement, fort courants. Une copropriété, composée de trois lots, ne souhaite pas désigner de Syndic professionnel, vue la taille extrêmement réduite des parties communes, se limitant, selon les membres du Syndicat aux « murs et à un compteur d’eau » (il n’y aurait donc pas de toit à cet immeuble ?).
La solution paraissant la plus évidente et la moins coûteuse pour les trois copropriétaires est donc de désigner un Syndic bénévole choisi parmi eux.
Une résolution, assez particulière, est donc adoptée à l’unanimité : « les copropriétaires décident de gérer eux-mêmes la copropriété étant donné qu’elle ne dispose d’aucune partie commune à l’exception des murs et d’un compteur d’eau » que « Madame Y et Monsieur X étant sur place, s’occupent de faire établir les devis en cas de travaux et que en réunion, les copropriétaires prendront les décisions qui s’imposent ensemble » et, enfin, « pour les règlements, les copropriétaires règleront directement au prorata de leurs tantièmes les sociétés qui réaliseront les travaux. »
Cette solution, extrêmement bancale, peut fonctionner, tant bien que mal, dès lors qu’aucun litige ne se crée entre les copropriétaires ou entre le Syndicat et des intervenants extérieurs. Mais la vie d’une copropriété, si petite soit-elle, reste tout de même jalonnée d’incidents.
Courant 2009, suite à la réfection de la façade, des malfaçons ont été commises par l’entreprise en charge des travaux nécessitant une intervention judiciaire de la copropriété, dans le cadre d’une procédure très classique en droit de la construction.
L’assemblée générale des copropriétaires, convoquée très vraisemblablement en toute illégalité, vote à nouveau une résolution fort étonnante, délibérant sur « les pouvoirs à donner aux Syndics à l’effet d’introduire une procédure contre la Société. »
La résolution, votée à l’unanimité, est la suivante : « les copropriétaires donnent pouvoirs nécessaires à Messieurs Y et X, es-qualités, à l’effet d’introduire devant le Tribunal de Grande Instance de Reims une procédure visant à mettre en cause la responsabilité de la Société au regard des malfaçons et désordres constatés dans le cadre de la réfection extérieure de l’immeuble, mandater tout avocat, et plus généralement, faire le nécessaire. »
La Société mise en cause soulève une fin de non recevoir, arguant du défaut de qualité à agir de Monsieur X, le seul à avoir été désigné comme Syndic bénévole dans les actes introductifs d’instance, au motif que l’Assemblée a désigné Monsieur X et Monsieur Y, ce qui est un défaut de désignation ne leur permettant pas d’être Syndic bénévole.
La Cour d’Appel saisie déboute la Société de son irrecevabilité considérant que le Syndicat pouvait valablement désigner deux copropriétaires aux fonctions de Syndic bénévole, retenant que le vote fut fait à l’unanimité et que les résolutions successives avaient un objet parfaitement déterminé, permettant aux copropriétaires de voter en pleine connaissance des choses. Qu’en conséquence, l’habilitation des Syndics était donc valide.
La Cour de Cassation casse cet arrêt en constatant que l’article 17 de la Loi de 1965 précise que « les décisions du syndicat sont prises en assemblée générale des copropriétaires ; leur exécution est confiée à un syndic placé éventuellement sous le contrôle d'un conseil syndical. »
La Cour, prenant appui sur cet article, consacre donc le principe selon lequel le Syndicat est représenté par un seul et unique Syndic et que toute violation de ce principe entraîne donc l’irrecevabilité de toute action entreprise par le Syndic par la suite, et ce, même en l’absence de contestation de l’AG ayant désigné plusieurs personnes en tant que syndic.
La Cour complète sa décision en précisant également que le fait que Monsieur X soit la seule personne désignée comme syndic de la copropriété est également une cause de cassation de l’arrêt, puisque ce sont Monsieur X et Monsieur Y qui ont été investis de ce pouvoir, le Syndicat ne pouvant donc être valablement représenté en justice que par les deux copropriétaires agissant de concert.
En effet, l’article 55 du décret de 1967 précise que le Syndic ne peut agir en Justice au nom du Syndicat qu’après avoir été autorisé en AG, or, ce sont bien Monsieur Y et Monsieur X qui ont été autorisés à agir, et non pas seulement Monsieur X.
En conséquence, l’absence de Monsieur Y rend nul l’acte introductif d’instance.
Les copropriétaires sont donc dans une impasse, puisque si un seul des deux Syndics bénévoles est mentionné dans l’assignation, en ce cas, le Syndicat n’est pas valablement représenté, l’article 55 du décret de 1967 étant violé, mais si les deux Syndics apparaissent sur l’acte, alors leur désignation viole l’article 17 de la loi de 1965 et ne peut être prise en compte, ce qui, dans les deux cas, entraîne un défaut de qualité à agir et une irrecevabilité de l’assignation.
Cette irrecevabilité a des conséquences dramatiques dans le cas d’espèce, puisque la responsabilité recherchée n’est pas fondée sur la garantie décennale des constructeurs, les sinistres étant des malfaçons sur un ravalement de façade, mais sur la garantie contractuelle de la Société requise.
L’acte introductif d’instance datant de 2009 et l’irrecevabilité étant consacrée en 2016, supprimant toute interruption ou suspension de prescription, les actions à l’encontre de la Société risquent désormais d’être prescrites, ne laissant plus de solution aux Copropriétaires à l’exception de la recherche de responsabilité des deux syndics bénévoles.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
BROGINI Benoît
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