Le sort de l'indemnité dommages ouvrage à la suite du transfert de propriété de l'immeuble
Dans le cadre de la vente d’un bien immobilier, l’acquéreur avait obtenu une réduction du prix au moins équivalente au montant de l’indemnité qui avait été versée au vendeur par l’assureur dommages ouvrage (soit une somme de 175.000 euros), à la suite d’un sinistre constructif qui lui avait été déclaré.
Dans l’acte authentique de vente, une clause spécifique avait été insérée selon laquelle le vendeur déclarait ne pas avoir réalisé les travaux pour lesquels il avait été indemnisé, de sorte que leur exécution restait à la charge de l’acquéreur, ce que celui-ci avait expressément accepté, s’agissant de la contrepartie au moins partielle à la réduction du prix de vente.
L’acquéreur n’ayant pas réalisé les travaux de reprise, l’assureur dommages ouvrage a engagé une procédure à son encontre, en restitution du montant de l’indemnité qui avait été réglée au vendeur.
Dans son arrêt en date du 13 avril 2023 (Cass., 3ème civ., 13 avril 2023, n° 19-24.060, publié), la Cour de cassation fait droit à la demande de l’assureur dommages ouvrage, dès lors que l’acquéreur devait être considéré, en pareille circonstance, comme ayant la qualité de bénéficiaire de l’indemnité d’assurance, c’est-à-dire d’Accipiens :
« Par motifs propres et adoptés, la cour d’appel a constaté que l’acquéreur s’était vu consentir une réduction du prix de vente au moins équivalente à l’indemnité versée au vendeur par l’assureur de dommages ouvrage et qu’aux termes de l’acte de vente, le vendeur avait déclaré que l’assureur lui avait versé la somme de 175 000 € mais ne pas avoir fait exécuter les travaux, qui restaient à la charge de l’acquéreur, ce que celui-ci acceptait expressément.
Elle a, ainsi, fait ressortir que, selon la convention des parties à l’acte de vente, l’indemnité d’assurance avait été transférée à l’acquéreur, qui devait effectuer les travaux pour laquelle elle avait été versée.
Les tiers pouvant invoquer à leur profit comme constituant un fait juridique la situation créée par un contrat auquel ils ne sont pas partis, la cour d’appel a pu en déduire que M.(E) avait acquis la qualité d’accipiens à l’égard de l’assureur, de sorte qu’il devait lui restituer les indemnités non affectées à la réparation de l’ouvrage ».
Il sera rappelé que, par exception au principe de libre disposition de l’indemnité d’assurance, la jurisprudence considère que l’assurance relative aux biens, ce qui est le cas de l’assurance dommages ouvrage, est un contrat d’indemnité (Cass, 3e civ., 3 mars 2004, n° 08-15.411).
Le caractère indemnitaire de l’assurance de choses contraint donc l’assuré à affecter l’indemnité reçue à la réparation du dommage.
Il en résulte qu’il incombe à l’assuré de démontrer qu’il a effectivement réalisé les travaux nécessaires à la réparation des désordres et d’établir quel en a été le coût, puisque l’assureur est en droit d’obtenir la restitution de ce qui a été versé au-delà de ce qui a été payé (Cass, 3e civ., 4 mai 2016, n° 14-19.804), et bien évidemment du tout si aucun travaux n’a été réalisé.
En l’espèce, par la convention des parties que constitue l’acte authentique de vente, l’acquéreur s’était expressément engagé à faire son affaire personnelle des travaux de reprise après avoir obtenu une réduction de prix « au moins équivalente » au montant de l’indemnité qui avait été réglée au vendeur.
Si l’acte de vente ne devait sans doute pas mentionner qu’une partie de la réduction du prix de vente correspondait au montant de l’indemnité d’assurance réglée, le simple fait que le vendeur déclare ne pas avoir réalisé les travaux de reprise, alors que l’acquéreur déclarait qu’il en faisait son affaire personnelle, suffisait à caractériser l’existence d’un transfert de l’indemnité d’assurance à son profit, dès lors que le montant de la réduction du prix était au moins égal au montant de l’indemnité perçue, en l’absence de toute mention contraire à l’acte.
La portée de l’arrêt doit donc nécessairement être analysée au regard de la rédaction de l’acte de vente, la Cour de cassation prenant soin de préciser à cet égard : « selon la convention des parties ».
En l’espèce, il n’y a absolument rien de surprenant à ce que l’assureur dommages ouvrage exerce « un droit de suite », afin de s’assurer de l’affectation effective de l’indemnité versée à la réparation du désordre, auprès de celui qui avait déclaré à l’acte en faire son affaire personnelle.
Au-delà du droit, la solution retenue est parfaitement morale.
A toute fin, il sera rappelé qu’il est désormais constant que l’action en restitution de prestations indues réglées par un assureur, engagée sur le fondement des dispositions des articles 1202 et 1302-1 du code civil, ne relève pas de la prescription biennale de l’article L 114-1 du code des assurances, mais est soumise au délai de prescription de droit commun de 5 ans de l’article 2224 du code civil, « quel que soit la source du paiement indu » (Cass, 2ème civ, 8 septembre 2016, n° 15-16.890 ; Cass, 2ème civ, 4 juillet 2013, n° 12-17.427).
Il était en effet antérieurement distingué selon que l’assureur avait procédé au paiement en exécution de son contrat d’assurance (et auquel cas la prescription applicable était celle de l’article L 114-1 du code des assurances), ou en exécution d’une décision de justice non définitive (et auquel cas la prescription applicable était celle du droit commun) - (Cass, 3ème civ, 27 mai 2010, n° 09-15.412).
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Ludovic GAUVIN
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