
Pas de retrait d'une décision créatrice de droits entachée d'un vice « danthonysable »
Dans sa décision du 7 février 2020, le Conseil d’État se prononce sur la conciliation des jurisprudences connues dites Ternon et Danthony en posant le principe selon lequel l’administration, de sa propre initiative ou à la demande d’un tiers, ne peut pas retirer ou abroger une décision créatrice de droit affectée d’un vice «Danthonysable », même dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.
Il s’agissait, dans cette affaire, du détachement d’une fonctionnaire qui avait été pris sans la consultation préalable pourtant obligatoire de la commission administrative paritaire.
La requérante avait saisi le Conseil d’Etat de la décision du maire portant retrait de sa nomination en qualité de directrice générale des services de la commune.
Le retrait de cette décision était motivé par l’illégalité de la mesure qui n’avait pas été précédée de la CAP.
La jurisprudence dite Ternon, désormais codifiée à l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration, prévoit que :
« L’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ».
Aux termes de sa jurisprudence Danthony , le Conseil d’Etat a précisé que :
« si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie » (CE, ass., 23 déc. 2011, n° 335033, Danthony)
Il résulte de cette dernière jurisprudence Danthony qu’un vice de procédure ne peut entrainer l’illégalité d’une décision que dans deux situations :
• s’il a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision ;
• s’il a privé les intéressés d’une garantie.
Par sa décision du 7 février 2020, conciliant les deux jurisprudences évoquées, le Conseil d’Etat a jugé qu’une « décision créatrice de droits, entachée d’un vice, qui n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de cette décision et qui n'a pas privé les intéressés d'une garantie, ne peut être tenue pour illégale et ne peut, en conséquence, être retirée ou abrogée par l'administration de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers, même dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ».
En l’espèce, le Conseil d’Etat rappelle que cette absence de consultation de la CAP ne constitue pas un vice régularisable et conclut donc que l’administration pouvait retirer la décision, créatrice de droits, portant détachement dans le délai de quatre mois :
« Toutefois, lorsque la loi ou le règlement prévoit la consultation préalable [d’une CAP] avant la décision de détachement, cette consultation constitue une garantie au bénéfice de l’ensemble des candidats à ce détachement ou susceptibles de l’être. Le défaut de cette consultation préalable ne peut en outre être regardé comme régularisé par la consultation [de la CAP] après la décision que dans les hypothèses où la loi ou le règlement permettent expressément de déroger au caractère préalable de la consultation, hypothèses dans lesquelles il n’est ni établi ni allégué que l’on se soit trouvé en l’espèce »
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Capucine VARRON CHARRIER
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