Sur la réforme des entreprises en difficulté: partie 2

Sur la réforme des entreprises en difficulté: partie 2

Publié le : 04/12/2014 04 décembre déc. 12 2014

Pour lire la première partie de cet article cliquer ici.

Suite de l'article sur la réforme du droit des entreprises en difficulté. (Partie 2)

II. LA SUPPRESSION DE CERTAINS CAS DE SAISINE D’OFFICE DU TRIBUNAL

2.1. La généralisation attendue des suppressions des hypothèses de saisine d’office du Tribunal.

Le 7 décembre 2012 le Conseil Constitutionnel a remis en cause l’une des règles les plus habituelles du droit des procédures collectives consistant à reconnaître à la juridiction compétente la faculté de se saisir d’office pour ouvrir une procédure collective.

Le Conseil Constitutionnel, a considéré

que la loi ne fixait pas les garanties légales ayant pour objet d’assurer qu’en se saisissant d’office, le tribunal ne préjuge pas de sa position lorsque, à l’issue de la procédure contradictoire, il sera appelé à statuer sur le fond du dossier au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats les dispositions contestées, confiant au tribunal la faculté de se saisir d’office aux fins d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire méconnaissant de ce fait les exigences d’impartialité découlant de l’article 16 de la déclaration de 1789.

Le 7 mars 2014, le Conseil Constitutionnel a déclaré non conforme sous la même référence à l’article 16 de la déclaration de 1789 la disposition du Code de commerce qui permet au tribunal qui a arrêté le plan de sauvegarde de se saisir d’office pour l’ouverture d’une procédure de redressement de liquidation judiciaire en cas de résolution du plan.

Par une autre décision du même jour, c’est la faculté pour le tribunal dès lors qu’il n’y a pas de procédure de conciliation en cours de se saisir d’office aux fins d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire qui a été identiquement sanctionnée.

Faisant écho aux décisions du Conseil Constitutionnel, la réforme de mars 2014 supprime la saisine d’office pour le cas d’ouverture du redressement judiciaire, de même pour l’hypothèse de la liquidation judiciaire, pareillement en cas d’échec de la procédure de conciliation lorsqu’il ressort du rapport du conciliateur que le débiteur est en état de cessation des paiements.

Avant la réforme l' article L 631-14-2 prévoyait que le tribunal pouvait se saisir d’office afin de statuer sur l’ouverture d’une procédure de RJ.

Ces dispositions sont abrogées de même que celles de l’alinéa 2 de l’article L 640-4 qui prévoyait la même faculté pour l’ouverture d’une liquidation judiciaire.
 
  • Il faut signaler qu’est également supprimée l’hypothèse de saisine d’office de l’article L 621-2 du Code de commerce qui était ouverte au tribunal de prononcer l’extension d’une procédure à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.
En résumé :

– Pas de saisine d’office pour ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire,
– Pas de saisine d’office pendant un plan de sauvegarde pour ouverture RJ ou LJ,
– Pas de saisine d’office si décès débiteur qui se trouve en cessation des paiements (le Tribunal avait le pouvoir dans le délai d’un an à compter de la date du décès pour ouvrir d’office RJ ou LJ),
– Pas de saisine d’office en cas d’échec de la procédure de conciliation pour ouverture RJ ou LJ alors qu’avant cela était possible,
– Pas de saisine d’office pour extension de procédure en cas de confusion de patrimoine ou fictivité,

Les cas de saisine d’office maintenus :

1) S’il apparaît, après ouverture d’une procédure de sauvegarde (qui suppose l’absence de cessation des paiements), que le débiteur était déjà en cessation des paiements, le Tribunal peut d’office se saisir pour ouvrir RJ ou LJ.

Ces textes sont pour l’instant toujours en vigueur sous réserve d’une saisie par QPC du Conseil Constitutionnel (L 621-12 ).

Ce texte vient d’être supprimé par l’ordonnance du 26 septembre 2014.

2) Il est toujours possible au Tribunal de saisir d’office en redressement judiciaire pour prononcer l’arrêt de l’activité ou la conversion de la procédure en liquidation judiciaire
(L 631-15 II) et pour clôture de la procédure de liquidation judiciaire (L 643-9) pour la résolution du plan de cession.

3) Sont maintenus et aménagés les articles L 631-7 et L 641-1 : Lorsqu’un débiteur déclare sa cessation des paiements et demande l’ouverture d’un RJ alors que les conditions sont réunies pour celle d’une LJ, ou bien demande une LJ alors qu’il n’est apparemment pas dans l’impossibilité de redresser l’entreprise, le Tribunal l’invite à présenter ses observations et statue dans le même jugement sur la demande et la procédure qu’il décide d’ouvrir (il peut rejeter la demande du débiteur et ouvrir l’autre procédure).

ATTENTION EXCEPTION

On retiendra tout particulièrement l’importante décision du 6 juin 2014 du Conseil Constitutionnel résultant d’une vraie réflexion de ce qu’est une saisine d’office.

Ce sont les dispositions de l’article L 631-15 du Code de Commerce qui faisaient l’objet de la QPC transmise à la Cour de Cassation.

Le texte dispose qu’à tout moment de la période d’observation le Tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.

Il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, et avoir recueilli l'avis du ministère public.

Cette possibilité est maintenue par le Conseil Constitutionnel qui considère qu’il s’agit là moins d’une véritable saisine d’office que de l’aboutissement d’un processus (la période d’observation) qui doit de toute façon recevoir une issue (l’adoption d’un plan ou le prononcé de la liquidation).

Le Conseil Constitutionnel observe que la technique correspond à l’objectif d’intérêt général de prononcer rapidement la LJ d’un débiteur dont le redressement est manifestement impossible et que le respect du principe du contradictoire est bien rendu possible par les textes (lire la décision).



III. LE RENFORCEMENT DU ROLE DU MINISTERE PUBLICS’agissant de l’ouverture du RJ tenant compte de la suppression de la saisine d’office du tribunal, la réforme créé un article L 631-3-1 destiné à favoriser l’initiative du Ministère Public.

Le texte prévoit que lorsque qu’il est porté à la connaissance du Président du tribunal des éléments faisant apparaître que le débiteur est en état de cessation des paiements, le Président en informe le Ministère Public par une note exposant les faits de nature à motiver la saisine du tribunal.

Idem à propos de la liquidation judiciaire.

Ainsi le Ministère Public peut prendre l’initiative d’une saisine du tribunal aux fins d’ouverture d’une procédure de RJ ou de LJ.

En contrepartie de la possibilité pour le Ministère Public de saisir le tribunal pour demander cette ouverture, les textes et la réforme ont précisé que le Président du tribunal ne peut siéger à peine de nullité du jugement dans la formation de jugement, ni participer au délibéré si le Ministère Public demande une procédure de RJ ou de LJ.

De même manière et pour renforcer l’exigence d’impartialité, le nouvel article L 662-7 du Code de commerce dispose que le Juge-Commissaire ne peut siéger, à peine de nullité du jugement, dans les formations de jugement ni participer au délibéré de la procédure dans laquelle il a été désigné.



IV. LES AMENAGEMENTS DE L’EXTENSION DE LA PROCEDURELe débiteur peut désormais être demandeur à l’extension de la procédure pour confusion de patrimoine ou fictivité (rappel : le Président ne le peut plus).



En faisant inclure dans la procédure qu’il vise les éléments patrimoniaux complémentaires, les chances pourraient bien s’augmenter de voir accorder un plan de sauvegarde ou de redressement à la condition évidemment que les conditions requises pour la caractérisation de la confusion des patrimoines et la fictivité soient réunies.



On ajoutera que par un avis en date du 3 juin 2013, la Cour de Cassation a affirmé que l’article L 622-20 du Code de commerce confère au créancier nommé contrôleur en cas de carence du mandataire judiciaire qualité pour agir en extension d’une procédure collective sur le fondement de la confusion de patrimoine et de la fictivité de la personne morale.



V. LA DESIGNATION DES ADMINISTRATEURS ET MANDATAIRES JUDICIAIRESUne meilleure implication du débiteur dans le déroulement de la procédure se matérialise lors de l’ouverture de la procédure.

Dès l’ouverture de la sauvegarde, le débiteur peut proposer le nom d’un administrateur judiciaire.

S’il ne dispose toujours pas du droit de proposer le nom d’un mandataire judiciaire, il se voit reconnaître le droit de demander au Juge-Commissaire de saisir le tribunal aux fins de remplacer non seulement l’administrateur ou l’expert (ce qu’il peut déjà faire) mais le mandataire judiciaire (nouvel article L 621-7).

Dans le cadre du RJ, les observations du débiteur doivent être sollicitées par le tribunal à propos de la désignation de l’administrateur judiciaire (L 631-9 alinéa 2) mais pas pour la désignation du mandataire.

Parallèlement au renforcement des droits du débiteur, il est désormais accordé au créancier le droit de demander le remplacement du mandataire judiciaire et également la possibilité de demander au Juge-Commissaire de saisir le tribunal afin d’obtenir en outre le remplacement de l’administrateur (sauvegarde).

Il est important de signaler une importante modification qui impose aux mandataire judiciaire et administrateur de faire connaître les causes d’un éventuel conflit d’intérêt, y compris en cas de liquidation judiciaire (applicable RJ, sauvegarde, LJ).



VI. CHANGEMENT EN MATIERE DE DECLARATION ET DE VERIFICATION DES CREANCES
a) La déclaration des créances

L’une des innovations sans doute les plus spectaculaires de l’Ordonnance du 12 mars 2014 en matière de déclaration des créances réside dans l’alinéa 3 de l’article L 622-24 :

« Lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé sa déclaration. »

A ceci correspond l’introduction d’un article L 653-5 d’un nouveau cas de prononcé de la faillite personnelle à l’encontre de celui qui a « déclaré sciemment, au nom d’un créancier, une créance supposée », ceci afin d’éviter toute possibilité de fraude et de collusion.

Pour que cette formalité soit utile et supplée l’absence de déclaration du créancier, encore faut-il qu’elle soit précise et mentionne la créance due au jour du J.O. avec indication des sommes à échoir et date de leurs échéances, nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie et modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté.

De surcroît la démarche du débiteur doit intervenir dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC.

Le débiteur est présumé agir en tant que mandataire du créancier tant que ce dernier n’a pas adressé sa propre déclaration.

Cette mesure permet d’éviter la forclusion d’un créancier négligent ou mal informé mais ne manque pas de susciter des questions d’interprétation.

Quid du désaccord du créancier sur le contenu de la déclaration de son mandataire ?

Sera t’il examiner dans le cadre de la vérification ?

Selon quelles modalités ?

Le mandataire devra t’il examiner éventuellement deux déclarations, celle du débiteur mandataire et celle du créancier ?

Si le créancier apprend tardivement l’ouverture de la procédure, une demande en relevé de forclusion paraît difficilement recevable en raison de la présomption légale de mandat conférée par la loi à la déclaration du débiteur.

En tout état de cause, les auteurs considèrent que la démarche du débiteur ne sera prise en compte que si le créancier ne déclare pas lui-même sa créance.

Il n’en demeure pas moins que le créancier a évidemment intérêt à déclarer lui-même sa créance, et à ne pas de se retrouver sur une initiative du débiteur, laquelle est conçue comme une solution de secours et non comme une solution de substitution.

 
  • L’article L 622-24 alinéa 2 prévoit que la déclaration de créance doit être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix.
La réforme ajoute :

« Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’omission de la créance. »

Cette innovation de la réforme va mettre un terme aux incertitudes qui pesaient sur le problème des déclarations de créance contestées pour défaut de pouvoir du préposé ou du mandataire.

Désormais jusqu’à ce que le Juge-Commissaire statue, la situation peut être régularisée par le représentant légal de l’entreprise.

Avant la réforme, la Cour de Cassation considérait que le créancier pouvait justifier de la qualité du signataire de la déclaration de créance jusqu’à ce que le juge statue.

Certains auteurs n’avaient pas manqué de souligner le paradoxe de la situation qui incitait à la production de faux en écriture par la production de documents antidatés.

Dorénavant la situation est assainie.

 
  • Une réforme également significative porte sur l’article L 622-27 du Code de Commerce.
S’il y a discussion sur tout ou partie de la créance, le mandataire avise le créancier intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception en l’invitant à faire connaître ses explications.

Le défaut de réponse dans le délai de 30 jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire.

Le législateur version 2014 est venu ajouter : « A moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créance. »

Ainsi s’il s’agit simplement d’une irrégularité de forme de la déclaration, le défaut de réponse au mandataire n’exclura pas le créancier des débats.

 
  • L’article L 622-22 est complété par l’alinéa suivant :
« Le débiteur, partie à l'instance, informe le créancier poursuivant de l'ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci ».

Il est à noter que cette obligation d’information est à la charge du débiteur et ce directement auprès du créancier.

Ce point est important pour les avocats puisque le mandataire judiciaire de son côté n’a pas à informer le créancier, sauf s’il figure sur la liste des créances remises par le débiteur lequel, alors qu’un procès est en cours, a souvent tendance à considérer qu’il ne s’agit pas d’une créance fixée digne d’être portée à la connaissance du mandataire.


b) Le relevé de forclusion

L’action en relevé de forclusion reste ouverte aux créanciers et elle reste utile lorsque la créance n’aura pas été signalée par le débiteur.

La réforme prévoit que le simple oubli d’un créancier dans la liste des créances remise par le débiteur au mandataire suffit pour que ce créancier obtienne un relevé de forclusion.

Cet élargissement rend automatique le prononcé du relevé dès lors que la créance concernée n’est pas mentionnée dans la liste de l’article L 622-6 (qui est celle que le débiteur doit remettre à l’ouverture de la procédure collective).

Peu importe que le créancier ait pu prendre connaissance du JO par la lecture d’un journal d’annonces légales.

Il lui restera toutefois à présenter sa demande de relevé de forclusion dans le délai légal qui est de 6 mois à compter de la publication au BODACC du jugement d’ouverture.

En revanche la modification de l’article L 622-26 du Code de Commerce est plus problématique.

Le créancier placé dans l’impossibilité de connaître l’obligation du débiteur (créance qui ne s’est pas encore révélée) avant l’expiration du délai de relevé de forclusion, bénéficiera d’un délai pour présenter sa demande qui commencera à courir à compter de la date à compter de laquelle il est établi qu’il ne pouvait ignorer l’existence de sa créance.

Les dispositions applicables à ce jour qui prévoient que par exception le délai de relevé de forclusion est porté à un an pour ces créanciers, ont été supprimées.

Cette disposition risque d’allonger les délais de vérification du passif.

Pour les auteurs cette règle n’est qu’une conséquence de l’application de la règle la prescription ne peut courir à l’encontre de ceux qui ne peuvent agir.

Attention toutefois, car le créancier finalement admis peut bénéficier de la reconnaissance de sa créance rétroactivement et sa participation aux répartitions ne peut intervenir qu’après que sa demande en relevé de forclusion et sa créance aient été admises.

 
  • La réforme introduit au surplus une modification substantielle.
Auparavant la Cour de Cassation considérait que le créancier déclare sa créance dans le délai préfixe de l’action en relevé de forclusion, même s’il n’avait pas encore obtenu ou demandé ce relevé.

La réforme abolit les inconvénients de cette solution.

Désormais le créancier pourra attendre la décision définitive sur le relevé de forclusion : le délai ne commencera à courir qu’à compter de la notification de cette décision (L 622-24 alinéa 1er).

Mais attention à ne pas trop retarder la connaissance du passif, le délai qui est imparti aux créanciers pour déclarer à compter de la décision de relevé de forclusion est d’un mois et est donc réduit de moitié par rapport aux autres créanciers qui ont deux mois pour déclarer à compter de l’ouverture de la procédure.

La réforme prévoit le décret du 30 juin 2014 et permet au juge de mettre à la charge du débiteur défaillant qui n’a pas porté la créance sur la liste de l’article L 622-6 les frais de la procédure en relevé de forclusion

LES DISPENSES DE DECLARATION ELARGIES

(i) Résolution du plan sans cessation des paiements

Désormais, après résolution du plan et ouverture d’une nouvelle procédure, les créanciers soumis au plan ou admis au passif de la première procédure sont dispensés de déclarer leur créance été sûreté.

Les créances inscrites à ce plan sont admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçues (L 626-27 III).

(ii) Créances postérieures à la première procédure

Les créances utiles à la procédure bénéficient également de la dispense de déclaration dès lors qu’elles sont été portées à la connaissance de l’administrateur ou à défaut du mandataire judiciaire ou du commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur.

Il s’agit des créances méritantes.

(iii) Cas particuliers du créancier bénéficiant d’un privilège de conciliation

Afin de renforcer l’attractivité de ce privilège en cas d’ouverture d’une procédure collective et d’arrêté d’un plan, les créanciers titulaires du privilège de la conciliation ne pourront pas se voir imposer les délais de paiement uniformes du plan (L 626-20 I 3°).

Ils bénéficieront donc d’un paiement à échéance une fois le plan arrêté.

Il s’agit bien de créanciers antérieurs et à ce titre ils doivent déclarer leur créance si le débiteur ne le fait pas pour eux.

Le Décret est venu préciser que ces créanciers peuvent accepter des délais et remises mais ceci doit résulter d’une manifestation expresse de volonté.


c) La vérification des créances

On sait que la période de vérification des créances a été source d’interrogation procédurale s’agissant notamment de l’étendue des pouvoirs juridictionnels du Juge-Commissaire et des conséquences à tirer d’une décision d’incompétence.

Un large débat avait opposé différents courants de doctrine pour savoir si l’incompétence juridictionnelle du Juge-Commissaire était une fin de non recevoir ou une exception de procédure.

Il fallait distinguer la décision d’incompétence qui contraint le créancier à saisir la juridiction matériellement compétente dans le délai d’un mois et la fin de non recevoir pour difficulté sérieuse entraînant un sursis à statuer.

La réforme tranche l’article L 624-2 qui a consacré le fait que le Juge-Commissaire est désormais le juge de l’évidence.

Il est expressément désormais disposé que le Juge-Commissaire a compétence « en l’absence de contestation sérieuse » pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission à condition de rester dans la limite de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné.

L’ordonnance du 12 mars 2014 consacre la jurisprudence de la Cour de cassation qui limite le pouvoir juridictionnel du Juge-Commissaire en lui refusant le pouvoir de trancher les contestations relevant d’un contentieux contractuel complexe.

Le Juge-Commissaire reste le juge de l’évidence et seulement de l’évidence.

Il devra se déclarer incompétent ou surseoir à statuer en présence d’une contestation sérieuse c’est-à-dire dès lors qu’il doit être tranché une contestation de fond.

Cette solution a le mérite de renvoyer devant les magistrats spécialisés la contestation de la créance.

Toutefois l’alourdir en terme procédural et de coût tant pour le créancier que pour le débiteur (ministère d’avocat obligatoire devant le TGI) et retarde grandement la procédure de vérification des créances.

Aujourd’hui il y a deux situations bien différentes :

- l’incompétence matérielle de la juridiction à laquelle appartient le Juge-Commissaire
- la contestation sérieuse.

Le décret du 30 juin 2014 a le mérite de traiter de la même façon les deux situations en prévoyant que, dans ces deux cas, le juge invitera une partie, par une ordonnance motivée, à saisir le juge apte à trancher dans le délai d’un mois à peine de forclusion.

L’article R 624-5 du Code de commerce prévoit que :

« Lorsque le Juge-Commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie par ordonnance spécialement motivée les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins de contredit dans les cas où cette voie de recours est ouverte ».

 
  • Il faut en effet bien distinguer les recours à l’encontre de l’ordonnance du Juge-Commissaire selon qu’il y a une incompétence matérielle ou une contestation sérieuse.
Si l’on est dans le cadre de l’incompétence matérielle, le recours est le contredit de compétence.

Si on est sur la contestation sérieuse, nous sommes dans le cas de figure d’un sursis à statuer qui ne peut donner lieu à appel que sur autorisation du Premier Président de la Cour d’Appel.
 
  • L’article L 622-27 du Code de Commerce dispose :
S'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance, le mandataire judiciaire avise le créancier intéressé par LR.AR en l'invitant à faire connaître ses explications.

Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire.

Le législateur version 2014 est venu ajouter : « à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances » (L 622-27 in fine).

Ainsi le défaut de réponse pour une contestation de forme n’exclura pas le créancier des débats et d’une convocation devant le Juge Commissaire.


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Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

THILL Franck
Avocat Associé
THILL-MINICI-LEVIONNAIS & Associés
CAEN (14)
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