Apparence physique du salarié et discrimination : ce qui est autorisé aux femmes ne peut être interdit aux hommes
Publié le :
21/12/2022
21
décembre
déc.
12
2022
Le 23 novembre 2022 (arrêt n°21-14.060), la Cour de cassation a eu à se prononcer sur une question relative à la coiffure arborée par les hôtesses et stewards des compagnies aériennes.Il s’agissait de déterminer si un employeur pouvait restreindre la liberté des stewards de se coiffer, comme bon leur semble, sans que cette mesure ne constitue une discrimination fondée sur le sexe.
Le code du travail interdit de licencier ou de sanctionner un salarié pour des motifs discriminatoires tels que le sexe.
Toutefois, il autorise des différences de traitement lorsqu’elles répondent à des exigences professionnelles essentielles et déterminantes. L’objectif recherché par l’employeur doit alors être légitime et les exigences imposées aux salariés proportionnées.
En l’espèce, la compagnie aérienne Air France disposait d’un manuel du port de l’uniforme à destination de son personnel navigant extrêmement précis sur la coiffure :
- pour les hommes : « Les cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Limitées en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur est limitée dans la nuque au niveau du bord supérieur de la chemise. »
- pour les femmes : « Les tresses africaines sont autorisées à condition d’être retenues en chignon. »
L'employeur, estimant cette coiffure contraire au manuel des règles de port de l'uniforme pour le personnel navigant masculin, lui a interdit de se présenter à son poste de travail.
Jusqu’en 2007, le salarié a alors porté une perruque pour exercer ses fonctions.
En 2012, estimant avoir été victime d’une discrimination, il a saisi le Conseil des Prud’hommes aux fins d’obtenir des dommages et intérêts.
Il considérait en effet, d’une part, que le fait d’interdire aux hommes ce qu'on autorise aux femmes constitue une discrimination directe et, d’autre part, le fait de considérer que les tresses africaines nuisent à l'image d'Air France constitue une discrimination indirecte.
Peu après, l'employeur lui a notifié une mise à pied disciplinaire pour présentation non conforme aux règles de port de l'uniforme puis l’a licencié ultérieurement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par la suite, le salarié a saisi la juridiction prud’homale demandant à ce titre « la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination, harcèlement moral et déloyauté, d'un rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2012 au 28 février 2014 et les congés payés afférents, la nullité de son licenciement et en conséquence la condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, d'un solde de préavis avec les congés payés afférents et d'une indemnité de licenciement ».
En réponse, l’employeur a contesté toute discrimination et a rappelé que l’édiction de règles d’apparence différentes pour les hommes et les femmes constitue un usage dans l’entreprise.
Le Conseil des Prud’hommes puis la cour d’appel lui donnent raison et rejettent la demande du salarié aux motifs notamment que la présentation du personnel naviguant faisait partie de l’image de marque de la compagnie aérienne, que cette image de marque imposait le port de l’uniforme et que la différence de coiffure entre homme et femme reposait sur des codes en usage.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis et juge que « la perception sociale de l'apparence physique des genres masculin et féminin, laquelle ne peut constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes » constitue une discrimination contraire à la Directive 2006/54/CE relative au principe d'égalité entre les hommes et les femmes.
Elle infirme ainsi les motifs suivants retenus par les juges du fond :
- le motif lié au port de l’uniforme permettant l’identification du personnel tout en renvoyant à l’image de marque de la compagnie ; la manière de se coiffer ne fait pas partie de l’uniforme
- le motif tiré de « la perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin ». En effet, les codes sociaux ne sont pas des critères objectifs qui justifient une différence de traitement entre les hommes et les femmes.
Cet article n'engage que ses auteurs.
Auteurs
Audrey NIGON
Mathilde SCHOELER
Historique
-
Apparence physique du salarié et discrimination : ce qui est autorisé aux femmes ne peut être interdit aux hommes
Publié le : 21/12/2022 21 décembre déc. 12 2022Particuliers / Emploi / Contrat de travailEntreprises / Ressources humaines / Contrat de travailLe 23 novembre 2022 (arrêt n°21-14.060), la Cour de cassation a eu à se prononcer sur une question relative à la coiffure arborée par les hôtesses et stewa...
-
L'assureur multirisque habitation et l'assureur dommages ouvrage confrontés au principe de travaux de reprise pérenne
Publié le : 21/12/2022 21 décembre déc. 12 2022Particuliers / Patrimoine / AssurancesEntreprises / Gestion de l'entreprise / Gestion des risques et sécuritéL’obligation contractuelle à garantie de l’assureur multirisque habitation et de l’assureur dommages ouvrage procède du fait que les désordres trouvent leu...
-
Bail commercial : Hôtel et travaux de mise en sécurité
Publié le : 20/12/2022 20 décembre déc. 12 2022Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierQui doit prendre en charge les travaux prescrits par l’autorité administrative ? Cette question, qui concerne dans l’espèce traitée par la Cour de cassatio...
-
Prêt et devoir de mise en garde du banquier : rappel du point de départ du délai de prescription
Publié le : 12/12/2022 12 décembre déc. 12 2022Particuliers / Consommation / Contrats de vente / PrêtsEntreprises / Finances / Banque et financeLa Cour de cassation vient confirmer une jurisprudence réduisant les moyens de défense de l’emprunteur défaillant s’agissant de sa demande reconventionnell...
-
Conditions catégorielles de vente : Quelles obligations face à un commissionnaire à l’achat ?
Publié le : 01/12/2022 01 décembre déc. 12 2022Entreprises / Marketing et ventes / Publicité/ marketingPar un arrêt du 28 septembre 2022 (Cass. com., 28 septembre 2022, n°19-19.768), la Cour de cassation a mis fin à la saga judiciaire qui oppose, depuis de n...
-
Licenciement économique : les difficultés ne se cantonnent pas à une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires
Publié le : 29/11/2022 29 novembre nov. 11 2022Particuliers / Emploi / Licenciements / DémissionEntreprises / Ressources humaines / Discipline et licenciementLa loi n°2016-1088 du 8 août 2016 a modifié l'article L.1233-3 du Code du travail qui prévoit désormais une série d’indicateurs et de critères, permettant...
-
Le délai d'action de l'assuré contre l'assureur
Publié le : 28/11/2022 28 novembre nov. 11 2022Particuliers / Patrimoine / AssurancesEntreprises / Gestion de l'entreprise / Gestion des risques et sécuritéQuel que soit le type de contrat d'assurance souscrit pour des besoins personnels, une entreprise commerciale, une exploitation viticole, en cas de différe...