Travaux au domicile et assurance de l'artisan

Travaux au domicile et assurance de l'artisan

Publié le : 14/11/2017 14 novembre nov. 11 2017

Non souscrite, une activité ne peut bénéficier d’une quelconque garantie sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les conditions du régime juridique des exclusions de garantie sont ou non réunies.


Cour de cassation, Civile, Chambre Civile III, 14  Septembre 2017, 16-19.626


Les faits rapportés au terme de l’arrêt commenté sont les suivants :

Avant de vendre un bien immobilier à Monsieur Z, Monsieur X procède à des travaux d’agrandissement en partie personnellement (réalisation de la couverture, de l’isolation et de l’électricité) et confiant partie des travaux à Monsieur Y (ossature bois, charpente, bardage, pose de trois fenêtres PVC) assuré auprès de GENERALI IARD.

Les travaux d’agrandissement et surélévation ne donnant pas satisfaction une action est engagée par Monsieur Z à l’encontre de Monsieur X et Monsieur Y aboutissant à la condamnation in solidum de Monsieur X et Monsieur Y à verser diverses sommes parmi lesquelles une somme de 136.868,75 euros hors taxe correspondant à la démolition et reconstruction des travaux litigieux envisagées au terme d’un rapport d’expertise judiciaire.

Monsieur Y, au terme de l’arrêt de la 3ème Chambre Civile de la Cour de cassation saisie par pourvoi de Monsieur Y, fait grief à l’arrêt de la Cour d’Appel de POITIERS du 08 Avril 2016 d’avoir rejeté les demandes qu’il formulait contre son assureur, la Société GENERALI IARD.

Cet arrêt, non publié, s’inscrit dans un courant jurisprudentiel dont la solution apparaît aujourd’hui bien acquise qui distingue les régimes d’absence de garantie, d’une part, et d’exclusion de garantie, d’autre part :


La garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur (Civ. 1, 29/04/1997, n°95-10.187 ; Civ. 1, 01/12/1998, n°96-21.785 ; Civ. 3, 17/12/2003, n°01-12.259 ; Civ. 3, 30/06/2016, n°15-18.206).

Si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter de clauses d’exclusion autres que celles prévues à l’Article A.243-1 du Code des Assurances, la garantie de l’assureur n’intéresse que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur (Civ. 3, 10/09/2008, D 2008 page 2348).

La question du champ d’application des garanties précède le régime des exclusions de garantie.

Pour qu’une garantie puisse faire l’objet d’une exclusion, encore faut-il qu’elle ait été souscrite.

En d’autres termes, pour être exclue du champ des garanties contractuellement souscrites, une réclamation doit nécessairement intéresser une activité faisant partie de ce champ contractuel en ayant été souscrite.

Non souscrite, une activité ne peut bénéficier d’une quelconque garantie sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les conditions du régime juridique des exclusions de garantie sont ou non réunies.

L’arrêt commenté ne fait d’ailleurs que citer, probablement pour mieux rappeler l’opposition des régimes juridiques, la notion d’exclusion de garantie.

La solution apparaît tranchée : activité non déclarée = activité non assurée sans qu’il soit besoin de recourir à un autre examen que celui des activités souscrites.

Si cette solution de principe apparaît simple d’énonciation, sa déclinaison pratique peut poser plus de difficultés.

L’arrêt commenté est à cet égard intéressant en ce que les éléments factuels permettant d’examiner l’étendue du champ d’application des garanties souscrites sont assez précis, précisions servant à identifier et cerner le champ d’application du contrat.

Il est ainsi possible de relever qu’une proposition d’assurance avait été établie à la demande de Monsieur Y pour une activité d’agencement et aménagement de lieu de vente et qu’un questionnaire, qui avait alors été renseigné par Monsieur Y, contenait la déclaration de diverses activités relevant de la construction de maisons à ossature bois.

Ces déclarations auraient pu servir à rapprocher le marché de travaux du champ d’application du contrat d’assurance souscrit par Monsieur Y puisque le marché qui lui avait été confié par Monsieur X comprenait la réalisation de l’ossature bois, de la charpente et du bardage.

Cependant, procédant à un examen attentif et précis des déclarations de Monsieur Y l’arrêt relève « que, dans le questionnaire qui lui avait été soumis, il avait déclaré […]  certaines activités relevant de la construction des maisons à ossature bois, à l’exception de l’activité « charpente et ossature bois ».

L’arrêt relève également que, toujours dans le questionnaire qui lui avait soumis, Monsieur Y avait déclaré « que la pose de fenêtres en PVC et celle du bardage n’entraient pas dans les activités « bois » déclarées ».

La haute juridiction estime donc que la Cour d’Appel a pu en déduire que la garantie de l’assureur n’était pas due pour défaut de souscription des activités mises en œuvre dans le cadre du marché.

Le principe du consensualisme contractuel commande une telle solution :


L’assureur ne saurait formuler une proposition d’assurances et donc garantir des activités qui n’apparaissent pas déclarées.

Le niveau de prime diffère en fonction de la nature et de l’étendue des activités déclarées.

Une activité de charpente et ossature bois engendre nécessairement un risque accru justifiant une prime d’un montant supérieur.

La solution s’accommode également d’un principe essentiel régissant le droit des assurances qui est le principe de déclaration.

Tant en matière de sinistre qu’en matière de souscription de contrat, le droit des assurances repose essentiellement sur les déclarations de l’assuré à l’assureur.
Dès lors, l’assureur ne peut se forger une opinion du risque et émettre une proposition d’assurance adaptée qu’au regard et dans la limite des déclarations formulées par l’assuré.

Tirant les conséquences des reproches pouvant être adressés aux assureurs sur le fondement du devoir de renseignement et d’information, les questionnaires remis aux assurés dans le cadre des propositions d’assurance sont de plus en plus détaillés.

Il résulte de l’arrêt commenté que les réponses de l’assuré sont appréciées de manière stricte.
Le reproche d’imprécision parfois opposé aux assureurs est donc maintenant retourné aux assurés.

L’arrêt commenté ajoute, et mérite là encore d’être approuvé, que l’assureur n’est pas tenu de vérifier l’exactitude des déclarations de l’assuré sur ses activités déclarées.

Il apparaît en effet en l’espèce que l’assureur avait fourni un questionnaire apparemment détaillé à son assuré et rempli ses obligations, à charge pour l’assuré de déclarer les activités effectivement réalisées.

Il apparaît peu critiquable de considérer que le constructeur n’est assuré que pour les activités qu’il a déclarées puisqu’elles correspondent aux compétences qu’il est en mesure d’offrir.

Dès lors que le constructeur reste dans les limites de la compétence professionnelle qu’il a déclarée auprès de son assureur, il exerce un risque connu par l’assureur, identifié et support de l’offre de garantie.

La logique veut, dans une relation déclarative contractuelle de bonne foi, que l’assuré déclare les activités entrant dans son champ de compétence et limite son exercice professionnel à ces activités sans que l’assureur, qui serait d’ailleurs bien démuni pour le contrôler, n’ait à vérifier la véracité des déclarations de l’assuré sur les activités déclarées.

Ainsi, dans les rapports entre l’assureur et l’assuré, la solution retenue par l’arrêt commenté doit être approuvée en tous points.

La sanction est lourde puisqu’à l’inverse du régime applicable aux déclarations inexactes dans le cadre desquelles il est possible, en cas de bonne foi, de bénéficier d’une couverture réduite, l’absence de déclaration d’une activité conduit à un défaut d’assurance.

Cette solution, conforme aux principes précédemment rappelés régissant le contrat d’assurance, emporte cependant des conséquences pour les tiers que sont les maîtres de l’ouvrage ou, comme en l’espèce, les acquéreurs tenant le bien immobilier du maître de l’ouvrage.

Elle échoue cependant face au résultat que commande l’instauration du caractère obligatoire de l’assurance responsabilité décennale imaginé pour la protection du maître de l’ouvrage.

Le contenu du contrat d’assurances construction et le dispositif de l’assurance construction sont respectés (une assurance responsabilité décennale répondant aux critères du Code des assurances a bien été souscrite) mais le résultat attendu par le dispositif juridique n’est pas atteint puisque le contrat souscrit ne couvre pas l’activité effectivement mise en œuvre.

Se pose donc encore la question de l’information du maître de l’ouvrage.


La communication d’une attestation d’assurances, même répondant aux dispositions issues de la Loi MACRON, suffira-t-elle ?

Probablement si son degré de précision et son intelligibilité sont suffisants et, surtout, si cette attestation est bien remise et le contrat toujours effectif au jour de l’ouverture du chantier.

Le recours à un maître d’œuvre qui, avant la souscription des engagements de chantier, prendra la peine de recueillir les informations et documents utiles auprès des entrepreneurs sera-t-il suffisant ?

Outre le fait que tous les chantiers ne méritent pas l’intervention d’un maître d’œuvre, il est encore permis d’en douter.

L’arrêt commenté, rapproché des réserves qui viennent d’être mentionnées, devrait en effet conduire à solliciter la communication des éléments constituant le contrat d’assurances (conditions générales et particulières) ainsi que des précisions sur la situation du contrat d’assurance.

Rares seront les maîtres d’œuvre qui intègreront de telles exigences.
Quand bien même le feraient-ils, cela implique des compétences juridiques qui ne correspondent pas à leur formation.

Cela n’exclurait en outre pas les possibles questions d’interprétation du contrat qui demeureront résolues juridictionnellement.

La sécurité devrait-elle conduire à interroger expressément l’assureur en cas de doute ?
Probablement.

Cela mériterait de fixer tous les acteurs et au besoin de protéger le maître d’ouvrage, ainsi que l’entreprise, notamment si nécessaire par l’émission d’une surprime.

L’interrogation chantier par chantier au jour de l’ouverture ou de la déclaration d’ouverture de chantier est d’ailleurs l’unique moyen de se prémunir contre l’inexistence d’un contrat résultant de la résiliation pour défaut de règlement des primes.


Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © julien tromeur - Fotolia.com


 

Auteur

FOUCHERAULT Sébastien
Avocat Associé
AVODES , Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
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