Confusion de patrimoines constatée entre une SARL et sa gérante - Crédit photo : © laurent hamels- Fotolia.com
Crédit photo : © laurent hamels- Fotolia.com

Confusion de patrimoines constatée entre une SARL et sa gérante

Publié le : 29/11/2013 29 novembre nov. 11 2013

La Cour de Cassation vient de donner une illustration frappante de la notion de confusion de patrimoines, dont les conséquences sont extrêmement concrètes et douloureuses pour celui qui les subit.

Gérant d'une SARL et confusion de patrimoinesCass. com., 1er oct. 2013, n° 12-24.817, n° 888 F-D.




La Cour de Cassation vient de donner une illustration frappante de la notion de confusion de patrimoines, qui apparaît parfois, sans mauvais jeux de mots, confuse, mais dont les conséquences sont, quant à elles, extrêmement concrètes et douloureuses pour celui qui les subit.

La description des faits de l’espèce permettront de mieux appréhender une situation qui se retrouve très fréquemment au sein du tissu entrepreneurial français.

Madame X, gérante d’une SARL ayant pour activité la fabrication et la commercialisation de papier, a conclu un bail commercial portant sur des terrains et des bâtiments à usage de moulin à papier.

A ce stade, rien d’anormal.

Toutefois, une petite particularité surgit dès lors que le bailleur n’était autre que Madame X, propriétaire à titre personnel des terrains et locaux donnés à bail.

Quelques temps après, la gérante quittait ses fonctions, la gérance étant dès lors assumée par sa fille.

Cette architecture familiale est très fréquente ce qui rend d’autant plus intéressant l’arrêt rendu par la Haute Cour.

Malheureusement, l’activité a commencé à péricliter et la nouvelle gérante, la fille, a du solliciter l’ouverture d’une procédure collective.

La liquidation judiciaire est devenue inévitable.

C’est alors que le liquidateur de la SARL a entrepris de faire étendre la procédure de liquidation de la société à l’ancienne gérante qu’il a attrait devant le Tribunal de Commerce.

Rappelons que l’article L 621-2 alinéa 2 rédigé ainsi permet cette extension :

« A la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d'office, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. A cette fin, le tribunal ayant ouvert la procédure initiale reste compétent. »

Le Tribunal de Commerce par un jugement du 11 mars 2011, a fait droit à la demande du liquidateur et a étendu à l'ancienne gérante la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la SARL.

Les conséquences étant très importantes, elle a interjeté appel de ce jugement.

Par un arrêt du 11 juin 2012, la Cour d’Appel compétente en l’occurrence celle de Bordeaux, a confirmé le jugement en mettant en évidence un certain nombre de critères lui ayant permis de forger sa conviction.

Ces éléments factuels doivent servir de guide pour mesurer le risque d’aboutir à une confusion de patrimoines.

Il a ainsi été relevé que :
 
  • l'ancienne gérante avait laissé la SARL locataire bénéficier des locaux où elle exploitait son activité, sans recevoir en contrepartie les loyers contractuellement dus,
  • l'importance des travaux réalisés dans les lieux loués et supportés par la SARL locataire excédait la notion même de travaux afférents à un bail commercial,
  • malgré l'importance des loyers impayés, l'ancienne gérante bailleur n'avait formulé aucune réclamation à l'encontre de sa locataire et n'avait nullement sollicité la résiliation du bail,
  • que ce faisant, la bailleresse avait permis à la SARL de continuer à fonctionner sans faire face à l'ensemble de ses charges et qu'il était donc manifeste que l'ancienne gérante ne faisait pas la différence entre son patrimoine et celui de la société dont elle avait été la gérante.
L’ancienne gérante formait alors un pourvoi en cassation, ultime recours lui permettant d’échapper à la confusion.

A l'appui de son pourvoi, elle reproche à la Cour d'Appel d'avoir prononcé la confusion des patrimoines, alors que selon les deux branches du moyen soulevé :
 
  • l'abstention, même prolongée d'un bailleur à réclamer au preneur le paiement des loyers n'est pas suffisante à caractériser l'existence de relations financières anormales constitutives d'une confusion de patrimoine,
  • qu'en outre la réalisation par le preneur dans les locaux loués de travaux exécutés en application d'une clause licite du bail commercial ne pouvait suffire à caractériser des relations financières anormales avec le bailleur qui seraient constitutives d'une confusion de patrimoine, malgré l'importance des travaux réalisés dans les lieux loués.
Aux termes d’un arrêt très motivé rendu le 1er octobre dernier, la chambre commerciale de la Cour de Cassation rejette le pourvoi introduit par l’ancienne gérante.

La Haute Cour, après avoir rappelé que le liquidateur judiciaire avait demandé que la procédure collective de la société, locataire de locaux commerciaux, soit étendue à la bailleresse en raison de la confusion de leurs patrimoines, a validé le raisonnement adopté par la Cour d’Appel de Bordeaux, mettant en évidence les points suivants :
 
  • l'arrêt d’appel retient que le loyer était, selon l'attestation d'un agent immobilier, inférieur de moitié à la valeur locative,
  • que le loyer n'a pas été réclamé pendant plusieurs années, qu'aucune quittance n'a été produite, qu'aucune demande de résiliation du bail n'a été présentée,
  • que la société locataire a effectué dans les lieux, en en supportant le coût, d'importants travaux d'édification et de construction excédant « la notion même de travaux afférents à un bail commercial », ces travaux restant, en fin de bail, la propriété de la bailleresse sans indemnité en vertu d'une clause d'accession même licite,
  • que la bailleresse ne faisait pas la différence entre son patrimoine et celui de la SARL dont elle avait été gérante.
La Cour de Cassation a ainsi estimé que par ces constatations et appréciations caractérisant des relations financières anormales entre elles constitutives d'une confusion des patrimoines, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à relever le défaut de paiement des loyers par la SARL, a légalement justifié sa décision.

L’ancienne gérante de la SARL, bailleresse de cette dernière, a été sanctionné pour n’avoir pas veillé à ce que sa locataire respecte ses obligations locatives, d’autant plus en présence d’un loyer minoré.

Cet arrêt est important à plus d’un titre.

Tout d’abord, il rappelle le travail minutieux opéré par les juridictions pour décortiquer les relations existantes entre les différents intervenants à une procédure collective pour caractériser une éventuelle confusion de patrimoine.

Ensuite, il rappelle qu’en droit des sociétés, quelque soit le type de structure y compris celle de petite taille et de nature familiale, chaque entité juridique, personne morale, personne physique, dotée de la personnalité morale, doit poursuivre un seul objectif, la défense de ses intérêts propres.



Cet article a été rédigé par Me Olivier COSTA. Il n'engage que son auteur.

 

Historique

  • Renouvellement de bail commercial
    Publié le : 06/02/2014 06 février févr. 02 2014
    Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction Immobilier
    Renouvellement de bail commercial
    Les baux commerciaux sont des contrats particulièrement encadrés par le code de commerce. S’il existe des règles impératives à respecter au niveau de leur co...
  • Confusion de patrimoines constatée entre une SARL et sa gérante
    Publié le : 29/11/2013 29 novembre nov. 11 2013
    Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction Immobilier
    Confusion de patrimoines constatée entre une SARL et sa gérante - Crédit photo : © laurent hamels- Fotolia.com
    La Cour de Cassation vient de donner une illustration frappante de la notion de confusion de patrimoines, dont les conséquences sont extrêmement concrètes et...
  • Renouvellement de bail rural: Qui fixe les clauses et conditions?
    Publié le : 19/11/2013 19 novembre nov. 11 2013
    Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction Immobilier
    Renouvellement de bail rural: Qui fixe les clauses et conditions?
    En matière de bail rural, à l'issue du bail, le renouvellement de celui-ci s'opère de plein droit et automatiquement entre bailleur et le fermier.Fixation de...
  • Le droit au renouvellement du bail rural
    Publié le : 18/11/2013 18 novembre nov. 11 2013
    Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction Immobilier
    Le droit au renouvellement du bail rural
    À défaut de congé, le bail initial ou le bail à long terme est renouvelé pour une durée de neuf ans, de façon automatique par le seul effet de la loi.Renouve...
  • Le bail rural et les activités équestres
    Publié le : 06/11/2013 06 novembre nov. 11 2013
    Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction Immobilier
    Le bail rural et les activités équestres
    Depuis la loi du 23 févier 2005 relative au développement des territoires ruraux, les activités équestres sont classées comme des activités agricoles à l’exc...
  • Fixation du barème indicatif de la valeur vénale moyenne des terres agricoles en 2012
    Publié le : 09/09/2013 09 septembre sept. 09 2013
    Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction Immobilier
    Fixation du barème indicatif de la valeur vénale moyenne des terres agricoles en 2012
    Un arrêté du 26 juillet 2013 fixant le barème indicatif de la valeur vénale moyenne des terres agricoles en 2012 vient d'être publié.Valeur vénale moyenne de...
  • La révision des valeurs locatives foncières ...
    Publié le : 18/07/2013 18 juillet juil. 07 2013
    Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction Immobilier
    La vague déclarative, préliminaire indispensable à la réforme des valeurs locatives foncières (dont l'entrée en vigueur est prévue pour septembre 2015) des 3...
<< < ... 27 28 29 30 31 32 33 ... > >>
Navigateur non pris en charge

Le navigateur Internet Explorer que vous utilisez actuellement ne permet pas d'afficher ce site web correctement.

Nous vous conseillons de télécharger et d'utiliser un navigateur plus récent et sûr tel que Google Chrome, Microsoft Edge, Mozilla Firefox, ou Safari (pour Mac) par exemple.
OK