Liquidation judiciaire

Liquidation judiciaire du bailleur d’un local meublé : le liquidateur épinglé

Publié le : 05/11/2020 05 novembre nov. 11 2020

Une société civile acquiert un local d‘habitation de son associé unique qui l’avait loué meublé à son épouse aux fins d’habitation et qui avait été tacitement reconduit depuis.

Par voie d’extension de la procédure d’une autre société cette société est déclarée en liquidation judiciaire.

Le liquidateur judiciaire – sans doute inspiré par la morale – sollicite du juge-commissaire une ordonnance prononçant la résiliation du bail pour vendre le bien. Le juge ordonne la résiliation.

Sur l’appel interjeté par l’épouse locataire la Cour d’appel confirme l’ordonnance.

Un pourvoi est formé par ladite locataire au motif que la loi du 6 juillet 1989 en son article 25-3 ensemble l’article 25-8 oblige le bailleur à donner un congé pour vendre. En effet ce texte permet au bailleur de délivrer un congé pour vendre un local d’habitation meublé en octroyant un délai de trois mois au locataire pour accepter l’acquisition au prix offert ou subir la résiliation.

Le liquidateur répondait que la procédure de liquidation judiciaire exorbitante du droit commun le dispensait de cette formalité en excipant de l’article L. 641-11-1 IV du code de commerce.

La question était donc de savoir si la législation sur les procédures collectives exorbitante du droit commun permettait de se dispenser des formalités imposées par la loi sur les baux.

En effet les dispositions précitées du code de commerce sont les suivantes : " A la demande du liquidateur, lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant."

Les opérations de liquidation rendent nécessaires la réalisation des actifs comme le prescrivent les articles L. 642-10 et suivants qui sont, comme toutes les règles des procédures collectives, d’ordre public. Et dans l’intérêt du débiteur comme des créanciers la vente doit se faire au meilleur prix ce qui induit la libération des lieux loués. Et donc la démarche du liquidateur de se dispenser du congé pour vendre en obtenant une ordonnance de résiliation de bail du juge-commissaire. En effet la vente libre est une opération nécessaire aux opérations de liquidation.

Mais ne porte-t-elle pas une atteinte excessive aux intérêts de la locataire cocontractante ?

Ceux-ci sont légalement protégés par la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction issue de la loi Alur du 24 mars 2014 modifiée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015.

En effet l’article 28 adopte pour le congé pour vendre les mêmes règles que pour les logements vides sauf que le délai donné au locataire est réduit à trois mois au lieu de six. Le congé dit être donné par lettre recommandée avec accusé de réception, par acte d’huissier de justice ou remis en mains propres au locataire.

Si le locataire ne part pas à l’issue du délai le bailleur pourra alors et alors seulement (Cass. Civ. 3, 8 février 2006, n° 04-17072) saisir le juge pour demander l’expulsion.

Est-ce pour éviter ce délai dans un excès de zèle ou par certitude de la suprématie du droit des procédures collectives que le liquidateur a saisi le juge-commissaire pour ordonner la résiliation sans avoir donné congé ? Vu le temps passé à ce contentieux on opterait volontiers pour la deuxième hypothèse.

En tout cas la Cour de cassation le fustige en décidant que l’article L. 641-11-1 IV ne prévoyait pas de déroger aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 en son article 25-8 et casse l’arrêt d’appel en renvoyant devant la même Cour autrement composée
L’histoire ne dit pas si la locataire est toujours dans les lieux grâce à la « maladresse » du liquidateur judicaire de son bailleur.


Cass. Com. 7 octobre 2020 n° 19-14388 publié au Bull


Cet article n'engage que son auteur.

 

Auteur

PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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