Données sur les réseaux sociaux

Mort numérique : que deviennent les données d'une personne sur les réseaux sociaux après son décès ?

Publié le : 30/11/2020 30 novembre nov. 11 2020

Thème d’un épisode de la série d’anticipation BLACK-MIROR, le devenir des profils sociaux au décès de leur utilisateur est une problématique contemporaine. Au regard des nombreuses activations automatiques (rappel d’anniversaire, notifications, « invitation », etc. …), le fait qu’un compte survive à son utilisateur peut être extrêmement préjudiciable moralement à ses proches, au-delà des risques d’usurpation d’identité, etc. … 

La question de l’exercice des droits d’une personne décédée pose ainsi des difficultés auxquelles la CNIL a tenté de répondre, par une approche pragmatique, dans son communiqué du 28 octobre 2020 : « Mort numérique : peut-on demander l’effacement des informations d’une personne décédée ? ». 


La CNIL fait tout d’abord le constat de l’impossibilité pratique pour les réseaux sociaux de supprimer de leur propre initiative les données personnelles d’un défunt, faute de connaissance du décès.

Les plateformes ont donc mis en place des conditions générales d’utilisation prévoyant la procédure applicable en pareille hypothèse. Cette procédure doit toutefois se conformer à la législation. 
 

La possibilité de donner les directives pour organiser sa "mort numérique" :


Bien que des jurisprudences antérieures puissent être soulignées (1) , le véritable encadrement de la « mort numérique » est intervenu par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 dite « Loi République Numérique ». 

Ce régime a ensuite été complété par l’entrée en vigueur le 25 mai 2018 du règlement nᵒ 2016/679, dit règlement général sur la protection des données (RGPD), modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 dite « Loi Informatique et Libertés » 

Celle-ci pose ainsi en principe que les données personnelles « s'éteignent au décès de la personne concernée » (art. 84). 


La personne décédée ne peut donc être une source de nouvelles données personnelles et les droits attachés aux données générées de son vivant (droit d’accès, de modification, de suppression, etc. ..) ne sont pas transmissibles à ces ayants-droits. 

Ce principe d’intransmissibilité souffre néanmoins, comme tout principe juridique, d’exceptions. 

Le décès d’une personne nécessite en effet que sa « mort numérique » soit organisée, ce qui justifie que ses droits soient « provisoirement maintenus en fonction de ses directives ». (2

L’article 85 de la loi « Informatique et Libertés » prévoit à cet effet que la « personne concernée », c’est-à-dire dans notre exemple l’utilisateur des réseaux sociaux, peut définir des directives générales ou particulières relatives à la conservation, à l'effacement et à la communication de ses données à caractère personnel après son décès (art. 85).

L’utilisateur peut en outre désigner une personne, distincte ou non des héritiers, qui sera en charge de faire respecter ses directives.  

Ces directives, et la désignation de la personne en charge de les exécuter, ne nécessitent pas d’acte notarié, et peuvent donc être réalisées, à l’instar de tout testament olographe, par un acte manuscrit, signé et daté. Toutefois, la loi « Informatique et Libertés » offre la possibilité de les faire enregistrer auprès d'un « tiers de confiance numérique » certifié par la CNIL. 
 

Que se passe t-il en l'absence de directives anticipées ?


A défaut de directive et/ou de désignation d’un exécutant, seuls « les héritiers » pourront exercer les droits dont jouissait le défunt sur ses données personnelles mais exclusivement en vue de : 
 
  • l'organisation et au règlement de la succession du défunt
  • la prise en compte, par les responsables de traitement, de son décès, en vue d’une suppression ou d’une mise à jour « des comptes utilisateurs du défunt » 

La loi Informatique et Liberté précise enfin que les directives données peuvent être générales, ou particulières, c’est-à-dire limitées à un responsable, un traitement ou à un droit par exemple. 

Conscient du peu d’attention portée par les utilisateurs des réseaux sociaux aux conditions générales d’utilisation, le législateur a pris soin de préciser que les directives particulières doivent résulter d’un consentement spécifique de la personne concernée, et surtout qu’elles ne peuvent résulter de la simple acceptation des conditions générales d’utilisation.
 

Un exemple : comment organiser sa "mort numérique" sur FACEBOOK ?


En pratique, et à titre d’exemple, la plateforme FACEBOOK impose ainsi de naviguer dans les méandres des paramètres généraux du compte pour renseigner les « paramètres de commémoration » afin de d’indiquer toute d’abord un « contact légataire » qui aura la charge d’exécuter les directives particulières de l’utilisateur du profil. 

La plateforme propose ensuite deux choix qui s’exerceront post-mortem : « transformer le compte en compte de commémoration » ou « supprimer le compte », afin d’éviter tout risque de quiproquo sur la personne en charge de sa gestion. 

Si toutefois l’utilisateur n’a pas renseigné ces éléments de son vivant, la plateforme FACEBOOK proposera ces mêmes choix à ses héritiers. Pour se faire, les ayant-droits devront fournir un justificatif de leur identité, de leur qualité et bien évidemment du décès. Ils disposeront enfin, sur la même page, de la possibilité de créer une collecte de fonds auprès des autres utilisateurs de FACBOOK pour régler les frais de décès.

Des données disparaissent, d’autres les remplacent. 

Index :

(1)  Conseil d’État, Chambres réunies, Décision nº 386525 du 8 juin 2016
(2)  Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 prise en application de l'article 32 de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles et portant modification de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et diverses dispositions concernant la protection des données à caractère personnel



Cet article a été rédigé par Me Arnaud BOUTON. Il n'engage que son auteur.

 

Auteur

Lyon Cornet Vincent Ségurel
Cabinet(s)
LYON (69)
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