Bien immobilier indivis

Sort du remboursement par un seul indivisaire d’un prêt pour l’acquisition d’un bien indivis

Publié le : 18/02/2022 18 février févr. 02 2022

D’après l’article 815-13 du code civil : « lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien a été augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être également tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorées ».

Mais que doit-on considérer comme dépenses de conservation du bien qui ne soit pas une simple obligation aux charges du mariage ou une obligation d’entretien en indivision ?

La questions s‘est posée pour le remboursement par un seul des prêts contractés par le couple séparé de biens ou l’indivision pour l’acquisition du bien indivis.

Une réponse vient d’être donnée pour les prêts relais par l’arrêt suivant : Cour de cass., Ch. Civ. 1, 26 janvier 2022, 20-17898.

La cause est la suivante : une dame X achète un immeuble en indivision avec deux autres personnes ; le financement est assuré par deux prêts amortissables mais également un crédit relais (contracté dans l’attente de la vente d’un bien) ; Madame X rembourse seule ce crédit relais avec ses deniers personnels.

A la suite d’un jugement ayant ordonné la cessation de l’indivision et le partage un notaire est nommé pour procéder aux opérations et dresse un procès-verbal de difficultés ; Madame X décède et ses héritiers réclament le remboursement du montant versé pour apurer le prêt relais aux coïndivisaires.

Sachant qu’une dépense effectuée par un seul des indivisaires peut avoir des qualifications différentes quelle sera-t-elle dans ce cas ?

La première qualification réduite au seul cas de régime matrimonial séparatiste est celle de contribution aux charges du mariage. En effet suivant le contrat et la clause relative à ces charges le remboursement de l’emprunt fait pour l’acquisition sera considéré soit comme une charge ne constituant pas une créance de l’indivisaire qui a réglé soit comme une créance à lui rembourser.

La deuxième qualification élargie à toutes les indivisions est celle de conservation du bien indivis. En effet selon l’article 815-13 du code civil l’indivisaire qui a par ses fonds propres permis l’amélioration ou la conservation du bien indivis a droit au remboursement de sa créance sur l’indivision. Et cette créance sera égale à la dépense faite ou au profit subsistant selon les critères fixés à l’article 1543 du code civil qui renvoie à l’article 1479 lequel renvoie à son tour à l’article 1469 du même code.

Mais s’agissant d’un prêt remboursé n’est-il pas assimilé à une dépense d’acquisition dont la Cour de cassation rejette qu’elle soit une créance contre l’indivision ? 

En effet si, auparavant, la Cour de cassation avait bien assimilé le remboursement d’un prêt d’acquisition amortissable à une dépense de conservation du bien qui, à défaut de paiement, aurait pu être saisi ou aurait dû être vendu précipitamment à l’amiable (Civ. 1re, 7 juin 2006, n° 04-11.524),  le risque était grand au vu d‘un arrêt de : Civ. 1re, 26 mai 2021, n° 19-21.302 qui affirmait dans un attendu très général que l’article 815-13 ne s’applique pas aux dépenses d’acquisition.

Et un autre danger provenait d’une jurisprudence ne tenant pas compte du financement d’une acquisition indivise pour répartir les parts indivises Civ. 1re, 21 septembre 2016, n° 15-23511 : « Qu'en statuant ainsi, alors que les personnes qui ont acheté un bien en indivision en ont acquis la propriété, sans qu'il y ait lieu d'avoir égard à la façon dont cette acquisition a été financée, la cour d'appel a violé le texte susvisé »).

Une nouvelle interrogation était relative au prêt relais qui n’est pas destiné directement à une acquisition mais à être - comme son nom l’indique - un relais entre la vente d’un précédent immeuble et l’obtention d’un prêt sur le nouvel immeuble.

Mais là aussi par l’arrêt commenté la Cour de cassation décide qu’il s’agit bien d’une créance de l’indivisaire qui a payé : « Ayant relevé qu'[F] [H] avait remboursé le crédit relais le 30 novembre 2006, la cour d'appel en a déduit à bon droit que sa succession était titulaire d'une créance envers l'indivision à hauteur de la somme ainsi payée ».

Comme le dit justement Madame Mélanie Jaoui dans son commentaire de l’arrêt dans le Dalloz actualité du 9 février 2022 joliment intitulé « Qu’importe le flacon, pourvu que l’on finance » : 
« Assez logiquement, la Cour répond positivement car débattre sur « la nature de la dépense faite (dépense d'acquisition ou dépense de conservation) est inutile, dès lors que leur régime est unique, les deniers personnels utilisés par un coïndivisaire en vue de financer une dépense d'acquisition étant assimilés à une dépense de conservation au sens de l'article 815-13 du code civil ».

Reste à savoir à quel moment ce créancier peut espérer être dédommagé. L’on pourrait penser qu’il doit attendre le partage ; pourtant ce n’est pas ce qui résulte des textes.

En effet cet indivisaire créancier peut parfaitement réclamer voire poursuivre le recouvrement avant tout partage sur les biens indivis et, en cas d’insuffisance, sur les biens de l’autre ou des autres indivisaires qu’ils soient ou non issus de l’indivision conformément aux dispositions de l’alinéa 1er de l’article 815-17 du code civil : « Les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, seront payés par prélèvement sur l'actif avant le partage. Ils peuvent en outre poursuivre la saisie et la vente des biens indivis. » 

Après décisions contraires la Cour de cassation a finalement appliqué ce texte (Civ. 1re, 20 févr. 2001, no 98-13.006). 

Enfin quel sera le montant de la créance ? Là l’on constate une querelle de doctrine dont les juristes sont friands.

Pour le Pr Vareille seul le capital doit être remboursé, les intérêts étant sans doute une charge normale de l‘indivision (B. Vareille, La liquidation du profit subsistant au sens de l'article 813-1 : RTD civ. 2017 p. 715).

Mais pour d’autres le remboursement doit comprendre capital et intérêts le paiement des deux ayant permis la conservation de l’immeuble (Mémento Droit de la famille 2020-2021 CHAPITRE 5 - Indivision et partage - dernière mise à jour : 28 janvier 2022).

En effet une saisie de celui-ci peut très bien intervenir pour le paiement des seuls intérêts impayés, mettant en péril la conservation de l’immeuble dans le patrimoine indivis. 


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
PROVANSAL AVOCATS ASSOCIES
MARSEILLE (13)
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