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Locations AIRBNB et sort des sous-loyers

Publié le : 10/11/2023 10 novembre nov. 11 2023

Le 27 octobre 1997, un bailleur a signé avec une locataire un bail portant sur un local à usage d’habitation qui interdisait la sous-location. 

Alléguant que la locataire offrait une partie de son logement en location par l’intermédiaire d’une plateforme dédiée, le bailleur l’a assignée en résiliation du bail et en restitution des fruits civils perçus indûment. 

Par un arrêt en date du 18 janvier 2022, la Cour d’appel de Paris a retenu l’existence de très nombreuses sous-locations illicites, les pièces prouvant que la chambre avait été sous-louée à plus de 313 reprises moyennant le prix de 35€ la nuitée soit un total de 10.955 euros. 

Mais la Cour d’appel a également retenu qu’il fallait déduire de ce montant la valeur des frais exposés par la sous-locataire c’est-à-dire a minima le montant du loyer acquitté par la locataire conformément à l’article 548 du Code civil et que donc le bailleur n’avait droit qu’à une somme de 2.547,82€ au titre des fruits civils. 

Pour rendre sa solution, la Cour de cassation rappelle les articles 548 et 549 du Code civil : 

« Les fruits produits par la chose n'appartiennent au propriétaire qu'à la charge de rembourser les frais des labours, travaux et semences faits par des tiers et dont la valeur est estimée à la date du remboursement ». 

« Le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique ».

La troisième chambre civile considère au visa de ces deux articles que le loyer constitue un fruit civil de la propriété et la locataire, auteur de la sous-location interdite, ne pouvait être possesseur de bonne foi de sorte que la Cour d’appel a violé les articles 548 et 549 du Code civil. 

Ainsi la Cour de cassation casse et annule l’arrêt en ce qu’il a condamné la locataire à verser à son bailleur la somme moindre de 2.547,82 euros au titre de la restitution des fruits. 

Cet arrêt pose ainsi le principe selon lequel, sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire. 

Cette position est conforme aux précédentes décisions rendues par la troisième chambre civile. 

En effet, le principe est de longue date affirmé que le locataire d’un bail à usage d’habitation ne peut pas sous-louer son logement sans l’accord du bailleur, y compris sur le prix du loyer. 

Les juges du fond ont parfois considéré que devaient être déduits des sous-loyers à rembourser au bailleur le montant du loyer versé par le locataire dans les cas où elle n’occupait pas le logement mais le mettait à disposition de sous-locataires (CA Paris, ch. 4-4, 11 janv. 2022, n° 19/04067 CA Paris, ch. 4-4, 18 janv. 2022, n° 20/03672 ; Cass. 3e civ., 22 juin 2022, n° 21-18.612, n° 505 FS - B Cass. 3e civ., 15 févr. 2023, n° 21-25.542). 

Mais la troisième chambre civile estime de jurisprudence constante que les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire et doivent donc lui être remboursés intégralement. 

Ce principe a conduit au remboursement de sommes parfois élevées compte tenu des sous-locations facilitées par l’intermédiaire de nouvelles plateformes en ligne de location (un locataire a notamment été condamné au remboursement de 28.000€ - Cass. 3e civ., 12 sept. 2019, n° 18-20.727, n° 745 FS - P + B + R + I). 

La troisième chambre civile de la Cour de cassation estime en effet que le locataire qui sous-loue sans l’autorisation du bailleur ne peut être considéré comme un possesseur de bonne foi pouvant se prévaloir de l’article 549 du Code civil et doit donc être condamné au remboursement de l’intégralité des fruits perçus. 

Cette solution est originale en ce qu’elle recourt au droit des biens plutôt qu’à la responsabilité contractuelle et à la réparation du préjudice moral pour sanctionner plus fortement les locataires qui pratiqueraient une sous-location non autorisée. 

Si le cas d’espèce était relatif à un immeuble soumis à la loi du 6 juillet 1989, la Cour ne vise pas ce texte et s’appuie sur des règles très générales du bail, de la sous-location et des fruits civils. 

Il est donc permis de penser que la portée de cet arrêt est générale et que le principe pourrait notamment s’appliquer en matière de baux commerciaux. 

Vigilance extrême donc, pour les locataires qui seraient tentés de sous-louer leur appartement ou une partie de celui-ci sans l’accord écrit préalable de leur bailleur ! 


Cour de cassation, 3e chambre civile, 21 Septembre 2023 n°22-18.251
 

Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Judith LEWERTOWSKI
Avocate
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS
PARIS (75)
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