Communication élections et coronavirus

Covid-19 et élections municipales des 27 septembre et 4 octobre 2020 : quid de la communication en période électorale ?

Publié le : 04/05/2020 04 mai mai 05 2020

Le Journal du Dimanche nous apprenait hier, qu’un projet de loi officieux prévoyant le scrutin le 27 septembre et le 4 octobre, aurait été transmis au Conseil d'État. Les électeurs de 4 800 communes dans lesquelles le scrutin n’a pas été acquis au premier tour devront donc se rendre aux urnes pour un « deuxième premier tour » et un second tour.

En effet, les résultats des premiers tours du 15 mars ne seraient ainsi pas pris en compte

Le I de l’article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, dispose que :

« (…). Dans tous les cas, l'élection régulière des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d'arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste acquise, conformément à l'article 3 de la Constitution ».

En rappelant l’article 3 de la Constitution, le législateur avait souhaité être parfaitement clair sur ce point.

L’article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, prévoit dans les cas où un second tour doit être organisé pour attribuer les sièges qui n’ont pas été pourvus le 15 mars, que :

« XII. - Pour l'application du I :

1° La campagne électorale pour le second tour est ouverte à compter du deuxième lundi qui précède le tour de scrutin ;
2° Les interdictions mentionnées à l'article L. 50-1, au dernier alinéa de l'article L. 51 et à l'article L. 52-1 du code électoral courent à compter du 1er septembre 2019 ;
3° La durée de la période prévue à l'article L. 52-4 du code électoral pendant laquelle le mandataire recueille les fonds destinés au financement de la campagne et règle les dépenses en vue de l'élection court à compter du 1er septembre 2019 ;
4° Pour les listes de candidats présentes au seul premier tour, la date limite mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral est fixée au 10 juillet 2020 à 18 heures. Pour celles présentes au second tour, la date limite est fixée au 11 septembre 2020 à 18 heures (…) ».

Ces dispositions rédigées dans la perspective d’un unique second tour, devront donc être modifiées. 

Toutefois, les périodes de communication en période électorale étant ouvertes au 1er septembre de l’année qui précède le scrutin de mars, soit 6 mois avant, cette même période dans la perspective du nouveau scrutin en septembre 2020, serait considérée ouverte depuis le 1er mars !!

Compte-tenu du scrutin de mars 2020, nous serions depuis le 1er septembre 2019 sous le régime juridique de la communication en période électorale, sans discontinuité. 

Les candidats vont donc devoir continuer à assurer leur communication, avec prudence, compte-tenu du fait que les dispositions précitées précisent que les interdictions mentionnées notamment à l’article L. 52-1 courent depuis le 1er septembre 2019.

Autrement dit, depuis le 1er septembre 2019, la communication est réglementée sans interruption. En effet, si la campagne officielle du second tour débutera le deuxième lundi qui précèdera le second tour, le régime juridique de la communication en période électorale s’applique sans discontinuité depuis le 1er septembre 2019, autrement dit, en ce moment même.

L'article L. 52-1 du code électoral, dispose que :

« (...). A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ».

Il résulte de ces dispositions, que depuis le 1er septembre 2019, aucune campagne de promotion de réalisation ou de la gestion d'une collectivité, ne peut être organisée sur son territoire. En d'autres termes, un bilan de mandat ne peut être publié, par exemple dans le journal municipal, depuis le 1er septembre 2019.

Il est parfaitement normal que le maire sortant, candidat à sa succession et toujours en fonction à l’heure actuelle, puisse continuer à communiquer sur les réalisations relevant de la vie institutionnelle de la collectivité et même pendant la période actuelle, notamment pour informer les administrés des mesures sanitaires notamment mises en place. 

Dans le cadre institutionnel de la commune, il communique en tant que maire et non pas en tant que candidat

Dans toutes ses actions de communication (inaugurations, communiqués de presse, réunions publiques…), le maire sortant candidat, doit être prudent et ne pas confondre communication de la collectivité et communication du candidat, même si les évènements sont nécessairement suspendus au cours de la période de confinement.

Le juge de l'élection pourrait le cas échéant, considérer qu’une action de communication a été constitutive d'une communication prohibée, qui aurait été de nature à altérer la sincérité du scrutin. 

Depuis le 1er septembre 2019, la collectivité peut bien entendu continuer à communiquer sur l'ensemble de ses réalisations, sans toutefois prendre la forme d'un bilan. 

Par exemple, les sujets traités dans le bulletin municipal devront être présentés sous un angle purement informatif et institutionnel et correspondre au calendrier déjà établi. Les actions de communication récurrentes doivent reposer les principes d’antériorité et d’identité.

Il convient en effet de ne pas modifier les habitudes générales de communication de la commune. Le contenu du site internet ou du bulletin municipal doit se limiter à des termes mesurés, tout en étant dépourvu de toute polémique électorale, de références aux élections et de présentation sous un aspect "trop positif".

Ainsi, les maires en exercice, candidats à leurs successions doivent faire preuve de retenue dans leur communication sur la crise sanitaire. Ils agissent en tant que maire et non pas en tant que candidat.

Les habitudes de communication sur le site internet ou le bulletin municipal, se traduisent également par les tribunes des groupes politiques et notamment des groupes d’opposition. Ces tribunes d’expression doivent demeurer.

Le maire, directeur de la publication, devra rappeler le cas échéant aux groupes constitués, les règles de communication en période électorale. Il n'est toutefois pas responsable du contenu de ces espaces d'expression. 

En effet, le conseil d'État a rappelé dans l'arrêt n° 353536 du 7 mai 2012, que :

« Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales que la commune est tenue de réserver dans son bulletin d'information municipale, lorsqu'elle diffuse un tel bulletin, un espace d'expression réservé à l'opposition municipale ; que la commune ne saurait contrôler le contenu des articles publiés dans ce cadre, qui n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs ; que dans ces conditions, si de tels articles sont susceptibles d'être regardés, en fonction de leur contenu et de leur date de parution, comme des éléments de propagande électorale de leurs auteurs, ils ne sauraient être assimilés à des dons émanant de la commune, personne morale, au sens des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral ».

En d'autres termes, le maire ne pourra empêcher, même à la veille du second tour, la parution d'une tribune dont les termes seraient de nature à altérer la sincérité du scrutin, en sa défaveur.

Enfin, la question se pose également de la conservation en ligne sur le site internet de la collectivité, d’un bilan de mandat institutionnel, effectué avant le 1er septembre 2019. 

Le Conseil d’Etat a jugé dans l’arrêt n° 239220 du 8 juillet 2002, que :

« que le maintien sur un site Internet, le jour du scrutin, d'éléments de propagande électorale ne constitue pas, lorsqu'aucune modification qui s'analyserait en nouveaux messages n'a été opérée, une opération de diffusion prohibée par les dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 49 ; qu'en conséquence, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le maintien de la page d'accueil du site de M. Z... la veille et le jour du scrutin aurait contrevenu à l'article L. 49 du code électoral ».

Or, dans ce cas d’espèce, le site dont il s’agissait, était un site internet d’un candidat et non pas un site internet institutionnel d’une collectivité. Or, la logique de la consultation d’un site institutionnel est différente pour un administré, de la logique de la consultation d’un site Internet de campagne.

En effet, en consultant le site officiel de la collectivité, l’administré entend rechercher des informations institutionnelles. En consultant le site Internet de campagne, le citoyen électeur entend rechercher des éléments de propagande liés au suffrage.

Ainsi, cette jurisprudence précitée n’est pas transposable aux sites Internet des collectivités et par prudence, il convient de retirer du site Internet de la collectivité, les éléments de bilan institutionnel de mandat, qui auraient été mis en ligne avant le 1er septembre 2019.

Egalement, les maires sont régulièrement sollicités par la presse quotidienne régionale pour évoquer les actions entreprises en termes de gestion de la crise sanitaire. 

L'article L. 52-8 du même code, dispose que :

« Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».

L'article L. 48-1 du code électoral, dispose que :

« Les interdictions et restrictions prévues par le présent code en matière de propagande électorale sont applicables à tout message ayant le caractère de propagande électorale diffusé par tout moyen de communication au public par voie électronique ».

La problématique de la communication du maire sortant candidat par la voie de l'interview de presse, est à analyser à la lumière des dispositions précitées. Il convient de différencier l'interview et le traitement médiatique qui est en sera fait par l'organe de presse, du relais de communication qui en sera assuré par le maire sortant candidat.

Concernant tout d'abord l'interview et la rédaction de l'article, les organes de presse ne relèvent pas des dispositions précitées de l'article L. 52-8 du code électoral. Les organes de presse au sens large, sont indépendants des candidats et ils publient librement à l’occasion de la campagne, des articles sur les candidats ou les élus.

Les articles sont librement rédigés par la presse et l'interviewé, maire sortant candidat, n’est pas responsable de la ligne éditoriale. Pour les interviews et la réalisation des articles à la demande de la presse, seul le prononcé fait foi et le maire sortant candidat n'est pas responsable de la porosité et de la confusion entre l’action de la commune et l’action du candidat.

Le candidat peut donc promouvoir ses réalisations de mandat. Néanmoins afin d'éviter toute problématique de confusion entre la communication institutionnelle (maire) et la communication de conquête de suffrages (candidat), il est préférable qu'il revête la « casquette » de candidat pour s'exprimer et ce, afin de faciliter la communication ultérieure. 

Cette frontière est en effet particulièrement fine entre la communication du maire et la communication du candidat, d'autant plus qu'au cours d'une même interview, le maire sortant candidat sera amené à s'exprimer et en tant que maire et en tant que candidat.

Ainsi, la question à se poser est la suivante : mon propos et ma communication sont-ils destinés à informer les administrés sur la vie municipale et institutionnelle, ou sont-ils destinés à conquérir des suffrages, auprès des électeurs ?

Les maires concernés doivent être vigilants quant à la communication de manière générale en direction de la presse quotidienne régionale, notamment par l'intermédiaire des communiqués de presse. Il est indispensable dans ce procédé de communication, de distinguer la communication institutionnelle de la commune, de la communication du candidat.

Ainsi, en communiquant par voie de communiqué de presse, le maire sortant candidat doit éviter toute confusion et porosité entre son action de mandat et ses propositions de campagne. 

Ainsi très clairement, lorsqu'il communique pour des raisons institutionnelles, le communiqué de presse est adressé par la boîte électronique de la mairie et à l'en-tête communale. 

En revanche, lorsqu'il communique en tant que candidat, notamment pour inviter la presse à une réunion publique, il est particulièrement important que la boîte électronique utilisée soit une boîte électronique dédiée à la campagne et non pas celle du secrétariat de la mairie et sans aucune utilisation du papier en-tête de la commune.

En effet, en cas de difficultés liées à l'altération de la sincérité du scrutin, si le juge administratif était saisi, il serait le cas échéant, amené à définir si le communiqué de presse cherchait à rassembler les suffrages ou à informer les administrés. 

Ce faisceau d'indices serait complété par la nature de l'émetteur du communiqué (la commune ou le candidat), les heures d'envoi du communiqué et l'en-tête du support utilisé.

Également, en application des dispositions précitées, les publireportages sont proscrits. Le candidat ne peut non plus financer son éventuel site Internet par des bannières publicitaires, ni payer de référencement de son site, ni acheter de liens sponsorisés ou de mots-clés, ni publier sur un site tiers.

Si l'institution communale ne peut assurer la communication du maire sortant candidat pour les besoins de sa campagne en promouvant les réalisations et la gestion du mandat, le candidat peut quant à lui parfaitement se prévaloir de ces mêmes réalisations. Dans ces conditions, un article de presse qui demeure purement institutionnel et réalisée à l'occasion d'un événement neutre, habituel et en lien avec une information institutionnelle, pourrait être partagé sur le site Internet de la commune.

En revanche, un article promouvant les réalisations de mandat, doit être impérativement regardé comme réalisé par le candidat et ne peut être partagé sur le site Internet de la commune. Il peut en revanche parfaitement être mis en ligne sur le site Internet du candidat.

A l’issue du scrutin, plus l’écart de voix sera faible, plus la sincérité du scrutin pourrait apparaître comme ayant été altérée. Dans ces conditions, tout procédé de communication pourrait être regardé le cas échéant, par le juge administratif, comme une communication prohibée.

Or, à l’heure actuelle la sagacité des élus dans la gestion de la crise sanitaire sera clairement regardée par les autres candidats et les électeurs. Autant de sujets qui doivent être traités avec toute la mesure qui s’impose, dans un contexte où la date du scrutin reste encore à confirmer.


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

Thomas PORCHET
Avocat
DROUINEAU 1927 - Poitiers, DROUINEAU 1927 - La-Roche-Sur-Yon, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
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