
Un fournisseur peut-il être déclaré responsable du dépôt de bilan de son client ?
Publié le :
11/02/2020
11
février
févr.
02
2020
Un arrêt de la Cour de Cassation du 27 novembre 2019 a estimé qu’un fournisseur de produits avait commis une faute en fournissant à son partenaire commercial une colle et des pochettes adhésives défectueuses en octobre 2004 et en février 2005. En conséquence, il était responsable de la liquidation judiciaire de sa cliente survenue en 2009 , compte tenu des difficultés économiques et financières que ces désordres avaient occasionnés.
Quels étaient les faits ?
La société Applications adhésives de l'Artois (la société 3A) installée à Annezin dans le Pas de Calais, dont la holding était la société MPH développement (la société MPH), dont le capital était partagé entre MM. I... et J... M..., avait pour activité la fabrication et la commercialisation de sacs fermants et auto-fermants, ainsi que de pochettes en plastique auto-adhésives pour les documents de transport, bons de livraison et factures destinés au transport de colis.Dans le cadre de son activité, la société 3A s'approvisionnait auprès de la société Bostick, leader mondial dans les solutions de collage .
A compter du mois de novembre 2004 et au début de l'année 2005, la société 3A s'est plainte de ce que la nouvelle formule de colle, référencée TLH 4119, ne présentait pas les qualités adhésives requises, au point que plusieurs millions de produits adhésifs lui avaient été retournés par ses clients.
Le 28 avril 2005, la société 3A a assigné la société Bostik en réparation de ses préjudices, avant d'être mise en redressement judiciaire le 27 juillet 2005. Le représentant des créanciers a mandaté M. U...-Q... en qualité d'expert amiable pour évaluer les préjudices de la société 3A Un jugement du 1er juin 2006 a ordonné une expertise confiée à M. D..., afin de déterminer l'origine des désordres et d'évaluer les préjudices.
La société 3A a bénéficié d'un plan de continuation le 19 juillet 2006, puis été mise en liquidation judiciaire le 17 avril 2009, M. T... étant nommé liquidateur. Après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, un arrêt du 2 septembre 2010, devenu irrévocable, a précisé que la société Bostik était tenue de réparer l'ensemble du préjudice de la société 3A résultant du vice affectant la colle qu'elle lui avait vendue. Le 14 février 2011, la société MPH et MM. I... et J... M... ont assigné la société Bostik en indemnisation de leurs préjudices, sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Cette instance a été jointe à celle introduite par la société 3A et reprise par son liquidateur.
Quelle est la solution retenue par la cour de cassation ?
La Cour de cassation énonce que les constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, consistant en la possibilité de conclure un nouveau contrat avec un tiers, la cour d'appel a pu retenir que la société 3A avait subi une perte de chance, qu'elle a indemnisée.L'arrêt en déduit que les quelques valeurs comptables sur la situation financière de la société 3A avant le sinistre n'établissent pas les causes sous-jacentes d'une cessation de paiement à venir de la société 3A, qu'en revanche, les préjudices reconnus à concurrence de la somme totale de 1 337 460,82 euros au titre des conséquences directement imputables au vice caché concernant la colle, a affecté les trois années d'activité de la société 3A en 2005, 2006 et 2007, dont plus de la moitié dès la première année, et que le refus de la société Bostik de reconnaître sa responsabilité autrement que par les voies judiciaires a placé la société 3A dans l'impossibilité de répondre du passif exigible, au point qu'elle a dû être mise en liquidation judiciaire.
La Cour retient qu'en l'état de ces constatations et appréciations, qui font ressortir l'existence d'un lien de causalité entre la faute commise par la société Bostik dans la fourniture d'une colle défectueuse et la mise en liquidation judiciaire de la société 3A, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Christophe Delahousse
Avocat
Cabinet Chuffart Delahousse, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
ARRAS (62)
Historique
-
Une société peut-elle se substituer à son fondateur dans l’exécution d’un bail sans qu’il y ait eu de formalité de reprise des actes ?
Publié le : 17/03/2020 17 mars mars 03 2020Actualités EUROJURISEntreprises / Contentieux / Justice commercialeUn arrêt de la Cour de Cassation du 15/01/2020 a répondu par l’affirmative et a estimé que lorsqu’un un bail commercial conclu par le fondateur d’une socié...
-
Apple tenue au paiement d’une amende de 25 millions d’euros : une première sanction en matière d’obsolescence programmée ?
Publié le : 24/02/2020 24 février févr. 02 2020Entreprises / Contentieux / Justice commercialeLes plaintes déposées par l’association HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée) commencent à porter leurs fruits. Saisi par cette dernière en décembre 2017...
-
Un fournisseur peut-il être déclaré responsable du dépôt de bilan de son client ?
Publié le : 11/02/2020 11 février févr. 02 2020Entreprises / Contentieux / Justice commercialeUn arrêt de la Cour de Cassation du 27 novembre 2019 a estimé qu’un fournisseur de produits avait commis une faute en fournissant à son partenaire commerci...
-
La Saga Tapie : quels sont les derniers rebondissements ?
Publié le : 22/11/2019 22 novembre nov. 11 2019Entreprises / Contentieux / Justice commercialeLes démêlés d’un « sauveur d’entreprise » confronté désormais à une procédure de redressement judiciaire. Lire les articles précédents : Affaire...
-
Contrat entre un Club de football et un équipementier : comment juger si une offre est plus intéressante qu’une autre ?
Publié le : 30/09/2019 30 septembre sept. 09 2019Entreprises / Marketing et ventes / Contrats commerciaux/ distributionEntreprises / Contentieux / Justice commercialeDans le cadre d’un litige entre un club de football et son partenaire maillot, la Cour de cassation a été saisie : la question soulevée devant elle était d...
-
Affaire Tapie (8) : Qui sont les acteurs de la saga Tapie ?
Publié le : 09/08/2019 09 août août 08 2019Entreprises / Contentieux / Justice commercialeAprès la parole donnée à Bernard Tapie, découvrons qui sont les acteurs de cette grande saga... Lire les articles précédents : Affaire Tapie...
-
Dette engagée par le dirigeant caution de ses sociétés et procédure de surendettement
Publié le : 29/07/2019 29 juillet juil. 07 2019Particuliers / Consommation / Contrats de vente / PrêtsEntreprises / Contentieux / Justice commercialeCommentaire de l'arrêt Cass. Civ. 2ème 6 juin 2019 F- P + B + I n°18-16.228 La Cour de Cassation dans un arrêt du 6 juin 2019 vient confirmer une jurisp...