La contractualisation à marche forcée

La contractualisation à marche forcée

Publié le : 18/10/2011 18 octobre oct. 10 2011

La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche entend répondre aux inquiétudes du monde agricole face au nouveau climat de concurrence accru dans lequel doivent évoluer les agriculteurs français.

La loi de modernisation de l'agriculture et les revenus agricoles1- Vers une régulation du négoce agricole

La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010, entend répondre aux inquiétudes du monde agricole face au nouveau climat de concurrence accru dans lequel doivent évoluer les agriculteurs français, avec comme perspective inquiétante la PAC de l'après 2013.
Une fois encore, l'objectif premier de cette loi semble être de garantir aux exploitants agricoles un revenu, en offrant aux producteurs des outils leur permettant d'exister au sein du système économique agricole et de peser sur les marchés afin de limiter autant que possible la volatilité des cours.

Car en matière de revenus agricoles, le constat est alarmant : en 2010, le revenu moyen par actif agricole s’est élevé à 24.300€, contre 11.300 € en 2009. Si la progression peut sembler importante, le différentiel entre 2009 et 2010 en dit long sur le climat d’insécurité qui entoure les exploitants agricoles, soumis aux influences conjuguées des marchés des matières premières, des cours mais aussi de la météo.

Il fallait donc pour le législateur intervenir pour réguler les relations commerciales entre le producteur et le premier acheteur, en offrant au producteur, d'une part, nous y reviendrons, le soutien d'un groupement de producteurs ou d'une interprofession, mais aussi, d'autre part, un cadre formel sécurisant, lui permettant de négocier plus justement et plus durablement le prix de vente des produits agricoles.
Les reproches adressées habituellement au contrat d'intégration appelaient nécessairement une refondation des bases contractuelles entre producteurs et acheteurs, excluant toute notion d'intégration et donc de dépendance économique du producteur.

Hors ces hypothèses d'intégration, qui constituent un schéma classique et répandu dans le paysage agricole français, le producteur vendeur se retrouve en effet confronté dans ses relations avec les acheteurs au droit commun de la vente, tel qu'il découle du droit civil. Dépourvu de tout cadre juridique contraignant au stade de la négociation, le producteur vendeur peut mesurer la fragilité de sa situation.
Car en effet, une simple revue des forces en présence permet de se rendre compte du déséquilibre manifeste existant entre les différents acteurs, producteurs d'une part, et acheteurs d'autre part.
La loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006, complétée par la Loi Chatel du 3 janvier 2008, avait prévu que les accords conclus dans le cadre des interprofessions puissent être étendus et donc rendus obligatoires par décret lorsque ceux-ci ont vocation à favoriser le développement de relations contractuelles, notamment par des contrats types.

Mais le texte, dont la vertu devait être de permettre le développement des contrats, ne prévoyait pas en son sein d'obligation pour les parties de contractualiser leurs relations.
Le producteur ne pouvait donc pas bénéficier de la protection systématique d'un contrat pour sécuriser ses débouchés et ses revenus de manière durable.
La loi de modernisation de l'agriculture du 27 juillet 2010 vient offrir au monde agricole et au négoce agricole un nouveau cadre pour ses échanges.

Pour Monsieur Bruno Le Maire, Ministre de l'Agriculture, cette loi entend consacrer "les véritables valeurs du modèle de développement français en matière d'agriculture, en redonnant, par le biais de la contractualisation des échanges, une vraie force de négociation aux producteur leur permettant de sécuriser le prix, la durée et le volume de la production agricole française, mais enfin, finalité ultime, un revenu décent pour tous les agriculteurs français".
L'article 12 de la loi de modernisation agricole crée une nouvelle section dans le code rural, insérée au sein du chapitre 1er du titre III du livre VI du code rural, consacrée aux "contrats de vente de produits agricoles", codifiée aux articles L.631-24 à L.631-26 du code rural.
Désormais, des contrats de vente de produits agricoles, d’une durée de un à cinq ans, peuvent être rendus obligatoires, les dispositions régissant ces contrats étant d'ordre public.


2 – Champ d’application et modalités de mise en œuvre

Ce premier article L.631-24 du code rural définit le champ d'application de la contractualisation et précise les modalités de mise en œuvre.
Le contrat écrit devient règle pour les produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation sur le territoire français, dès lors qu'un accord interprofessionnel a été homologué ou étendu, ou qu'un décret en conseil d'état est venu rendre obligatoire la contractualisation. L'obligation de contractualisation n'est donc pas générale, mais devient impérative dès lors qu'existe un texte d'application, accord interprofessionnel ou décret.
Ceci signifie, en cette dernière hypothèse, qu'exception faite de la vente directe et des cessions de produits à destination des associations caritatives venant en aide aux démunis, le contrat devient la règle d'or des échanges, protégée par des dispositions d'ordre public.

Les acheteurs visés par le nouveau régime de contractualisation sont en réalité tous les acheteurs, qu'ils soient grossistes, transformateurs, distributeurs, ou encore coopératives et organisations de producteurs, auprès desquelles la majorité des producteurs écoulent aujourd'hui leur production.
C'est sur eux que pèse l'obligation de contractualisation. Pour la remplir, ces acheteurs devront proposer un contrat à producteur vendeur, dont les clauses seront conformes au contrat type en vigueur dans la filière.
S'agissant des coopératives, il leur appartiendra de s'assurer qu'elles ont bien remis à leurs associés un exemplaire des statuts intégrant les clauses obligatoires des contrats types existant pour la filière. C'est à cette seule condition que les coopératives pourront justifier avoir émis une proposition écrite auprès du producteur. (1)
A défaut, les sanctions de l'article L. 631-25 du code rural seraient encourues.

Car en effet, il paraît certain que le législateur a entendu soumettre à l'obligation de contractualisation tant la relation producteur - groupement de producteurs que la relation groupement de producteurs - acheteur.
Ainsi que le fait justement remarquer Jean Jacques BARBIERI la contractualisation a donc également vocation à s'appliquer au second degré, c'est à dire entre les coopératives collectantes et les structures commerciales avec qui elles entrent en relation pour la revente des produits issus de ses associés et adhérents. (2)
Il semble donc bien que tous les opérateurs visés à l'article L.551-1 du code rural, c'est à dire les sociétés coopératives agricoles et leurs unions, les SICA, les associations, les sociétés commerciales et les groupements d'intérêt économique soient concernés par ce nouveau régime de contractualisation dès lors que leur objet social est consacré à la revente des produits agricoles visés par les dispositions de la loi.
Mais ce dispositif apparaît d'autant plus important qu'il a également vocation à s'appliquer au delà de nos frontières, dans la mesure où le législateur a clairement souhaité le rendre applicable aux ventes de produits agricoles "livrés sur le territoire français".


3- Les filières concernées

S'agissant des filières concernées, le contrat de vente peut s'imposer aux parties par extension ou homologation d'accords interprofessionnels, et à défaut par décret en conseil d'état, l'intervention étatique n'étant envisagée que de manière supplétive, l'éventuel décret s'effaçant en cas d'accord interprofessionnel.
C'est ainsi que la loi prévoit que la liste des produits concernés par une obligation de proposition écrite serait arrêtée avant le 1er janvier 2013.
Pour l'heure, seuls deux secteurs sont concernés par des décrets : les fruits et légumes frais d'une part, le lait de vache d'autre part.

a) les fruits et légumes frais
Le décret n° 2010-1754 du 30 décembre 2010 (3) rend applicable l'engagement contractuel pour le secteur des fruits et légumes frais à compter du 1er mars 2011. Il est codifié aux articles R.631-11 et suivants du code rural.
Il ressort des dispositions de l’article R.631-14 du code rural que :

« Les contrats mentionnés à l'article R. 631-11 doivent comporter :
1° La mention de la durée du contrat, qui ne peut être inférieure à trois ans, et, le cas échéant, les conditions de son renouvellement ;
2° Les volumes et caractéristiques des produits à livrer.
Le contrat précise à cette fin :
a) Le volume de fruits et légumes qui engage les parties, le cas échéant décliné par sous-périodes ;
b) Les conditions dans lesquelles ce volume peut être ajusté, le cas échéant par sous-périodes, à la hausse ou à la baisse en précisant les marges d'évolution tolérées ou prévues ;
c) Les caractéristiques des produits faisant l'objet du contrat de vente ;
d) Le cas échéant, les modes de valorisation mentionnés aux articles L. 640-1 et suivants applicables aux produits fournis ;
e) Les règles applicables lorsque le producteur dépasse ou n'atteint pas le volume défini ou lorsque les produits livrés ne répondent pas aux caractéristiques définies et lorsque l'acheteur ne respecte pas ses engagements. Ces règles peuvent prévoir les cas de force majeure, notamment les situations d'aléa climatique ;
Les modalités de collecte ou de livraison des produits.
Le contrat précise à cette fin les obligations du vendeur et de l'acheteur, notamment les conditions d'accès à la marchandise, les conditions d'expédition et d'enlèvement ou de livraison de la marchandise ;
Les modalités et critères de détermination du prix par produit, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce ;
5° Les modalités de facturation par le producteur et de paiement par l'acheteur des produits vendus, conformes aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, ainsi que les informations figurant sur la facture que les parties ne peuvent transmettre à des tiers et, le cas échéant, les conditions dans lesquelles le versement d'acomptes est prévu, leur montant déterminé et les conditions dans lesquelles le solde est versé ;
6° Les modalités de leur révision, y compris la fixation d'un délai de préavis ; cette révision fait l'objet d'un avenant écrit signé des deux parties ;
Les modalités de résiliation du contrat et le préavis de rupture, dont la durée ne peut être inférieure à
quatre mois ».

Ces quelques données nous permettent de mieux cerner l'absolue nécessité d'organiser le marché des fruits et légumes dès lors que la majorité des produits est écoulée auprès d’opérateurs puissants que sont les grossistes et les centrales d'achat.
Ces éléments nous permettent également de comprendre que le processus de contractualisation souhaité par le législateur ne va pas créer la relation contractuelle entre le producteur et le premier acheteur, mais va l'encadrer dans des conditions censées permettre la régulation du marché des fruits et légumes au bénéfice du producteur, de façon que celui-ci voit ses revenus garantis sur le long terme, et ne soit plus dépendant de l'extrême volatilité des cours ou encore des éventuelles catastrophes climatiques, de plus en plus fréquentes ces dernières années.
Il faut envisager le souhait du législateur d'encadrement des contrats de vente comme une volonté de faire partager par tous les acteurs de la filière les risques économiques inhérents à une activité reposant sur un cycle biologique ou animal, fragile et aléatoire par nature.

b) Le lait de vache
Le décret n° 2010-1753 du 30 décembre 2011 (4) étend l'application du régime contractuel d'ordre public à tous les contrats de vente de lait de vache à compter du 1er avril 2011.
Les dispositions de ce décret sont codifiées aux articles R.631-7 et suivants du code rural.
Le produit concerné, au terme de l'article R. 631-7 du Code rural, est:

« Lait de vache : le produit provenant d'une ou plusieurs traites d'une ou plusieurs vaches, refroidi, auquel rien n'a été ajouté ni soustrait et qui n'a subi aucun traitement ».
En vertu de l'article R.631-10 du Code rural :
« Les contrats mentionnés à l'article R. 631-8 comportent au minimum :
1° La mention de la durée du contrat, qui ne peut être inférieure à cinq ans, et, le cas échéant, les conditions de son renouvellement ;
2° Les volumes et les caractéristiques du lait à livrer.
Le contrat précise à cette fin :
a) - le volume de lait à livrer par le producteur pour chacune des périodes de douze mois du contrat ainsi que, le cas échéant, les volumes par sous-périodes d'une durée minimale d'un mois, et les marges à l'intérieur desquelles le volume livré peut varier ;
- les conditions dans lesquelles le volume prévu par période de douze mois peut être ajusté à la hausse ou à la baisse et, le cas échéant, les conditions dans lesquelles le volume prévu par sous-périodes est, en conséquence, ajusté.
Jusqu'à la fin du régime de quotas laitiers prévu par le règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil mentionné à l'article R. 631-7, le volume prévu par période de douze mois est établi par référence au quota individuel du producteur ;
b) Les caractéristiques du lait à livrer ;
c) Les règles applicables lorsque le producteur dépasse ou n'atteint pas, en tenant compte des marges prévues au a, le volume défini ou lorsque le lait livré ne répond pas aux caractéristiques définies en application du b ;
d) Les règles applicables lorsque l'acheteur ne respecte pas, en tenant compte des marges prévues au a, ses engagements d'achat ;
3° Les modalités de collecte.

Le lait, objet du contrat, est mis à disposition de l'acheteur selon des conditions fixées par ce contrat. Le contrat précise, à cette fin, les obligations qui incombent, sauf circonstances exceptionnelles prévues dans le contrat, au vendeur et à l'acheteur, notamment les conditions d'accès à la marchandise, la fréquence et les plages horaires de collecte, les conditions d'enlèvement de la marchandise et la procédure mise en place pour l'échantillonnage et la mesure de la qualité et de la composition du lait.
A chaque enlèvement de marchandise, la quantité collectée est notifiée par l'acheteur au producteur sous la forme d'un bon de livraison ;
Les modalités de détermination du prix du lait, conformes aux dispositions des articles L. 654-30 et D. 654-29 à D. 654-31 ainsi que, le cas échéant, aux dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce.
Le contrat fixe les critères et les références pris en compte pour la détermination du prix de base du lait. Il peut faire référence aux dispositions de l'article L. 632-14 du présent code, ou à tout autre indicateur ou référence pertinent,
sous réserve que les modalités de détermination du prix fassent l'objet d'une description détaillée.
Le contrat précise également les modalités selon lesquelles ce prix prend en compte les caractéristiques particulières du lait ou de l'exploitation.
Il prévoit les modalités selon lesquelles le producteur est informé, avant le début de chaque mois, du prix de base qui sera appliqué pour les livraisons du mois considéré ;
5° Les modalités de facturation et de paiement du lait.
Le contrat prévoit à cette fin :
- les modalités de facturation par le producteur et de paiement par l'acheteur du lait collecté, conformes aux dispositions législatives et réglementaires, le cas échéant, l'existence d'un mandat de facturation et les délais de paiement ;
- les informations figurant sur la facture que les parties ne peuvent transmettre à des tiers ;
- si des acomptes sont prévus, les conditions dans lesquelles ceux-ci sont déterminés et les conditions dans lesquelles le solde est versé ;
6° Les modalités de révision du contrat.
Toute modification du contrat est faite par avenant écrit et signé des deux parties en respectant les préavis définis dans le contrat ;
Les modalités de résiliation du contrat par l'une ou l'autre des parties, et notamment la durée du préavis de rupture qui ne peut être inférieure à douze mois, sans préjudice, le cas échéant, des dispositions de l'article R. 522-8
».

On notera avec intérêt que le législateur a souhaité subordonner le prix du lait objet du contrat de vente à la qualité du produit, à ses caractéristiques.
Le prix définitif du lait vendu dépendra donc, d'une part, des caractéristiques qualitatives du lait, à savoir la teneur du lait en matière grasse et en matière azotée, et d'autre part, des caractéristiques hygiéniques et sanitaires du produit, lesquelles seront évaluées par référence aux dispositions du Règlement CE n° 853/2004 du 29 avril 2004 relatif aux denrées alimentaires d'origine animales. La section 9 de ce règlement, qui constitue l'une des composantes du paquet hygiène, fondé sur le règlement fondateur "Law Food" 178/2002 du 28 janvier 2002, fixe les conditions dans lesquelles les qualités hygiéniques des produits laitiers sont contrôlées.
S'agissant des dispositions transitoires, il est prévu, pour les contrats encours se poursuivant au delà du 1er juillet 2011, un avenant soit proposé par l'acheteur au vendeur, permettant là encore la mise en conformité du contrat avec le nouveau régime de contractualisation obligatoire (5).

c - Le secteur ovin
On pourra également signaler que l'autorité de la concurrence a été saisie d'une demande d'avis relative à un accord interprofessionnel définissant les clauses obligatoires devant figurer dans les contrats de vente dans le secteur ovin. Dans son avis en date du 15 février 2011, elle a réservé un avis favorable à la demande, dès lors que l'objectif de l'accord semblait être la régulation des quantités à produire. Cependant, l'autorité de la concurrence a tenu à mettre en garde les opérateurs contre une déviance qui pourrait consister à fixer des recommandations de prix qui pourraient s'imposer aux cocontractants.

Car en effet, le phénomène de contractualisation, couplé avec le développement et le renforcement des groupements de producteurs, pourrait nécessairement avoir comme effet pervers de favoriser une coordination des prix entre les acheteurs.
Cette décision reflète le souhait du législateur de réguler au maximum le marché des produits agricoles en offrant aux producteurs non seulement une garantie sur leurs débouchés, en terme de quantités écoulées et de prix, mais également une garantie de pouvoir librement négocier les prix.


4 - La résiliation des contrats

La résiliation des contrats, dont la rédaction est aujourd'hui obligatoire, n'a été que peu évoquée par le législateur.
Celui-ci s'est contenté de fixer la durée du préavis de résiliation à 12 mois minimum dans le secteur laitier, et 4 mois minimum dans le secteur des fruits et légumes.
Toutefois, il est possible de s'interroger sur les circonstances de cette résiliation.
Soit il s'agit d'une résiliation en fin de contrat, dont la vertu ne serait que d'éviter le renouvellement, soit il s'agit d'une résiliation sanction, en cours de contrat, dont la cause résiderait dans un manquement de l'une ou de l'autre des parties.
Si le renvoi, dans le décret laitier, aux dispositions de l'article R. 522-8 du Code rural relatives à l'exclusion des coopérateurs pour des raisons graves laisse plutôt penser à l'hypothèse d'une résiliation en cours de contrat, les délais aménagés pour cette résiliation paraissent eux renvoyer à un préavis de fin de contrat, le code civil ne prévoyant pas, dans les contrats civils, de délai particulier pour résilier dès lors que l'une des parties se rend coupable d'agissements suffisamment graves pour que l'autre partie puisse constater ou faire constater la résiliation immédiate du contrat.
Il appartiendra à la jurisprudence de préciser le régime de cette résiliation en considération des dispositions législatives.


5- Les sanctions

Les sanctions prévues par le code rural permettent de garantir l'effectivité des mesures prises.
Il est ainsi prévu par les dispositions de l'article L.631-25 du code rural une amende pouvant aller jusqu'à 75000 € par producteur et par an, avec doublement en cas de récidive dans un délai de deux ans, pour tous les cas où il ne serait pas remis au vendeur de proposition de contrat écrit, si une ou plusieurs clauses écrites font défaut, ou encore si la convention n'est pas conforme au contrat type visé à l'article L.631-24.
Il appartient donc à l'acheteur de proposer au producteur un contrat respectueux des stipulations de l'accord interprofessionnel ou des dispositions du décret en conseil d'état. L'obligation de contractualisation pèse donc entièrement sur l'acheteur, le producteur ayant quant à lui "la faculté de refuser ce contrat" comme l'a rappelé Bruno Le Maire.
C'est cette liberté offerte aux producteurs qui doit aujourd'hui permettre d'exclure la formation d'un contrat d'intégration. Eu égard à la concentration des acheteurs dans certaines filières, on peut malgré tout douter de la réelle capacité des producteurs à refuser un contrat. Plus que le dispositif de contractualisation lui-même, c'est la force de négociation des producteurs, au sein des groupements, qui leur permettra de négocier.
S'agissant de la mise en œuvre de ces sanctions, le texte donne pour mission à la DGCCRF et aux agents du Ministère de l'Agriculture de rechercher et de sanctionner les éventuels manquements à cette obligation contractuelle.

* * *

La volonté de contractualiser le négoce agricole est louable, et mérite d'être saluée, dans la mesure où l'objectif poursuivi par le législateur est de rééquilibrer les rapports de force existant entre les producteurs et les acheteurs, c'est à dire principalement les opérateurs de la grande distribution.
A cet égard, on ne peut que saluer cet effort tendant à redonner aux agriculteurs une place de choix dans la négociation du prix de vente de leurs produits.
Dans ce cadre, il semble urgent de compléter utilement le dispositif afin de pouvoir faire de la contractualisation une règle effectivement applicable dans toutes les filières, à moins que certaines ne puissent s'accommoder du consensualisme, sans que cela ne vienne préjudicier aux intérêts des producteurs.
Malgré tout, on peut légitimement s'interroger sur ce que sera l'impact réel de la contractualisation sur le marché, et sur la situation des agriculteurs producteurs. Car en effet, si la rédaction d'un contrat pourra permettre aux agriculteurs de sécuriser leurs débouchés tant sur un plan quantitatif que s'agissant du prix, il paraît utopique de penser que la seule forme du contrat redonnera au producteur un poids plus important au moment de fixer le prix, ou tout du moins de négocier les conditions et modalités de fixation de celui-ci.

En matière d'élevage de porcs, par exemple, on sait que quasiment 95 % des relations sont d'ores et déjà contractualisées. Or, ce n'est pas pour autant que ces relations commerciales sont équitables. A cet égard, il semble que dans ce secteur, fasse défaut une véritable force de négociation avec les acheteurs, que sont pour la plus grande part les abattoirs.
La contractualisation apparaît dès lors plus comme l'un des outils devant permettre aux agriculteurs de sécuriser leurs débouchés et de pérenniser leurs exploitations, en limitant autant que possible la volatilité des prix.
Mais sans un développement et un renforcement du rôle des organisations de producteurs, il est évident que la place des agriculteurs dans le négoce agricole n'en sera pas de facto améliorée dès lors que les rapports de force des producteurs et de la grande distribution sont déséquilibrés, ainsi que nous l'avons déjà dit.

Pour cette raison, il est impératif de pouvoir offrir aux producteurs le soutien d'une nouvelle organisation des filières de production, afin que l'acheteur, qui a l'obligation de proposer le contrat au producteur, ne se trouve dans une position d'imposer le contrat.
C'est pourquoi le législateur a complété le dispositif en introduisant de nouvelles dispositions censées renforcer les organisations de producteurs et les organisations interprofessionnelles.
Car ce n'est qu'à ce prix que les agriculteurs producteurs pourront être de taille à lutter avec leurs partenaires au moment de la rédaction de leurs contrats.


Index:
(1) J.J. BARBIERI, Négoce Agricole et Filières, RD Rur., Octobre 2010, Etudes n°17, p.36.
(2) Revue de droit rural - oct.2010, n° 386, p.37
(3) D. n° 2010-1754 du 30 décembre 2010, pris pour l’application de l’article L 631-24 du Code rural et de la pêche maritime dans le secteur des fruits et légumes, JORF du 31 décembre 2010.
(4) D. n° 2010-1754 du 30 décembre 2010, pris pour l’application de l’article L 631-24 du Code rural et de la pêche maritime dans le secteur laitier, JORF du 31 décembre 2010.
(5) Dictionnaire Permanent Janvier 2011, p.3

Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © auremar - Fotolia.com

Auteur

DERVILLERS Julien

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