Cautionnement : manquement au devoir de mise en garde de la banque et appréciation de la proportionnalité
Publié le :
14/11/2022
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2022
Par un arrêt de la première chambre civile, du 28 septembre 2022, la Cour de cassation est venue préciser que lorsqu'une caution invoque un manquement de la banque à son devoir de mise en garde en application de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les parts sociales dont elle est titulaire au sein de la société cautionnée doivent être prises en considération pour apprécier ses capacités financières au jour de son engagement.En l'espèce, une banque a consenti à une SCI un prêt immobilier, garanti par le cautionnement solidaire d’une caution professionnelle et d'une caution personne physique.
À la suite de la défaillance de la SCI dans le remboursement du prêt, la banque a prononcé la déchéance du terme.
Après avoir payé le solde du prêt à la banque, la caution professionnelle a assigné la SCI et la caution en paiement, lesquelles ont appelé la banque en intervention forcée et garantie, en invoquant une disproportion de l'engagement de caution (A) et un manquement de celle-ci à son devoir de mise en garde (B).
A/ Sur la proportionnalité du cautionnement
La cour d'appel avait condamné solidairement la caution personne physique et la SCI à payer à la caution personnelle les sommes qu'elle a acquittées, retenant que la caution n'était pas fondée à opposer à son cofidéjusseur les exceptions qu'elle aurait pu opposer à la banque, notamment au titre du caractère disproportionné de son engagement de caution.La Cour de cassation censure la décision d'appel aux motifs que selon l'article L. 341-1 du Code de la consommation devenu L. 332-1 dudit code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Par ailleurs, selon l'article 2310 du Code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2021-1192 du 15 sept. 2021, lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette, a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion.
Il en résulte que la sanction prévue à l'article L. 341-1 du Code de la consommation prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire, que ce soit sur le fondement de leur recours subrogatoire ou personnel.
Ce faisant, la Cour rappelle que la caution qui a payé le créancier puisse se voir opposer par son cofidéjusseur les exceptions qui lui sont purement personnelles, comme par exemple la disproportion de l'engagement de caution et censure l’arrêt d’appel.
B/ Sur le manquement au devoir de mise en garde
La cour d'appel a condamné la banque à payer à la caution des dommages-intérêts en réparation d'un manquement au devoir de mise en garde, en retenant que, si l'opération ne comportait pas de risque excessif pour la SCI, en revanche, la caution, qui n'était pas avertie, avait souscrit un engagement disproportionné à ses biens et revenus, dès lors qu'elle disposait d'un certain revenu mensuel, remboursait mensuellement des prêts à une certaine hauteur, était propriétaire d'un bien immobilier constituant sa résidence principale grevé d'un emprunt et que son patrimoine, net, était largement inférieur à l'engagement souscrit.La Cour de cassation censure cette décision, considérant classiquement qu'il résulte de l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction applicable que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.
La Cour énonce que les parts sociales dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses capacités financières au jour de son engagement.
Dès lors, la cour d'appel qui n'a pas recherché, comme il le lui était demandé, si la caution n'était pas également titulaire des parts de la SCI cautionnée n'a pas donné de base légale à sa décision.
Cette solution s’inscrit dans la lignée de celle que nous avons eu le plaisir d’évoquer ici l’année dernière toutefois, il n’était alors question que de proportionnalité de l’engagement de caution, de telle sorte que la Cour de cassation affine encore sa jurisprudence sur le sujet, ce qui est bienvenue.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Maxime HARDOUIN
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